Author: | Paul Féval | ISBN: | 1230001324679 |
Publisher: | Paul Féval | Publication: | August 29, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Paul Féval |
ISBN: | 1230001324679 |
Publisher: | Paul Féval |
Publication: | August 29, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Tome I
PREMIÈRE PARTIE. LE DÉRIS
I le mouton couronné.
En 1817, la principale auberge de la ville de Redon était située sur le port et avait pour enseigne un bélier noir, coiffé d’une auréole.
On connaissait le Mouton couronné à Rennes, à Vannes et jusqu’à Nantes ; bon logis à pied et à cheval, tenu par le père Géraud, ancien cuisinier au long cours.
Redon est une cité de trois mille âmes, assise sur les confins de la Loire-Inférieure et de l’Ille-et-Vilaine, au bord même de la rivière qui donne son nom à ce dernier département. Malgré son nom romain, elle renferme peu de monuments remarquables, et la maison de maître Géraud, portant six fenêtres de façade, rivalisait avec les édifices affectés aux plus illustres destinations ; c’était bâti en bonnes pierres comme la sous-préfecture, et grand comme la gendarmerie.
Devant la maison et au delà de l’étroite bande du quai, la Vilaine roulait ses eaux marneuses et saumâtres ; à marée haute, les petits navires caboteurs venaient jusque sous les fenêtres de l’auberge.
Les samedis au soir ou les jours de marché, vous eussiez eu de la peine à trouver une petite place dans l’établissement de maître Géraud. Il avait la triple clientèle des marins du port, des métayers et des gentilshommes. Bien souvent, quand toutes les chambres étaient pleines, la chaude et vaste cuisine servait de dortoir à un bataillon serré de matelots et de marchands de bœufs.
Aussi le père Géraud faisait-il d’excellentes affaires. Bien qu’il fût vieux déjà, les demoiselles du petit commerce de Redon supputaient parfois, dans leurs rêves, la somme probable de ses économies. Mais le père Géraud semblait ennemi du mariage, et comme il n’avait point de parents, chacun se demandait à qui profiteraient, un jour venant, ses honnêtes et rondes épargnes.
On était au milieu de l’automne, et ce n’était ni jour de foire ni veille de dimanche. Le Mouton couronné chômait ou à peu de chose près. La cendre était froide dans les fourneaux de la cuisine ; les crocs de fer des landiers ne soutenaient point de broches, et nulle marmite ne pendait à la grande crémaillère.
Maître Géraud pouvait fumer sa pipe à l’aise sur le parapet du port. Il n’y avait dans toute son auberge qu’une seule chambre occupée ; encore était-ce par des hôtes de hasard à qui le père Géraud, courtois envers tout le monde, mais sachant graduer ses politesses, ne devait point la respectueuse visite à laquelle s’attendaient ses vieux et fidèles habitués.
Ils étaient arrivés on ne savait trop d’où : deux hommes et une jeune dame. Leurs vêtements et leur apparence de lassitude semblaient annoncer une longue course à pied ; mais le maître du Mouton couronné n’avait point de défiance, et les avait crus sur parole lorsqu’ils lui avaient dit descendre de la voiture de Rennes.
Naturellement, leur bagage était resté au bureau.
La jeune dame avait une mise plus que modeste. Malgré le froid humide d’une journée de novembre, c’était une robe d’indienne qui dessinait la fine cambrure de sa taille. Un petit châle d’étoffe légère et un chapeau de paille, où s’attachait un voile, complétaient sa toilette.
EXTRAIT:
Tome I
PREMIÈRE PARTIE. LE DÉRIS
I le mouton couronné.
En 1817, la principale auberge de la ville de Redon était située sur le port et avait pour enseigne un bélier noir, coiffé d’une auréole.
On connaissait le Mouton couronné à Rennes, à Vannes et jusqu’à Nantes ; bon logis à pied et à cheval, tenu par le père Géraud, ancien cuisinier au long cours.
Redon est une cité de trois mille âmes, assise sur les confins de la Loire-Inférieure et de l’Ille-et-Vilaine, au bord même de la rivière qui donne son nom à ce dernier département. Malgré son nom romain, elle renferme peu de monuments remarquables, et la maison de maître Géraud, portant six fenêtres de façade, rivalisait avec les édifices affectés aux plus illustres destinations ; c’était bâti en bonnes pierres comme la sous-préfecture, et grand comme la gendarmerie.
Devant la maison et au delà de l’étroite bande du quai, la Vilaine roulait ses eaux marneuses et saumâtres ; à marée haute, les petits navires caboteurs venaient jusque sous les fenêtres de l’auberge.
Les samedis au soir ou les jours de marché, vous eussiez eu de la peine à trouver une petite place dans l’établissement de maître Géraud. Il avait la triple clientèle des marins du port, des métayers et des gentilshommes. Bien souvent, quand toutes les chambres étaient pleines, la chaude et vaste cuisine servait de dortoir à un bataillon serré de matelots et de marchands de bœufs.
Aussi le père Géraud faisait-il d’excellentes affaires. Bien qu’il fût vieux déjà, les demoiselles du petit commerce de Redon supputaient parfois, dans leurs rêves, la somme probable de ses économies. Mais le père Géraud semblait ennemi du mariage, et comme il n’avait point de parents, chacun se demandait à qui profiteraient, un jour venant, ses honnêtes et rondes épargnes.
On était au milieu de l’automne, et ce n’était ni jour de foire ni veille de dimanche. Le Mouton couronné chômait ou à peu de chose près. La cendre était froide dans les fourneaux de la cuisine ; les crocs de fer des landiers ne soutenaient point de broches, et nulle marmite ne pendait à la grande crémaillère.
Maître Géraud pouvait fumer sa pipe à l’aise sur le parapet du port. Il n’y avait dans toute son auberge qu’une seule chambre occupée ; encore était-ce par des hôtes de hasard à qui le père Géraud, courtois envers tout le monde, mais sachant graduer ses politesses, ne devait point la respectueuse visite à laquelle s’attendaient ses vieux et fidèles habitués.
Ils étaient arrivés on ne savait trop d’où : deux hommes et une jeune dame. Leurs vêtements et leur apparence de lassitude semblaient annoncer une longue course à pied ; mais le maître du Mouton couronné n’avait point de défiance, et les avait crus sur parole lorsqu’ils lui avaient dit descendre de la voiture de Rennes.
Naturellement, leur bagage était resté au bureau.
La jeune dame avait une mise plus que modeste. Malgré le froid humide d’une journée de novembre, c’était une robe d’indienne qui dessinait la fine cambrure de sa taille. Un petit châle d’étoffe légère et un chapeau de paille, où s’attachait un voile, complétaient sa toilette.