Les réprouvés et les élus

( Edition intégrale ) Tome I II III IV - annoté

Fiction & Literature, Religious, Literary, Romance
Cover of the book Les réprouvés et les élus by Émile Souvestre, Paris : W. Coquebert, 1845
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Author: Émile Souvestre ISBN: 1230002535906
Publisher: Paris : W. Coquebert, 1845 Publication: September 7, 2018
Imprint: Language: French
Author: Émile Souvestre
ISBN: 1230002535906
Publisher: Paris : W. Coquebert, 1845
Publication: September 7, 2018
Imprint:
Language: French

Il y a un pays, en France, où la raison humaine n’a pas encore revêtu la robe des docteurs, où les hommes sont restés des enfants que l’on adoucit avec des chansons et que l’on instruit avec des histoires. Là, l’enseignement du bien n’a point été réduit à une algèbre sociale que l’on apprend par article; il flotte dans l’air avec les guerz des laboureurs armoricains; il court de collines en collines, avec les sônes dialogués des jeunes pâtres; il s’asseoit aux foyers des cabanes avec les récits des discrévellerrs. Aux symboles de la vieille sagesse viennent, chaque jour, s’ajouter les symboles de la sagesse moderne; et, ces leçons vivantes, nées sur le même sol, de la même inspiration populaire, se maintiennent, l’une près de l’autre, sans contradictions, sans luttes, comme on voit le jeune enfant, l’homme fait et le vieillard former, au foyer commun, une seule famille.
Or, j’avais déjà recueilli un grand nombre de ces traditions, lorsqu’un soir, j’en entendis raconter une qui m’était complètement inconnue.
Le discrévellerr était un kloarek à l’air pensif, qui avait habité les villes assez longtemps pour avoir entendu, de près, le nouvel orage qui gronde à tous les horizons. Il savait, sans doute, de quels maux se plaint notre époque, et attendait, comme tant d’autres, la bonne nouvelle. Mais cette préoccupation se cachait chez lui sous les formes transmises par les pères.
Après avoir fait le signe de la croix, selon la coutume des chrétiens, il raconta donc ce qui suit:
Un jour que le Christ était assis sur son trône de lumière, tout triste à la pensée des hommes, voilà que l’ange noir et blanc parut à la porte de son paradis, conduisant de nouveaux morts qui venaient pour se faire juger.
—Que m’amènes-tu là, esprit ailé? demanda le Christ.
—Maître, ce sont les épis que la mort a aujourd’hui moissonnés pour toi, répondit l’ange noir et blanc. J’en ai fait deux gerbes, d’après leur apparence et le jugement de la terre. De ce côté, sont ceux qui ont été déclarés les élus par la justice humaine; de l’autre, ceux qu’elle a appelés réprouvés. Vois maintenant toi-même, ô Christ, et décide selon la vérité.
Jésus descendit alors de son trône, et l’ange lui montra, l’un après l’autre, les morts de chaque bande.
Il y avait parmi les élus de sages pères de famille qui s’étaient fait estimer par les prêtres et par les juges; des seigneurs qui étaient morts grandement honorés; des dames nobles, belles et connues pour leurs aumônes; des marchands enrichis par l’économie et le travail.
De l’autre côté, au rang des réprouvés, se trouvaient des filles portant sur leurs bras des enfants dont elles n’osaient nommer les pères; des hommes condamnés, à bon droit, par la justice humaine; des gens qui avaient mangé leur patrimoine en projets insensés; des femmes coupables que l’on avait lapidées, non avec les pierres du chemin, comme les Juifs, mais avec les injures et les mépris.
Jésus regarda longtemps la bande des réprouvés et celle des élus; puis se tournant vers l’ange, il lui dit:
—Le monde n’aime pas le bien du fond du cœur; mais il s’aime luimême sans mesure. Tout ce qui le dérange est le mal, et il ne veut point se demander s’il est luimême, de son côté, ce qu’il devrait être. Pour lui, les coupables ne sont pas ceux qui sont méchants, mais ceux qui sont autrement qu’il ne l’a permis. Il ne cherche ni la cause des fautes ni les remèdes qui pourraient guérir les hommes; il ressemble enfin au mauvais père qui transmettrait à ses fils des infirmités et qui les punirait ensuite parce qu’ils sont faibles et malsains.
Après avoir ainsi parlé, le Christ fit sortir de leurs rangs un certain nombre de réprouvés et un certain nombre d’ élus; il les toucha du doigt, et l’ange vit avec étonnement que dans le cœur de beaucoup d’ élus se tordait un serpent, tandis que dans celui de beaucoup de réprouvés brillait une étoile...

