Le secret terrible

Mémoires d'un caissier ( Edition intégrale ) annoté

Fiction & Literature, Action Suspense, Literary, Romance
Cover of the book Le secret terrible by Adolphe Belot, Jules Dautin, Paris : E. Dentu, 1876
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Author: Adolphe Belot, Jules Dautin ISBN: 1230002416991
Publisher: Paris : E. Dentu, 1876 Publication: July 8, 2018
Imprint: Language: French
Author: Adolphe Belot, Jules Dautin
ISBN: 1230002416991
Publisher: Paris : E. Dentu, 1876
Publication: July 8, 2018
Imprint:
Language: French

Des circonstances particulières firent tomber, l’année dernière, entre nos mains un manuscrit d’une écriture line et serrée, sans titre, avec cette dédicace :

  • A MON FILS

Ce manuscrit, où l’auteur, ancien caissier d’une importante maison de banque, racontait sa vie en toute sincérité, contenait un trop grand enseignement et répondait trop bien aux préoccupations du jour, pour que l’autorisation de le publier ne fût pas vivement sollicitée par nous.
Cette autorisation nous fut accordée et nous en usons aujourd’hui.
C’est donc la confession de Causson qu’on va lire ; confession scrupuleusement respectée, alors même que, par suite des exigences de cette publication, nous substituons à la citation textuelle un récit analytique qui en élimine les longueurs ou en comble les lacunes.
Causson était né à Ch..., à deux lieues de Joigny, dans l’Yonne. Ses parents étaient de simples cultivateurs, possédant quelques terres et les faisant valoir eux-mêmes. A onze ans, il quitta l’école primaire de son village et fut placé à Joigny, dans la pension Maximet. Là, il eut pour condisciple et pour camarade Frédéric Bodard, le fils d’un escompteur de Joigny. Cette connaissance décida de son avenir ; il sortait avec Frédéric les jours de congé ; M. Bodard remarqua ce jeune garçon à la physionomie honnête et intelligente, et lui donna une place dans ses bureaux.
Causson y resta quatre ans. Puis, tourmenté d’un grain d’ambition, il vint à Paris et entra comme employé aux appointements de 1,600 francs chez MM. Drevot frères, banquiers, rue de la Chaussée-d’Antin.
Ses espérances furent durement déçues : après six ans d’assiduité et de consciencieux travail, il avait la même place et ses appointements ne s’étaient élevés que de 300 francs.
Chez MM. Drevot, il fit la connaissance de Maheurtier et se lia intimement avec le vieux père Michelin, dont il devint le gendre.
Ce mariage fut célébré dans les premiers mois de 1841.
Alors, écrit Causson, s’écoulèrent les deux plus belles années de ma vie ; deux années d’un bonheur immense. Que de fois je les ai regrettées depuis !
Je quittai mon logis de la rue de la Harpe et j’allai demeurer rue d’Enfer avec ma femme et mon beau-père. C’était une économie, d’abord ; puis, nous ne voulions pas nous séparer. M. Michelin n’avait besoin que d’une pièce, dont je fis depuis mon bureau. L’appartement, tout mesquin qu’il fût, nous suffisait ; n’eût-il pas suffi, nous nous serions arrangés pour y vivre. C’est là que nous avions commençé à nous aimer !...
C’est le seul temps où nous n’ayons pas connu la gêne. Nous avions au delà de nos besoins. Mon beau-père gagnait trois mille francs, moi dix-huit cents : nous faisions des économies !
Tu vins au monde dans cet appartement, mon cher Richard. Je ne sais pas quelle bienvenue sourit aux enfants des riches ; mais je doute qu’aucune naissance puisse être accueillie avec plus de joie et de tendresse.
De t’envoyer en nourrice, il n’en fut pas même question : ta mère prit seulement une femme de ménage. Quel bonheur pour nous tous de te voir là, près de nous, d’observer tes progrès, de te soigner, de t’embrasser !
Ce bonheur dura peu.
Un matin, comme nous allions, selon notre habitude, partir ensemble pour le bureau, M. Michelin se sentit tout à coup indisposé. Il passa sa main sur son front, balbutia quelques mots et tomba inerte entre mes bras. Une hémiplégie l’avait frappé. Tous les soins qui lui furent prodigués ne réussirent qu’à prolonger pendant quelque temps un semblant d’existence. Il s’éteignit en janvier 1843.
Je le vois encore sur son lit de douleur. Sa langue paralysée ne put articuler un suprême adieu ; ses mains ne purent presser les nôtres ; son regard où s’étaient réfugiés les dernières lueurs de son intelligence et les derniers élans de son cœur, se fixait sur nous avec une douce tristesse et une sorte de commisération, comme s’il eût pressenti les dures épreuves que ses enfants devaient traverser............

