Author: | EMILE ZOLA | ISBN: | 1230002653167 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | October 10, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | EMILE ZOLA |
ISBN: | 1230002653167 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | October 10, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Marius et Fine partirent à neuf heures. Le jeune homme conduisait. Ce fut une véritable partie de plaisir pour les deux amoureux. À-là montée de la Viste, ils descendirent et coururent sur la grande route comme des enfants, laissant le cheval marcher lentement. Ils déjeunèrent à Septèmes, dans une petite chambre d’auberge et, au dessert, ils firent mille projets d’avenir. Maintenant que Philippe allait être libre, ils pouvaient songer à leur mariage. Ils s’attendrissaient, ils voyaient venir l’heure où ils s’aimeraient en paix.
Le reste du voyage fut également très gai. Vers midi, ils passèrent devant la propriété d’Albertas, ils s’arrêtèrent de nouveau pour laisser souffler le cheval et se reposer eux-mêmes sous les arbres, à droite de la route. Ils entrèrent enfin à Aix à trois heures. Malgré tous leurs retards, ils arrivaient encore bien trop tôt. Pour ne pas éveiller les soupçons, ils voulaient ne se rendre à la prison qu’à la tombée du jour. Le jeune homme laissa le cabriolet à la garde de sa compagne, dans une rue déserte, et alla frapper chez son parent Isnard. Celui-ci fit remiser la voiture en s’engageant à se trouver avec elle, à minuit précis, au haut de la montée de l’Arc. Les deux jeunes gens, quand ces diverses précautions furent prises, se cachèrent jusqu’au soir.
Comme Marius regagnait avec Fine la boutique d’Isnard, où ils devaient attendre la nuit, il se heurta presque dans M. de Cazalis, au détour d’une rue. Il baissa la tête et marcha rapidement. Le député ne le vit pas. Mais le jeune homme se désespéra de cette rencontre, il lui vint de sourdes inquiétudes, il craignit que quelque nouveau malheur n’empêchât, au dernier moment, l’accomplissement de sa tâche. Sans doute, M. de Cazalis était à Aix pour hâter sa vengeance, et peut-être avait-il réussi.
Jusqu’au soir, Marius fut fiévreux. Les idées les plus bizarres lui venaient à l’esprit. Maintenant qu’il avait l’argent, il redoutait de rencontrer d’autres obstacles. Enfin, il se rendit à la prison accompagnée de Fine. Il était neuf heures. Les deux jeunes gens frappèrent à la porte massive. Un pas lourd se fit entendre, et une voix grondeuse leur demanda ce qu’ils voulaient :
« C’est nous, mon oncle, dit Fine. Ouvrez-nous.
– Ouvrez-nous vite, M. Revertégat », murmura Marius à son tour.
La voix grogna et répondit sourdement : « M. Revertégat n’est plus ici, il est malade. »
Le guichet se ferma. Marius et Fine restèrent muets et accablés devant la porte close.
Depuis quatre mois, la bouquetière n’avait pas jugé nécessaire d’écrire à son oncle. Elle avait sa promesse, et cela suffisait. Aussi la nouvelle de cette maladie fut-elle un coup de foudre pour elle et son compagnon. Jamais la pensée ne leur était venue que le bonhomme pût être malade. Et voilà que tous leurs efforts se brisaient contre un obstacle imprévu. Ils avaient la rançon de Philippe, et ils ne pouvaient le délivrer.
Quand leur stupeur douloureuse fut un peu dissipée, Fine se redressa.
« Allons voir mon oncle, dit-elle, il doit être chez une de ses cousines, rue de la Glacière.
– À quoi bon ? répondit Marius, tout est perdu.
– Non, non, venez toujours. »
Il la suivit, comme écrasé sous le désespoir. Elle marchait gaillardement ne pouvant croire que le hasard fût si cruel.
Revertégat se trouvait en effet, chez sa cousine de la rue de la Glacière. Il y était alité depuis quinze jours. Quand il vit entrer les deux jeunes gens, il comprit ce qu’ils venaient réclamer de lui. Il se souleva, baisa sa nièce au front, et lui dit avec un sourire :
« Eh bien ! l’heure est donc venue ?
– Nous sommes allés à la prison, répondit la jeune fille. On nous a dit que vous étiez malade.
– Mon Dieu ! pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus ? s’écria douloureusement Marius. Nous nous serions hâtés.
– Oui, reprit la bouquetière, maintenant que vous n’êtes plus geôlier, comment allons-nous faire ? »
Revertégat les regardait, surpris de ce désespoir.
« Pourquoi vous désolez-vous ? demanda-t-il enfin. Je suis un peu souffrant, c’est vrai, j’ai demandé un congé, mais j’occupe toujours ma place ; je me mets à vos ordres pour demain soir, si vous le voulez. »
Marius et Fine poussèrent un cri de joie.
« L’homme qui vous a répondu, continua Revertégat, a été chargé de me remplacer pour quelques jours. Demain matin, j’irai reprendre mon emploi, je n’ai plus qu’un peu de fièvre, je puis sortir sans danger. D’ailleurs, le cas est pressant.
