Le Neveu de ma tante

Histoire personnelle de David Copperfield

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Le Neveu de ma tante by Charles Dickens, Bureaux de la Revue britannique
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Author: Charles Dickens ISBN: 1230003184615
Publisher: Bureaux de la Revue britannique Publication: April 15, 2019
Imprint: Language: French
Author: Charles Dickens
ISBN: 1230003184615
Publisher: Bureaux de la Revue britannique
Publication: April 15, 2019
Imprint:
Language: French

Dois-je être le héros de ma propre histoire, ou ce rang y sera-t-il occupé par un autre que moi ? c’est ce qu’on verra dans ces pages. Pour commencer par le commencement, je naquis (on me l’a dit et je le crois) un vendredi, à minuit. On remarqua que l’horloge frappait son premier coup de marteau sur l’airain et que je poussais mon premier cri simultanément.

Considérant le jour et l’heure de ma naissance, la garde de l’accouchée et quelques sages commères du voisinage à qui j’avais inspiré le plus vif intérêt plusieurs mois avant qu’il fût possible que nous fissions connaissance, déclarèrent deux choses : — premièrement que j’étais prédestiné à être malheureux ; — secondement que j’aurais le privilège de voir des spectres et des esprits, ce qui était le partage inévitable de tous les enfants infortunés de l’un et de l’autre sexe venus au monde le vendredi depuis minuit jusqu’au matin.

Sur le premier point, je ne m’expliquerai pas ici : mon histoire montrera suffisamment si la prédiction s’est accomplie ; sur le second, je me contenterai de dire qu’à moins d’avoir vu des spectres et des esprits quand j’étais dans mon berceau, je les attends encore. Mais je ne me plains pas qu’on m’ait privé de cette part de mon héritage, et si quelqu’un, par hasard, en jouit à ma place, je la lui laisse de bien bon cœur.

Je naquis avec une coiffe sur la tête, qui fut annoncée en vente, dans les feuilles publiques, au prix peu élevé de quinze guinées [1] ; soit que les marins et les gens allant à la mer fussent à court d’argent à cette époque, soit qu’ils fussent à court de foi et préférassent une camisole en liège, il ne se présenta qu’un seul chaland pour acheter ma coiffe, et c’était un courtier de change qui offrit deux livres sterling en argent avec le surplus en vin de Xérès, ne voulant être garanti de la chance de se noyer à aucune autre condition. Par suite, ma pauvre mère en fut pour ses frais d’annonce, car elle était alors forcée de vendre elle-même son propre xérès. Dix ans après, on mit la coiffe en loterie à une demi-couronne le billet, le gagnant étant tenu de payer une demi-couronne en sus pour les frais. Cinquante billets furent placés et le tirage eut lieu. J’y assistai : je me rappelle mon embarras et ma confusion quand je vis disposer ainsi d’une partie de moi-même. Le billet gagnant avait été pris par une vieille dame qui, bien à contre-cœur, tira d’un panier la somme stipulée toute en menue monnaie, dont deux pièces rognées, ce qu’elle ne voulut nullement reconnaître, quoiqu’on perdit je ne sais combien de temps à le lui prouver arithmétiquement. C’est un fait remarquable, qu’on citera souvent, que la brave dame ne fut jamais noyée et mourut triomphalement dans son lit à l’âge de quatre-vingt-douze ans. On prétend qu’elle se vantait fièrement de n’avoir jamais été sur l’eau, excepté en passant un pont, et que lorsqu’elle prenait le thé (elle prenait volontiers le thé), elle avait pour habitude constante d’exhaler son indignation contre l’impiété des marins ou de tous autres individus assez présomptueux pour aller s’égarer en mer sous prétexte de courir le monde. Vainement lui représentait-on que quelques agréments de la vie, le thé peut-être compris, étaient dus à cette présomption qui l’indignait, elle répliquait toujours, avec un nouveau degré d’emphase et de plus en plus sûre de la force de son objection : « Non, non, n’allons pas nous égarer. »

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Dois-je être le héros de ma propre histoire, ou ce rang y sera-t-il occupé par un autre que moi ? c’est ce qu’on verra dans ces pages. Pour commencer par le commencement, je naquis (on me l’a dit et je le crois) un vendredi, à minuit. On remarqua que l’horloge frappait son premier coup de marteau sur l’airain et que je poussais mon premier cri simultanément.

Considérant le jour et l’heure de ma naissance, la garde de l’accouchée et quelques sages commères du voisinage à qui j’avais inspiré le plus vif intérêt plusieurs mois avant qu’il fût possible que nous fissions connaissance, déclarèrent deux choses : — premièrement que j’étais prédestiné à être malheureux ; — secondement que j’aurais le privilège de voir des spectres et des esprits, ce qui était le partage inévitable de tous les enfants infortunés de l’un et de l’autre sexe venus au monde le vendredi depuis minuit jusqu’au matin.

Sur le premier point, je ne m’expliquerai pas ici : mon histoire montrera suffisamment si la prédiction s’est accomplie ; sur le second, je me contenterai de dire qu’à moins d’avoir vu des spectres et des esprits quand j’étais dans mon berceau, je les attends encore. Mais je ne me plains pas qu’on m’ait privé de cette part de mon héritage, et si quelqu’un, par hasard, en jouit à ma place, je la lui laisse de bien bon cœur.

Je naquis avec une coiffe sur la tête, qui fut annoncée en vente, dans les feuilles publiques, au prix peu élevé de quinze guinées [1] ; soit que les marins et les gens allant à la mer fussent à court d’argent à cette époque, soit qu’ils fussent à court de foi et préférassent une camisole en liège, il ne se présenta qu’un seul chaland pour acheter ma coiffe, et c’était un courtier de change qui offrit deux livres sterling en argent avec le surplus en vin de Xérès, ne voulant être garanti de la chance de se noyer à aucune autre condition. Par suite, ma pauvre mère en fut pour ses frais d’annonce, car elle était alors forcée de vendre elle-même son propre xérès. Dix ans après, on mit la coiffe en loterie à une demi-couronne le billet, le gagnant étant tenu de payer une demi-couronne en sus pour les frais. Cinquante billets furent placés et le tirage eut lieu. J’y assistai : je me rappelle mon embarras et ma confusion quand je vis disposer ainsi d’une partie de moi-même. Le billet gagnant avait été pris par une vieille dame qui, bien à contre-cœur, tira d’un panier la somme stipulée toute en menue monnaie, dont deux pièces rognées, ce qu’elle ne voulut nullement reconnaître, quoiqu’on perdit je ne sais combien de temps à le lui prouver arithmétiquement. C’est un fait remarquable, qu’on citera souvent, que la brave dame ne fut jamais noyée et mourut triomphalement dans son lit à l’âge de quatre-vingt-douze ans. On prétend qu’elle se vantait fièrement de n’avoir jamais été sur l’eau, excepté en passant un pont, et que lorsqu’elle prenait le thé (elle prenait volontiers le thé), elle avait pour habitude constante d’exhaler son indignation contre l’impiété des marins ou de tous autres individus assez présomptueux pour aller s’égarer en mer sous prétexte de courir le monde. Vainement lui représentait-on que quelques agréments de la vie, le thé peut-être compris, étaient dus à cette présomption qui l’indignait, elle répliquait toujours, avec un nouveau degré d’emphase et de plus en plus sûre de la force de son objection : « Non, non, n’allons pas nous égarer. »

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