Le Crucifié de Keraliès

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Le Crucifié de Keraliès by CHARLES LE GOFFIC, GILBERT TEROL
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Author: CHARLES LE GOFFIC ISBN: 1230001232493
Publisher: GILBERT TEROL Publication: July 17, 2016
Imprint: Language: French
Author: CHARLES LE GOFFIC
ISBN: 1230001232493
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: July 17, 2016
Imprint:
Language: French

Extrait :

La mer montait ; les premières barques embouquaient la passe de Morvic. Elles se touchaient presque et les pêcheurs s’interpellaient d’un bord à l’autre.

— Tiens, dit un mousse, Coupaïa !

Et levant son bonnet dans la direction de Morvic :

— Hé ! Coupaïa ! Coupaïa !…

— Laisse-la donc, dit un pêcheur. Tu ne vois pas qu’elle fait sa « guette »…

— Elle a le temps d’espérer, répliqua le mousse. Yves-Marie n’est pas encore rentré, s’il a trouvé quelqu’un pour lui payer la goutte… Hé ! Coupaïa ! Coupaïa !…

Soit que le vent ne portât pas jusqu’à elle, soit que son attention fût occupée autre part, la guetteuse ne se détourna point. Elle se tenait droite sur le pas de sa porte, la main en abat-jour devant les yeux, et regardait tantôt vers la côte, tantôt vers la grève. Il était environ dix heures du matin. La mer gagnait vite ; quelques minutes encore et elle franchirait la chaussée de galets qui, aux basses eaux, rattache Morvic au continent.

— Ah ! Va Doué [1] ! murmura la femme, il sera resté à boire…

Mais tout à coup ses mains tremblèrent ; elle s’adossa contre la porte. Elle haletait et dans sa face sèche et noire ses petits yeux gris luisaient comme des tisons.

— Ah ! Va Doué ! Va Doué ! Si son frère avait pu lui refuser du pain !…

Une vague plus haute couvrit la chaussée ; la côte demeurait vide et la femme rentra.

Entre la rade de Perros-Guirec et l’embouchure du Guer, la côte bretonne, basse et rocheuse, décrit dans le sable une manière d’arc de cercle, dont la ligne de clochers qui jalonnent la lisière du plateau intérieur (Perros, La Clarté, Trégastel, Pleumeur-Bodou, Trébeurden) figure assez bien la corde. Du point médian de cette corde, qu’on peut placer approximativement au calvaire de Trégastel, l’œil embrasse d’ensemble toute la presqu’île. C’est d’abord, et en prenant de l’est à l’ouest, la plage blanche de Trestraou, qu’une longue articulation granitique sépare des verdoyants Traoiero ; puis la ménagerie de Ploumanac’h et ses monstres de pierre au pacage dans les landes ; la double chaussée rectiligne des moulins à mer ; Golgon, perdu dans les ormes ; Sainte-Anne, couchée sur son lit de tangue et où s’amorce la route vicinale qui mène aux villas du Coz-Porz ; plus loin Poul-Fich, Rûn-Rouz, Kergûnteuil, Bringuiller, Roscané, Landrellec, Keraliès, Kervégan, Penvern, vingt hameaux épars sur les hauteurs ou dans les coulées du littoral ; et enfin, tout à l’ouest, passé l’Île-Grande, la jolie anse de Trozouls et le chenal de Milio qui communique avec l’embouchure du Guer.

Morvic est justement par là, en face de l’Île-Grande, dans le prolongement des grèves de Landrellec. On s’y rend à pied aux mers basses, car c’est moins une île qu’une dépendance de la terre. La végétation y est la même aussi que sur les dunes côtières : un peu d’herbe, çà et là quelques touffes de giroflée ou de mauve, puis des houx bleus, des prunelliers et du jonc. Mais on voit toujours le sable sous ce réseau de plantes à demi mortes, un sable blanc, fin comme une cendre et qui s’enlève au moindre vent. Il a roulé sur Morvic comme une trombe ; il a tout recouvert de ses couches épaisses, et c’est seulement du côté de Landrellec qu’apparaissent les assises granitiques du plateau. Les quelques roches que n’a point entamées le pic des carriers ont pris des teintes sombres et hâlées ; mais là où les roches ont été fendues, le grain en est si blanc qu’elles ressemblent à du marbre.

