Author: | Ernest Pérochon | ISBN: | 1230001533286 |
Publisher: | Éditions PJR2 | Publication: | February 3, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Ernest Pérochon |
ISBN: | 1230001533286 |
Publisher: | Éditions PJR2 |
Publication: | February 3, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
Prix Goncourt en 1920 pour Nêne, Ernest Pérochon exerça d'abord comme instituteur.
"Le chemin de plaine", une version romancée de sa première année comme enseignant au sortir de l'École Normale de Parthenay au tout début du XXme siècle, paraît en 1921, date à laquelle il renonce à l'enseignement pour se consacrer à plein temps à la littérature.
Le roman, de facture réaliste, puise ses racines dans le quotidien d'un instituteur débutant dans un petit village de la campagne vendéenne.
Édition numérique sans DRM dotée d'une table des matières dynamique. Bonne lecture!
Extrait:
Quoique jeune, je suis un vieux routier : j’ai déjà eu trois directeurs. Aussi pourquoi ai-je accepté ce déjeuner ? Je connais pourtant bien l’engrenage : l’accueil du premier jour, les petites prévenances qui lient, puis les menues exigences, les grandes exigences, les canailleries sournoises… Je me revois secoué sur la chaîne sans fin des capitulations journalières et sans force pour lâcher le « zut » libérateur.
Et ça va recommencer ! Ah ! mais non ! je file !
Mme Michaud parle, parle… Elle prononce « meil-lieur, » « trois heures-zet-demie… » Un flot d’huile coule.
Mais je n’y suis plus. Ce petit vent d’amitié quasi maternelle a soufflé à rebrousse-poil.
Je ne songe qu’à fuir. Tel un chat mal gracieux qui se sauve quand la caresse s’allège, je vais bondir au premier prétexte. J’ai déjà pris mon élan plusieurs fois. Vais-je me risquer ? c’est assez périlleux.
Il est très facile d’arriver ; tout le monde arrive. Mais combien peu de gens savent partir, et, surtout, combien peu savent s’évader.
Un… deux… trois… Ça y est. Ce n’était pas compliqué. J’ai dit :
— Madame, les soucis de mon installation matérielle…
Ils m’ont lâché tout de suite. Peut-être en avaient-ils assez, eux aussi…
En sortant, je me suis heurté à Évrard. Il a eu de la peine à me tendre la main parce qu’il portait un kilog de sucre et une bouteille d’huile bouchée avec du papier.
Il n’a plus son allure leste d’autrefois. À vingt-sept ans, il se voûte. La lumière de ses yeux ne danse plus ; sa fine moustache retombe. Comment la jolie blague légère que nous aimions sortirait-elle de ces lèvres frémissantes et tordues ?
Pauvre Évrard ! À vingt ans il a rencontré une jeune fille aux yeux singuliers, des yeux d’un bleu très foncé, fort beaux en vérité. Bêtement, il s’est marié. Depuis il est malheureux.
Prix Goncourt en 1920 pour Nêne, Ernest Pérochon exerça d'abord comme instituteur.
"Le chemin de plaine", une version romancée de sa première année comme enseignant au sortir de l'École Normale de Parthenay au tout début du XXme siècle, paraît en 1921, date à laquelle il renonce à l'enseignement pour se consacrer à plein temps à la littérature.
Le roman, de facture réaliste, puise ses racines dans le quotidien d'un instituteur débutant dans un petit village de la campagne vendéenne.
Édition numérique sans DRM dotée d'une table des matières dynamique. Bonne lecture!
Extrait:
Quoique jeune, je suis un vieux routier : j’ai déjà eu trois directeurs. Aussi pourquoi ai-je accepté ce déjeuner ? Je connais pourtant bien l’engrenage : l’accueil du premier jour, les petites prévenances qui lient, puis les menues exigences, les grandes exigences, les canailleries sournoises… Je me revois secoué sur la chaîne sans fin des capitulations journalières et sans force pour lâcher le « zut » libérateur.
Et ça va recommencer ! Ah ! mais non ! je file !
Mme Michaud parle, parle… Elle prononce « meil-lieur, » « trois heures-zet-demie… » Un flot d’huile coule.
Mais je n’y suis plus. Ce petit vent d’amitié quasi maternelle a soufflé à rebrousse-poil.
Je ne songe qu’à fuir. Tel un chat mal gracieux qui se sauve quand la caresse s’allège, je vais bondir au premier prétexte. J’ai déjà pris mon élan plusieurs fois. Vais-je me risquer ? c’est assez périlleux.
Il est très facile d’arriver ; tout le monde arrive. Mais combien peu de gens savent partir, et, surtout, combien peu savent s’évader.
Un… deux… trois… Ça y est. Ce n’était pas compliqué. J’ai dit :
— Madame, les soucis de mon installation matérielle…
Ils m’ont lâché tout de suite. Peut-être en avaient-ils assez, eux aussi…
En sortant, je me suis heurté à Évrard. Il a eu de la peine à me tendre la main parce qu’il portait un kilog de sucre et une bouteille d’huile bouchée avec du papier.
Il n’a plus son allure leste d’autrefois. À vingt-sept ans, il se voûte. La lumière de ses yeux ne danse plus ; sa fine moustache retombe. Comment la jolie blague légère que nous aimions sortirait-elle de ces lèvres frémissantes et tordues ?
Pauvre Évrard ! À vingt ans il a rencontré une jeune fille aux yeux singuliers, des yeux d’un bleu très foncé, fort beaux en vérité. Bêtement, il s’est marié. Depuis il est malheureux.