Author: | André Gide | ISBN: | 1230001445091 |
Publisher: | CP | Publication: | November 28, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | André Gide |
ISBN: | 1230001445091 |
Publisher: | CP |
Publication: | November 28, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Je donne ce livre pour ce qu’il vaut. C’est un fruit plein de cendre amère ; il est pareil aux coloquintes du désert qui croissent aux endroits calcinés et ne présentent à la soif qu’une plus atroce brûlure, mais sur le sable d’or ne sont pas sans beauté.
Que si j’avais donné mon héros pour exemple, il faut convenir que j’aurais bien mal réussi ; les quelques rares qui voulurent bien s’intéresser à l’aventure de Michel, ce fut pour le honnir de toute la force de leur bonté. Je n’avais pas en vain orné de tant de vertus Marceline ; on ne pardonnait pas à Michel de ne pas la préférer à soi.
Que si j’avais donné ce livre pour un acte d’accusation contre Michel, je n’aurais guère réussi davantage, car nul ne me sut gré de l’indignation qu’il ressentait contre mon héros ; cette indignation, il semblait qu’on la ressentit malgré moi ; de Michel elle débordait sur moi-même ; pour un peu l'on voulait me confondre avec lui.
Mais je n’ai voulu faire en ce livre non plus acte d’accusation qu’apologie, et me suis gardé de juger. Le public ne pardonne plus aujourd’hui que l’auteur, après l’action qu'il peint, ne se déclare pas pour ou contre ; bien plus, au cours même du drame on voudrait qu’il prît parti, qu’il se prononçât nettement soit pour Alceste, soit pour Philinte, pour Hamlet ou pour Ophélie, pour Faust ou pour Marguerite, pour Adam ou pour Jéhovah. Je ne prétends pas, certes, que la neutralité (j’allais dire: l’indécision) soit signe sûr d’un grand esprit ; mais je crois que maints grands esprits ont beaucoup répugné à… conclure — et que bien poser un problème n'est pas le supposer d’avance résolu.
C'est à contre-cœur que j’emploie ici le mot « problème ». À vrai dire, en art, il n’y a pas de problèmes — dont l’œuvre d’art ne soit la suffisante solution.
Je donne ce livre pour ce qu’il vaut. C’est un fruit plein de cendre amère ; il est pareil aux coloquintes du désert qui croissent aux endroits calcinés et ne présentent à la soif qu’une plus atroce brûlure, mais sur le sable d’or ne sont pas sans beauté.
Que si j’avais donné mon héros pour exemple, il faut convenir que j’aurais bien mal réussi ; les quelques rares qui voulurent bien s’intéresser à l’aventure de Michel, ce fut pour le honnir de toute la force de leur bonté. Je n’avais pas en vain orné de tant de vertus Marceline ; on ne pardonnait pas à Michel de ne pas la préférer à soi.
Que si j’avais donné ce livre pour un acte d’accusation contre Michel, je n’aurais guère réussi davantage, car nul ne me sut gré de l’indignation qu’il ressentait contre mon héros ; cette indignation, il semblait qu’on la ressentit malgré moi ; de Michel elle débordait sur moi-même ; pour un peu l'on voulait me confondre avec lui.
Mais je n’ai voulu faire en ce livre non plus acte d’accusation qu’apologie, et me suis gardé de juger. Le public ne pardonne plus aujourd’hui que l’auteur, après l’action qu'il peint, ne se déclare pas pour ou contre ; bien plus, au cours même du drame on voudrait qu’il prît parti, qu’il se prononçât nettement soit pour Alceste, soit pour Philinte, pour Hamlet ou pour Ophélie, pour Faust ou pour Marguerite, pour Adam ou pour Jéhovah. Je ne prétends pas, certes, que la neutralité (j’allais dire: l’indécision) soit signe sûr d’un grand esprit ; mais je crois que maints grands esprits ont beaucoup répugné à… conclure — et que bien poser un problème n'est pas le supposer d’avance résolu.
C'est à contre-cœur que j’emploie ici le mot « problème ». À vrai dire, en art, il n’y a pas de problèmes — dont l’œuvre d’art ne soit la suffisante solution.