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Il y a un pays, en France, où la raison humaine n’a pas encore revêtu la robe des docteurs, où les hommes sont restés des enfants que l’on adoucit avec des chansons et que l’on instruit avec des histoires. Là, l’enseignement du bien n’a point été réduit à une algèbre sociale que l’on apprend par article; il flotte dans l’air avec les guerz des laboureurs armoricains; il court de collines en collines, avec les sônes dialogués des jeunes pâtres; il s’asseoit aux foyers des cabanes avec les récits des discrévellerrs. Aux symboles de la vieille sagesse viennent, chaque jour, s’ajouter les symboles de la sagesse moderne; et, ces leçons vivantes, nées sur le même sol, de la même inspiration populaire, se maintiennent, l’une près de l’autre, sans contradictions, sans luttes, comme on voit le jeune enfant, l’homme fait et le vieillard former, au foyer commun, une seule famille.
Or, j’avais déjà recueilli un grand nombre de ces traditions, lorsqu’un soir, j’en entendis raconter une qui m’était complètement inconnue.
Le discrévellerr était un kloarek à l’air pensif, qui avait habité les villes assez longtemps pour avoir entendu, de près, le nouvel orage qui gronde à tous les horizons. Il savait, sans doute, de quels maux se plaint notre époque, et attendait, comme tant d’autres, la bonne nouvelle. Mais cette préoccupation se cachait chez lui sous les formes transmises par les pères.
Après avoir fait le signe de la croix, selon la coutume des chrétiens, il raconta donc ce qui suit:
Un jour que le Christ était assis sur son trône de lumière, tout triste à la pensée des hommes, voilà que l’ange noir et blanc parut à la porte de son paradis, conduisant de nouveaux morts qui venaient pour se faire juger.
—Que m’amènes-tu là, esprit ailé? demanda le Christ.
—Maître, ce sont les épis que la mort a aujourd’hui moissonnés pour toi, répondit l’ange noir et blanc. J’en ai fait deux gerbes, d’après leur apparence et le jugement de la terre. De ce côté, sont ceux qui ont été déclarés les élus par la justice humaine; de l’autre, ceux qu’elle a appelés réprouvés. Vois maintenant toi-même, ô Christ, et décide selon la vérité.
Jésus descendit alors de son trône, et l’ange lui montra, l’un après l’autre, les morts de chaque bande.
Il y avait parmi les élus de sages pères de famille qui s’étaient fait estimer par les prêtres et par les juges; des seigneurs qui étaient morts grandement honorés; des dames nobles, belles et connues pour leurs aumônes; des marchands enrichis par l’économie et le travail.
De l’autre côté, au rang des réprouvés, se trouvaient des filles portant sur leurs bras des enfants dont elles n’osaient nommer les pères; des hommes condamnés, à bon droit, par la justice humaine; des gens qui avaient mangé leur patrimoine en projets insensés; des femmes coupables que l’on avait lapidées, non avec les pierres du chemin, comme les Juifs, mais avec les injures et les mépris.
Jésus regarda longtemps la bande des réprouvés et celle des élus; puis se tournant vers l’ange, il lui dit:
—Le monde n’aime pas le bien du fond du cœur; mais il s’aime luimême sans mesure. Tout ce qui le dérange est le mal, et il ne veut point se demander s’il est luimême, de son côté, ce qu’il devrait être. Pour lui, les coupables ne sont pas ceux qui sont méchants, mais ceux qui sont autrement qu’il ne l’a permis. Il ne cherche ni la cause des fautes ni les remèdes qui pourraient guérir les hommes; il ressemble enfin au mauvais père qui transmettrait à ses fils des infirmités et qui les punirait ensuite parce qu’ils sont faibles et malsains.
Après avoir ainsi parlé, le Christ fit sortir de leurs rangs un certain nombre de réprouvés et un certain nombre d’ élus; il les toucha du doigt, et l’ange vit avec étonnement que dans le cœur de beaucoup d’ élus se tordait un serpent, tandis que dans celui de beaucoup de réprouvés brillait une étoile...

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