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Des circonstances particulières firent tomber, l’année dernière, entre nos mains un manuscrit d’une écriture line et serrée, sans titre, avec cette dédicace :

Ce manuscrit, où l’auteur, ancien caissier d’une importante maison de banque, racontait sa vie en toute sincérité, contenait un trop grand enseignement et répondait trop bien aux préoccupations du jour, pour que l’autorisation de le publier ne fût pas vivement sollicitée par nous.
Cette autorisation nous fut accordée et nous en usons aujourd’hui.
C’est donc la confession de Causson qu’on va lire ; confession scrupuleusement respectée, alors même que, par suite des exigences de cette publication, nous substituons à la citation textuelle un récit analytique qui en élimine les longueurs ou en comble les lacunes.
Causson était né à Ch..., à deux lieues de Joigny, dans l’Yonne. Ses parents étaient de simples cultivateurs, possédant quelques terres et les faisant valoir eux-mêmes. A onze ans, il quitta l’école primaire de son village et fut placé à Joigny, dans la pension Maximet. Là, il eut pour condisciple et pour camarade Frédéric Bodard, le fils d’un escompteur de Joigny. Cette connaissance décida de son avenir ; il sortait avec Frédéric les jours de congé ; M. Bodard remarqua ce jeune garçon à la physionomie honnête et intelligente, et lui donna une place dans ses bureaux.
Causson y resta quatre ans. Puis, tourmenté d’un grain d’ambition, il vint à Paris et entra comme employé aux appointements de 1,600 francs chez MM. Drevot frères, banquiers, rue de la Chaussée-d’Antin.
Ses espérances furent durement déçues : après six ans d’assiduité et de consciencieux travail, il avait la même place et ses appointements ne s’étaient élevés que de 300 francs.
Chez MM. Drevot, il fit la connaissance de Maheurtier et se lia intimement avec le vieux père Michelin, dont il devint le gendre.
Ce mariage fut célébré dans les premiers mois de 1841.
Alors, écrit Causson, s’écoulèrent les deux plus belles années de ma vie ; deux années d’un bonheur immense. Que de fois je les ai regrettées depuis !
Je quittai mon logis de la rue de la Harpe et j’allai demeurer rue d’Enfer avec ma femme et mon beau-père. C’était une économie, d’abord ; puis, nous ne voulions pas nous séparer. M. Michelin n’avait besoin que d’une pièce, dont je fis depuis mon bureau. L’appartement, tout mesquin qu’il fût, nous suffisait ; n’eût-il pas suffi, nous nous serions arrangés pour y vivre. C’est là que nous avions commençé à nous aimer !...
C’est le seul temps où nous n’ayons pas connu la gêne. Nous avions au delà de nos besoins. Mon beau-père gagnait trois mille francs, moi dix-huit cents : nous faisions des économies !
Tu vins au monde dans cet appartement, mon cher Richard. Je ne sais pas quelle bienvenue sourit aux enfants des riches ; mais je doute qu’aucune naissance puisse être accueillie avec plus de joie et de tendresse.
De t’envoyer en nourrice, il n’en fut pas même question : ta mère prit seulement une femme de ménage. Quel bonheur pour nous tous de te voir là, près de nous, d’observer tes progrès, de te soigner, de t’embrasser !
Ce bonheur dura peu.
Un matin, comme nous allions, selon notre habitude, partir ensemble pour le bureau, M. Michelin se sentit tout à coup indisposé. Il passa sa main sur son front, balbutia quelques mots et tomba inerte entre mes bras. Une hémiplégie l’avait frappé. Tous les soins qui lui furent prodigués ne réussirent qu’à prolonger pendant quelque temps un semblant d’existence. Il s’éteignit en janvier 1843.
Je le vois encore sur son lit de douleur. Sa langue paralysée ne put articuler un suprême adieu ; ses mains ne purent presser les nôtres ; son regard où s’étaient réfugiés les dernières lueurs de son intelligence et les derniers élans de son cœur, se fixait sur nous avec une douce tristesse et une sorte de commisération, comme s’il eût pressenti les dures épreuves que ses enfants devaient traverser............

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