 

[1] Mon Dieu !

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Extrait :

La mer montait ; les premières barques embouquaient la passe de Morvic. Elles se touchaient presque et les pêcheurs s’interpellaient d’un bord à l’autre.

— Tiens, dit un mousse, Coupaïa !

Et levant son bonnet dans la direction de Morvic :

— Hé ! Coupaïa ! Coupaïa !…

— Laisse-la donc, dit un pêcheur. Tu ne vois pas qu’elle fait sa « guette »…

— Elle a le temps d’espérer, répliqua le mousse. Yves-Marie n’est pas encore rentré, s’il a trouvé quelqu’un pour lui payer la goutte… Hé ! Coupaïa ! Coupaïa !…

Soit que le vent ne portât pas jusqu’à elle, soit que son attention fût occupée autre part, la guetteuse ne se détourna point. Elle se tenait droite sur le pas de sa porte, la main en abat-jour devant les yeux, et regardait tantôt vers la côte, tantôt vers la grève. Il était environ dix heures du matin. La mer gagnait vite ; quelques minutes encore et elle franchirait la chaussée de galets qui, aux basses eaux, rattache Morvic au continent.

— Ah ! Va Doué [1] ! murmura la femme, il sera resté à boire…

Mais tout à coup ses mains tremblèrent ; elle s’adossa contre la porte. Elle haletait et dans sa face sèche et noire ses petits yeux gris luisaient comme des tisons.

— Ah ! Va Doué ! Va Doué ! Si son frère avait pu lui refuser du pain !…

Une vague plus haute couvrit la chaussée ; la côte demeurait vide et la femme rentra.

Entre la rade de Perros-Guirec et l’embouchure du Guer, la côte bretonne, basse et rocheuse, décrit dans le sable une manière d’arc de cercle, dont la ligne de clochers qui jalonnent la lisière du plateau intérieur (Perros, La Clarté, Trégastel, Pleumeur-Bodou, Trébeurden) figure assez bien la corde. Du point médian de cette corde, qu’on peut placer approximativement au calvaire de Trégastel, l’œil embrasse d’ensemble toute la presqu’île. C’est d’abord, et en prenant de l’est à l’ouest, la plage blanche de Trestraou, qu’une longue articulation granitique sépare des verdoyants Traoiero ; puis la ménagerie de Ploumanac’h et ses monstres de pierre au pacage dans les landes ; la double chaussée rectiligne des moulins à mer ; Golgon, perdu dans les ormes ; Sainte-Anne, couchée sur son lit de tangue et où s’amorce la route vicinale qui mène aux villas du Coz-Porz ; plus loin Poul-Fich, Rûn-Rouz, Kergûnteuil, Bringuiller, Roscané, Landrellec, Keraliès, Kervégan, Penvern, vingt hameaux épars sur les hauteurs ou dans les coulées du littoral ; et enfin, tout à l’ouest, passé l’Île-Grande, la jolie anse de Trozouls et le chenal de Milio qui communique avec l’embouchure du Guer.

Morvic est justement par là, en face de l’Île-Grande, dans le prolongement des grèves de Landrellec. On s’y rend à pied aux mers basses, car c’est moins une île qu’une dépendance de la terre. La végétation y est la même aussi que sur les dunes côtières : un peu d’herbe, çà et là quelques touffes de giroflée ou de mauve, puis des houx bleus, des prunelliers et du jonc. Mais on voit toujours le sable sous ce réseau de plantes à demi mortes, un sable blanc, fin comme une cendre et qui s’enlève au moindre vent. Il a roulé sur Morvic comme une trombe ; il a tout recouvert de ses couches épaisses, et c’est seulement du côté de Landrellec qu’apparaissent les assises granitiques du plateau. Les quelques roches que n’a point entamées le pic des carriers ont pris des teintes sombres et hâlées ; mais là où les roches ont été fendues, le grain en est si blanc qu’elles ressemblent à du marbre.

 

[1] Mon Dieu !

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