Lettre sur le commerce de la librairie

( Edition intégrale )

Biography & Memoir, Business, Reference, Nonfiction
Cover of the book Lettre sur le commerce de la librairie by Denis Diderot, Georges Guiffrey, L. Hachette (Paris) 1861
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Author: Denis Diderot, Georges Guiffrey ISBN: 1230003097403
Publisher: L. Hachette (Paris) 1861 Publication: February 23, 2019
Imprint: Language: French
Author: Denis Diderot, Georges Guiffrey
ISBN: 1230003097403
Publisher: L. Hachette (Paris) 1861
Publication: February 23, 2019
Imprint:
Language: French

Nous connaissions déjà l’existence de ce mémoire de Diderot, en faveur des droits intellectuels, au moment où paraissait notre volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle. Nous eussions désiré vivement alors le joindre aux pièces réunies dans ce recueil, car ce document n’eût été inférieur aux autres ni en intérêt ni en autorité. En lisant les indications que donnait à ce sujet M. Renouard dans son savant Traité des droits d’auteurs (t. Ier, p. 99 et 162), en voyant qu’il avait eu ce manuscrit entre les mains, qu’il l’avait consulté à la bibliothèque du roi, en parcourant les quelques passages qu’il en a cités, nous avions pensé qu’il nous suffirait d’aller à la bibliothèque impériale pour trouver ce précieux manuscrit, pour publier ces pages inédites de Diderot, et donner son opinion dans cette question si vivement débattue. Mais quelle fut notre contrariété lorsqu’on nous déclara à la bibliothèque que ce manuscrit était introuvable ! Et en cette circonstance, ce ne fut certes point la complaisance des conservateurs qui nous fit défaut ; nous la mîmes largement à contribution. M. Renouard lui-même voulut bien nous donner le signalement du manuscrit. Mais malgré tout, nos recherches restèrent infructueuses, et il fallut nous résigner. Cependant, même alors, nous n’avions point perdu tout espoir ; nous savions qu’à la bibliothèque impériale, si l’on ne trouve pas toujours ce que l’on cherche, on trouve quelquefois ce qu’on ne cherche plus. Le manuscrit s’est enfin rencontré au département des imprimés. Comment est-il arrivé jusque-là ? c’est ce qu’on n’a jamais pu savoir ; mais que le manuscrit reste aux imprimés ou qu’il retourne aux manuscrits, peu importe ; l’essentiel pour nous, c’est qu’il est entre nos mains et que nous pouvons enfin le livrer au public.

Nous croyons assez volontiers, avec M. Renouard, que ce manuscrit est inédit ; il ne figure point dans les œuvres complètes de Diderot, et nous ne pensons même point qu’il ait été imprimé à part. Pour les événements qui précèdent et suivent ce plaidoyer en faveur des droits intellectuels, nous renverrons aux éclaircissements déjà donnés dans le volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle (p. 41 et 121). Par sa date (1767), il se place trois ans après le mémoire présenté au garde des sceaux par les syndic et adjoints de la librairie, et il précède de dix ans les fameux arrêts du conseil de 1777, qui furent la ruine du principe de la propriété littéraire, jusqu’alors reconnu et pratiqué.

En lisant le travail de Diderot on doit se souvenir que c’est un mémoire fait à la demande des libraires de Paris, pour défendre leurs droits menacés. Le droit des libraires s’y trouve donc placé au premier rang, celui des auteurs n’apparaît que subsidiairement. Il ne pouvait en être autrement pour Diderot, dans la situation qu’il avait acceptée. Les libraires sont ici ses clients, il est leur avocat, c’est leur cause qu’il plaide, c’est leur intérêt qu’il doit mettre en relief. Mais ce qu’il faut avant tout chercher ici, c’est la reconnaissance des droits de l’intelligence tels qu’ils résident dans la personne des auteurs, tels qu’ils peuvent se concevoir en eux dans leur essence la plus pure et la plus absolue.

Que Diderot, sur la demande des libraires, ait bien voulu faire un mémoire où il établit comme entiers et inviolables les droits qu’ils tiennent des auteurs ; rien de plus facile que d’établir cette conséquence, pourvu qu’on remonte au principe, c’est-à-dire au droit qui préexiste dans l’auteur, qui prend sa source dans son intelligence et dans son travail. Mais surtout qu’on n’oublie point que sans le droit de l’auteur, le droit du libraire n’existe pas.
Diderot avait dans son mémoire à s’élever aussi contre beaucoup d’abus qui régnaient alors et dont le temps a fait justice ; ces abus sont désormais de l’histoire ancienne, et l’on n’a plus besoin de s’en occuper de nos jours qu’à titre de renseignements sur le passé. Toutefois, dans ces abus disparus, nous voyons pour notre part un grand motif d’encouragement. Si le temps a pu avoir raison de tant de préjugés, si, sur tant de points, une notion plus claire du droit a pu l’emporter enfin, n’y a-t-il pas lieu d’espérer grandement que nous verrons arriver aussi le jour du triomphe pour la cause que nous défendons, et que la propriété littéraire finira par être traitée comme toute autre propriété ?

