Le Dragon impérial

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Le Dragon impérial by Judith Gautier, Largau
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Author: Judith Gautier ISBN: 1230000259857
Publisher: Largau Publication: August 12, 2014
Imprint: Language: French
Author: Judith Gautier
ISBN: 1230000259857
Publisher: Largau
Publication: August 12, 2014
Imprint:
Language: French

    C’était dans le grand champ de Chi-Tse-Po, à trente lis de Pei-King. Le vent de la troisième lune secouait les arbres, les arbres peu nombreux, car il n’y avait qu’un orme dans ce champ, à côté d’un néflier.

    Vers l’orient s’élevaient les dix étages retroussés d’une pagode au delà de laquelle apparaissait une pagode encore, plus vague et plus lointaine. C’était tout ; l’œil pouvait s’emplir d’espace et arriver sans halte à la ligne vaporeuse et rose de l’horizon.

    Sous le néflier un homme était assis, riant à la lumière qui blanchissait la plaine d’un bout à l’autre, sans intervalle ni hésitation, et parfois grelottant un peu malgré les trois robes somptueuses dont il était vêtu ; car le soleil des jours de printemps réchauffe beaucoup moins qu’il n’éclaire, et les retours de froidures sont les plus sensibles au corps, comme le reproche de celui qu’on croyait ami blesse le cœur plus douloureusement.

    Cet homme, jeune encore et d’agréable mine, était singularisé au plus haut point par l’extrême mobilité de ses traits qui ne laissaient aucun sentiment inexprimé, se tendant, se ridant, s’allongeant ou s’épanouissant sous les diverses influences d’un esprit sans doute très prompt ; ses petits yeux, que tour à tour couvraient et découvraient des paupières clignotantes, roulaient avec tant de vitesse tant de pensées joyeuses, malignes ou bizarres, qu’ils faisaient songer par leur palpitant éclat au miroitement du soleil sur l’eau ; et sa bouche bien faite, toujours entr’ouverte par quelque sourire, laissait voir deux rangées de jolies dents blanches, gaies de luire au grand jour et de mêler leurs paillettes claires aux étincelles du regard. Tout cet être était délicat, fluet ; on pressentait des dextérités infinies dans la frêle élégance de ses membres ; il devait monter aux arbres comme un singe et franchir les rivières comme un chat sauvage ; ses petites mains étroites, un peu maigres, aux ongles plus longs que les doigts, étaient certainement capables de tisser des toiles d’araignées ou de broder une pièce de vers sur la corolle d’une fleur de pêcher.

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    C’était dans le grand champ de Chi-Tse-Po, à trente lis de Pei-King. Le vent de la troisième lune secouait les arbres, les arbres peu nombreux, car il n’y avait qu’un orme dans ce champ, à côté d’un néflier.

    Vers l’orient s’élevaient les dix étages retroussés d’une pagode au delà de laquelle apparaissait une pagode encore, plus vague et plus lointaine. C’était tout ; l’œil pouvait s’emplir d’espace et arriver sans halte à la ligne vaporeuse et rose de l’horizon.

    Sous le néflier un homme était assis, riant à la lumière qui blanchissait la plaine d’un bout à l’autre, sans intervalle ni hésitation, et parfois grelottant un peu malgré les trois robes somptueuses dont il était vêtu ; car le soleil des jours de printemps réchauffe beaucoup moins qu’il n’éclaire, et les retours de froidures sont les plus sensibles au corps, comme le reproche de celui qu’on croyait ami blesse le cœur plus douloureusement.

    Cet homme, jeune encore et d’agréable mine, était singularisé au plus haut point par l’extrême mobilité de ses traits qui ne laissaient aucun sentiment inexprimé, se tendant, se ridant, s’allongeant ou s’épanouissant sous les diverses influences d’un esprit sans doute très prompt ; ses petits yeux, que tour à tour couvraient et découvraient des paupières clignotantes, roulaient avec tant de vitesse tant de pensées joyeuses, malignes ou bizarres, qu’ils faisaient songer par leur palpitant éclat au miroitement du soleil sur l’eau ; et sa bouche bien faite, toujours entr’ouverte par quelque sourire, laissait voir deux rangées de jolies dents blanches, gaies de luire au grand jour et de mêler leurs paillettes claires aux étincelles du regard. Tout cet être était délicat, fluet ; on pressentait des dextérités infinies dans la frêle élégance de ses membres ; il devait monter aux arbres comme un singe et franchir les rivières comme un chat sauvage ; ses petites mains étroites, un peu maigres, aux ongles plus longs que les doigts, étaient certainement capables de tisser des toiles d’araignées ou de broder une pièce de vers sur la corolle d’une fleur de pêcher.

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