Marius et Fine partirent à neuf heures. Le jeune homme conduisait. Ce fut une véritable partie de plaisir pour les deux amoureux. À-là montée de la Viste, ils descendirent et coururent sur la grande route comme des enfants, laissant le cheval marcher lentement. Ils déjeunèrent à Septèmes, dans une petite chambre d’auberge et, au dessert, ils firent mille projets d’avenir. Maintenant que Philippe allait être libre, ils pouvaient songer à leur mariage. Ils s’attendrissaient, ils voyaient venir l’heure où ils s’aimeraient en paix.
Le reste du voyage fut également très gai. Vers midi, ils passèrent devant la propriété d’Albertas, ils s’arrêtèrent de nouveau pour laisser souffler le cheval et se reposer eux-mêmes sous les arbres, à droite de la route. Ils entrèrent enfin à Aix à trois heures. Malgré tous leurs retards, ils arrivaient encore bien trop tôt. Pour ne pas éveiller les soupçons, ils voulaient ne se rendre à la prison qu’à la tombée du jour. Le jeune homme laissa le cabriolet à la garde de sa compagne, dans une rue déserte, et alla frapper chez son parent Isnard. Celui-ci fit remiser la voiture en s’engageant à se trouver avec elle, à minuit précis, au haut de la montée de l’Arc. Les deux jeunes gens, quand ces diverses précautions furent prises, se cachèrent jusqu’au soir.
Comme Marius regagnait avec Fine la boutique d’Isnard, où ils devaient attendre la nuit, il se heurta presque dans M. de Cazalis, au détour d’une rue. Il baissa la tête et marcha rapidement. Le député ne le vit pas. Mais le jeune homme se désespéra de cette rencontre, il lui vint de sourdes inquiétudes, il craignit que quelque nouveau malheur n’empêchât, au dernier moment, l’accomplissement de sa tâche. Sans doute, M. de Cazalis était à Aix pour hâter sa vengeance, et peut-être avait-il réussi.
Jusqu’au soir, Marius fut fiévreux. Les idées les plus bizarres lui venaient à l’esprit. Maintenant qu’il avait l’argent, il redoutait de rencontrer d’autres obstacles. Enfin, il se rendit à la prison accompagnée de Fine. Il était neuf heures. Les deux jeunes gens frappèrent à la porte massive. Un pas lourd se fit entendre, et une voix grondeuse leur demanda ce qu’ils voulaient :
« C’est nous, mon oncle, dit Fine. Ouvrez-nous.
– Ouvrez-nous vite, M. Revertégat », murmura Marius à son tour.
La voix grogna et répondit sourdement : « M. Revertégat n’est plus ici, il est malade. »
Le guichet se ferma. Marius et Fine restèrent muets et accablés devant la porte close.
Depuis quatre mois, la bouquetière n’avait pas jugé nécessaire d’écrire à son oncle. Elle avait sa promesse, et cela suffisait. Aussi la nouvelle de cette maladie fut-elle un coup de foudre pour elle et son compagnon. Jamais la pensée ne leur était venue que le bonhomme pût être malade. Et voilà que tous leurs efforts se brisaient contre un obstacle imprévu. Ils avaient la rançon de Philippe, et ils ne pouvaient le délivrer.
Quand leur stupeur douloureuse fut un peu dissipée, Fine se redressa.
« Allons voir mon oncle, dit-elle, il doit être chez une de ses cousines, rue de la Glacière.
– À quoi bon ? répondit Marius, tout est perdu.
– Non, non, venez toujours. »
Il la suivit, comme écrasé sous le désespoir. Elle marchait gaillardement ne pouvant croire que le hasard fût si cruel.
Revertégat se trouvait en effet, chez sa cousine de la rue de la Glacière. Il y était alité depuis quinze jours. Quand il vit entrer les deux jeunes gens, il comprit ce qu’ils venaient réclamer de lui. Il se souleva, baisa sa nièce au front, et lui dit avec un sourire :
« Eh bien ! l’heure est donc venue ?
– Nous sommes allés à la prison, répondit la jeune fille. On nous a dit que vous étiez malade.
– Mon Dieu ! pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus ? s’écria douloureusement Marius. Nous nous serions hâtés.
– Oui, reprit la bouquetière, maintenant que vous n’êtes plus geôlier, comment allons-nous faire ? »
Revertégat les regardait, surpris de ce désespoir.
« Pourquoi vous désolez-vous ? demanda-t-il enfin. Je suis un peu souffrant, c’est vrai, j’ai demandé un congé, mais j’occupe toujours ma place ; je me mets à vos ordres pour demain soir, si vous le voulez. »
Marius et Fine poussèrent un cri de joie.
« L’homme qui vous a répondu, continua Revertégat, a été chargé de me remplacer pour quelques jours. Demain matin, j’irai reprendre mon emploi, je n’ai plus qu’un peu de fièvre, je puis sortir sans danger. D’ailleurs, le cas est pressant.