La spoliation qu’on exerce à l’égard des écrivains est des plus iniques. L’auteur a des besoins tout comme un autre ; tout comme un autre, il serait fier d’avoir une propriété qui serait l’honorable et juste récompense de son travail. Qu’on lui assure la récompense qui lui est due, qu’il puisse par son travail, par son intelligence, se créer un bien aussi durable, aussi solide que la maison ou que le champ légués par d’autres à leurs enfants ; et alors on n’aura pas fait seulement une bonne action, mais, en étant juste, on aura consacré un acte de haute politique et d’intelligente administration.

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Nous connaissions déjà l’existence de ce mémoire de Diderot, en faveur des droits intellectuels, au moment où paraissait notre volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle. Nous eussions désiré vivement alors le joindre aux pièces réunies dans ce recueil, car ce document n’eût été inférieur aux autres ni en intérêt ni en autorité. En lisant les indications que donnait à ce sujet M. Renouard dans son savant Traité des droits d’auteurs (t. Ier, p. 99 et 162), en voyant qu’il avait eu ce manuscrit entre les mains, qu’il l’avait consulté à la bibliothèque du roi, en parcourant les quelques passages qu’il en a cités, nous avions pensé qu’il nous suffirait d’aller à la bibliothèque impériale pour trouver ce précieux manuscrit, pour publier ces pages inédites de Diderot, et donner son opinion dans cette question si vivement débattue. Mais quelle fut notre contrariété lorsqu’on nous déclara à la bibliothèque que ce manuscrit était introuvable ! Et en cette circonstance, ce ne fut certes point la complaisance des conservateurs qui nous fit défaut ; nous la mîmes largement à contribution. M. Renouard lui-même voulut bien nous donner le signalement du manuscrit. Mais malgré tout, nos recherches restèrent infructueuses, et il fallut nous résigner. Cependant, même alors, nous n’avions point perdu tout espoir ; nous savions qu’à la bibliothèque impériale, si l’on ne trouve pas toujours ce que l’on cherche, on trouve quelquefois ce qu’on ne cherche plus. Le manuscrit s’est enfin rencontré au département des imprimés. Comment est-il arrivé jusque-là ? c’est ce qu’on n’a jamais pu savoir ; mais que le manuscrit reste aux imprimés ou qu’il retourne aux manuscrits, peu importe ; l’essentiel pour nous, c’est qu’il est entre nos mains et que nous pouvons enfin le livrer au public.

Nous croyons assez volontiers, avec M. Renouard, que ce manuscrit est inédit ; il ne figure point dans les œuvres complètes de Diderot, et nous ne pensons même point qu’il ait été imprimé à part. Pour les événements qui précèdent et suivent ce plaidoyer en faveur des droits intellectuels, nous renverrons aux éclaircissements déjà donnés dans le volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle (p. 41 et 121). Par sa date (1767), il se place trois ans après le mémoire présenté au garde des sceaux par les syndic et adjoints de la librairie, et il précède de dix ans les fameux arrêts du conseil de 1777, qui furent la ruine du principe de la propriété littéraire, jusqu’alors reconnu et pratiqué.

En lisant le travail de Diderot on doit se souvenir que c’est un mémoire fait à la demande des libraires de Paris, pour défendre leurs droits menacés. Le droit des libraires s’y trouve donc placé au premier rang, celui des auteurs n’apparaît que subsidiairement. Il ne pouvait en être autrement pour Diderot, dans la situation qu’il avait acceptée. Les libraires sont ici ses clients, il est leur avocat, c’est leur cause qu’il plaide, c’est leur intérêt qu’il doit mettre en relief. Mais ce qu’il faut avant tout chercher ici, c’est la reconnaissance des droits de l’intelligence tels qu’ils résident dans la personne des auteurs, tels qu’ils peuvent se concevoir en eux dans leur essence la plus pure et la plus absolue.

Que Diderot, sur la demande des libraires, ait bien voulu faire un mémoire où il établit comme entiers et inviolables les droits qu’ils tiennent des auteurs ; rien de plus facile que d’établir cette conséquence, pourvu qu’on remonte au principe, c’est-à-dire au droit qui préexiste dans l’auteur, qui prend sa source dans son intelligence et dans son travail. Mais surtout qu’on n’oublie point que sans le droit de l’auteur, le droit du libraire n’existe pas.
Diderot avait dans son mémoire à s’élever aussi contre beaucoup d’abus qui régnaient alors et dont le temps a fait justice ; ces abus sont désormais de l’histoire ancienne, et l’on n’a plus besoin de s’en occuper de nos jours qu’à titre de renseignements sur le passé. Toutefois, dans ces abus disparus, nous voyons pour notre part un grand motif d’encouragement. Si le temps a pu avoir raison de tant de préjugés, si, sur tant de points, une notion plus claire du droit a pu l’emporter enfin, n’y a-t-il pas lieu d’espérer grandement que nous verrons arriver aussi le jour du triomphe pour la cause que nous défendons, et que la propriété littéraire finira par être traitée comme toute autre propriété ?

La spoliation qu’on exerce à l’égard des écrivains est des plus iniques. L’auteur a des besoins tout comme un autre ; tout comme un autre, il serait fier d’avoir une propriété qui serait l’honorable et juste récompense de son travail. Qu’on lui assure la récompense qui lui est due, qu’il puisse par son travail, par son intelligence, se créer un bien aussi durable, aussi solide que la maison ou que le champ légués par d’autres à leurs enfants ; et alors on n’aura pas fait seulement une bonne action, mais, en étant juste, on aura consacré un acte de haute politique et d’intelligente administration.

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