Le Tailleur de pierre de Saint-Point

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book Le Tailleur de pierre de Saint-Point by ALPHONSE DE LAMARTINE, GILBERT TEROL
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Author: ALPHONSE DE LAMARTINE ISBN: 1230002688992
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 16, 2018
Imprint: Language: French
Author: ALPHONSE DE LAMARTINE
ISBN: 1230002688992
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 16, 2018
Imprint:
Language: French

Quand on sort de la jolie petite ville de Mâcon en se dirigeant du côté des montagnes où le soleil se couche, on suit d’abord, pendant plusieurs heures, une grande route bordée de vignes, qui monte et descend avec les ondulations du sol comme la route d’un vaisseau sur une mer douce à larges lames. De nombreux villages, aux toits de tuiles rouges et aux murs blanchis par la chaux, et tapissés de pampres au-dessus de la porte, s’élèvent au penchant de tous les coteaux, et fument au fond de toutes les gorges. Des prés les entourent ; les cours sinueux des petites rivières qui abreuvent ces prés sont tracés par des rangées de saules tondus tous les trois ans par la faux. Leur chevelure, flexible au moindre vent qui retourne les feuilles et qui semble les glacer d’argent, est juste assez longue et assez touffue pour donner un peu d’ombre aux enfants gardiens des vaches, et pour prêter un asile, souvent découvert, aux nids des rossignols et des martins-pêcheurs. De lourds clochers en pierre de taille tachés par la pluie, et revêtus de la mousse grisâtre des siècles, dominent ces villages en forme de pyramide allongée. L’œil du voyageur passe continuellement de l’un de ces clochers à l’autre, comme s’il comptait, à droite et à gauche, les bornes d’une voie romaine sur la route de cette populeuse contrée. À l’ombre de ces pyramides à jour, d’où retentit pour chaque habitant, au branle de la cloche, la voix de la naissance ou de la mort, on voit verdir les mauves des cimetières. C’est là seulement que se reposent les laborieux vignerons de ces coteaux, après avoir changé pendant soixante ou quatre-vingts ans leur sueur en vin, pour nourrir leurs femmes et leurs filles. Une certaine gaieté douce court avec les rayons du soleil, avec les rubans moirés des ruisseaux, avec les reflets blancs des chaumières, avec les chants des faneurs et avec le carillon des cloches sur toute cette campagne. Le ciel est doux, la terre sourit, le passant se dit : J’aimerais à vivre là ! et il s’attriste, sans savoir pourquoi, en laissant derrière lui ce gracieux et lumineux paysage.

II.

À mesure qu’on s’avance vers le pied des montagnes, la vigne cesse, les villages deviennent plus rares ; ils finissent par se disséminer en petits hameaux détachés, ou en groupes de deux ou trois chaumières, de loin en loin, sur les pentes escarpées des prés et des rochers tapissés de buis. Quand on est parvenu au faîte de la montagne dite du Bois-Clair, parce que le soleil du matin, en se levant derrière le Jura et le mont Blanc, frappait sans doute de ses premières clartés les hautes branches de son bois de chênes, on se retourne, sans y penser, pour jeter un dernier regard à l’immense scène sur laquelle le rideau noir de la montagne va s’abaisser : le Mâconnais jauni par ses pampres, la Saône glissant comme une longue couleuvre argentée entre ses prés verts, la Bresse toute veloutée de ses moissons et de ses saules, le noir Jura, les Alpes d’or ; et l’on redescend à pente rapide vers l’ancienne ville claustrale de Cluny, abritée comme un nid de hiboux sous les flèches bronzées et muettes des clochers de son abbaye. Mais au pied de la descente du Bois-Clair, la route se bifurque : un de ses rameaux conduit a Cluny à travers des prairies grasses et monotones comme le luxe monocal qui possédait autrefois ces pâturages et ces forêts ; l’autre rameau mène dans les montagnes du Charolais, toutes pleines de bois, d’étangs, de pâturages mélancoliques et de mugissements de troupeaux.

III.

On suit quelque temps cette route déjà pastorale, où l’on ne rencontre que quelques enfants en haillons qui gardent les chèvres ou qui touchent les bœufs le long des buissons. Puis tout à coup les escarpements du Bois-Clairs ’adoucissent à votre gauche ; ils font jour a une petite rivière appelée la Vallouze, qui sort d’une gorge verte à vos pieds. Elle semble, par son scintillement et par son balbutiement sur les cailloux, sous les saules, vous engager à pénétrer dans cette gorge et à visiter la mystérieuse vallée tournante dont elle est la première révélation. On se dit : D’où viennent ces eaux, et comment une si étroite gorge a-t-elle un si murmurant écoulement ? Elle s’élargit donc ? elle est donc profonde ? elle a donc des flancs haut-boisés et de rocheux réservoirs des sources qui l’alimentent ? Qui sait ! Peut-être cache-t-elle aussi dans ses détours quelque large bassin où les prairies se déplient, où les forêts pendent, où les mamelons se renflent, où les rochers portent une église, un village, un squelette décharné d’antique château ? Entrons.

Et l’on tourne d’une inflexion de sa main gauche la tête et les pas de son cheval vers le sentier sablonneux au bord de la Vallouze qui entre dans la vallée de Saint-Point.

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Quand on sort de la jolie petite ville de Mâcon en se dirigeant du côté des montagnes où le soleil se couche, on suit d’abord, pendant plusieurs heures, une grande route bordée de vignes, qui monte et descend avec les ondulations du sol comme la route d’un vaisseau sur une mer douce à larges lames. De nombreux villages, aux toits de tuiles rouges et aux murs blanchis par la chaux, et tapissés de pampres au-dessus de la porte, s’élèvent au penchant de tous les coteaux, et fument au fond de toutes les gorges. Des prés les entourent ; les cours sinueux des petites rivières qui abreuvent ces prés sont tracés par des rangées de saules tondus tous les trois ans par la faux. Leur chevelure, flexible au moindre vent qui retourne les feuilles et qui semble les glacer d’argent, est juste assez longue et assez touffue pour donner un peu d’ombre aux enfants gardiens des vaches, et pour prêter un asile, souvent découvert, aux nids des rossignols et des martins-pêcheurs. De lourds clochers en pierre de taille tachés par la pluie, et revêtus de la mousse grisâtre des siècles, dominent ces villages en forme de pyramide allongée. L’œil du voyageur passe continuellement de l’un de ces clochers à l’autre, comme s’il comptait, à droite et à gauche, les bornes d’une voie romaine sur la route de cette populeuse contrée. À l’ombre de ces pyramides à jour, d’où retentit pour chaque habitant, au branle de la cloche, la voix de la naissance ou de la mort, on voit verdir les mauves des cimetières. C’est là seulement que se reposent les laborieux vignerons de ces coteaux, après avoir changé pendant soixante ou quatre-vingts ans leur sueur en vin, pour nourrir leurs femmes et leurs filles. Une certaine gaieté douce court avec les rayons du soleil, avec les rubans moirés des ruisseaux, avec les reflets blancs des chaumières, avec les chants des faneurs et avec le carillon des cloches sur toute cette campagne. Le ciel est doux, la terre sourit, le passant se dit : J’aimerais à vivre là ! et il s’attriste, sans savoir pourquoi, en laissant derrière lui ce gracieux et lumineux paysage.

II.

À mesure qu’on s’avance vers le pied des montagnes, la vigne cesse, les villages deviennent plus rares ; ils finissent par se disséminer en petits hameaux détachés, ou en groupes de deux ou trois chaumières, de loin en loin, sur les pentes escarpées des prés et des rochers tapissés de buis. Quand on est parvenu au faîte de la montagne dite du Bois-Clair, parce que le soleil du matin, en se levant derrière le Jura et le mont Blanc, frappait sans doute de ses premières clartés les hautes branches de son bois de chênes, on se retourne, sans y penser, pour jeter un dernier regard à l’immense scène sur laquelle le rideau noir de la montagne va s’abaisser : le Mâconnais jauni par ses pampres, la Saône glissant comme une longue couleuvre argentée entre ses prés verts, la Bresse toute veloutée de ses moissons et de ses saules, le noir Jura, les Alpes d’or ; et l’on redescend à pente rapide vers l’ancienne ville claustrale de Cluny, abritée comme un nid de hiboux sous les flèches bronzées et muettes des clochers de son abbaye. Mais au pied de la descente du Bois-Clair, la route se bifurque : un de ses rameaux conduit a Cluny à travers des prairies grasses et monotones comme le luxe monocal qui possédait autrefois ces pâturages et ces forêts ; l’autre rameau mène dans les montagnes du Charolais, toutes pleines de bois, d’étangs, de pâturages mélancoliques et de mugissements de troupeaux.

III.

On suit quelque temps cette route déjà pastorale, où l’on ne rencontre que quelques enfants en haillons qui gardent les chèvres ou qui touchent les bœufs le long des buissons. Puis tout à coup les escarpements du Bois-Clairs ’adoucissent à votre gauche ; ils font jour a une petite rivière appelée la Vallouze, qui sort d’une gorge verte à vos pieds. Elle semble, par son scintillement et par son balbutiement sur les cailloux, sous les saules, vous engager à pénétrer dans cette gorge et à visiter la mystérieuse vallée tournante dont elle est la première révélation. On se dit : D’où viennent ces eaux, et comment une si étroite gorge a-t-elle un si murmurant écoulement ? Elle s’élargit donc ? elle est donc profonde ? elle a donc des flancs haut-boisés et de rocheux réservoirs des sources qui l’alimentent ? Qui sait ! Peut-être cache-t-elle aussi dans ses détours quelque large bassin où les prairies se déplient, où les forêts pendent, où les mamelons se renflent, où les rochers portent une église, un village, un squelette décharné d’antique château ? Entrons.

Et l’on tourne d’une inflexion de sa main gauche la tête et les pas de son cheval vers le sentier sablonneux au bord de la Vallouze qui entre dans la vallée de Saint-Point.

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