La femme au collier de velours

Mystery & Suspense, Espionage, Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book La femme au collier de velours by Alexandre Dumas, Consumer Oriented Ebooks Publisher
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Author: Alexandre Dumas ISBN: 1230000673433
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher Publication: September 20, 2015
Imprint: Language: French
Author: Alexandre Dumas
ISBN: 1230000673433
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher
Publication: September 20, 2015
Imprint:
Language: French

Le 4 décembre 1846, mon bâtiment étant à l'ancre depuis la veille dans
la baie de Tunis, je me réveillai vers cinq heures du matin avec une de
ces impressions de profonde mélancolie qui font, pour tout un jour,
l'oeil humide et la poitrine gonflée.

Cette impression venait d'un rêve.

Je sautai en bas de mon cadre, je passai un pantalon à pieds, je montai
sur le pont, et je regardai en face et autour de moi.

J'espérais que le merveilleux passage qui se déroulait sous mes yeux
allait distraire mon esprit de cette préoccupation, d'autant plus
obstinée qu'elle avait une cause moins réelle.

J'avais devant moi, à une portée de fusil, la jetée qui s'étendait du
fort de la Goulette au fort de l'Arsenal, laissant un étroit passage aux
bâtiments qui veulent pénétrer du golfe dans le lac. Ce lac, aux eaux
bleues comme l'azur du ciel qu'elles réfléchissaient, était tout agité,
dans certains endroits, par les battements d'ailes d'une troupe de
cygnes, tandis que, sur des pieux plantés de distance en distance pour
indiquer des bas-fonds, se tenait immobile, pareil à ces oiseaux qu'on
sculpte sur les sépulcres, un cormoran qui, tout à coup, se laissait
tomber à la surface de l'eau avec un poisson au travers du bec, avalait
ce poisson, remontait sur son pieu, et reprenait sa taciturne immobilité
jusqu'à ce qu'un nouveau poisson, passant à sa portée, sollicitât son
appétit, et, l'emportant sur sa paresse, le fit disparaître de nouveau
pour reparaître encore.

Et pendant ce temps, de cinq minutes en cinq minutes, l'air était rayé
par une file de flamants dont les ailes de pourpre se détachaient sur le
blanc mat de leur plumage, et, formant un dessin carré, semblaient un
jeu de cartes composé d'as de carreau seulement, et volant sur une seule
ligne.

À l'horizon était Tunis, c'est-à-dire un amas de maisons carrées, sans
fenêtres, sans ouvertures, montant en amphithéâtre, blanches comme de la
craie et se détachant sur le ciel avec une netteté singulière. À gauche
s'élevaient, comme une immense muraille à créneaux, les montagnes de
Plomb, dont le nom indique la teinte sombre; à leur pied rampaient le
marabout et le village des Sidi-Fathallah; à droite on distinguait le
tombeau de saint Louis et la place où fut Carthage, deux des plus grands
souvenirs qu'il y ait dans l'histoire du monde. Derrière nous se
balançait à l'ancre le _Montézuma_, magnifique frégate à vapeur de la
force de quatre cent cinquante chevaux.

Certes, il y avait bien là de quoi distraire l'imagination la plus
préoccupée. À la vue de toutes ces richesses, on eût oublié la veille,
le jour et le lendemain. Mais mon esprit était, à dix ans de là, fixé
obstinément sur une seule pensée qu'un rêve avait clouée dans mon
cerveau.

Mon oeil devint fixe. Tout ce splendide panorama s'effaça peu à peu dans
la vacuité de mon regard. Bientôt je ne vis plus rien de ce qui
existait. La réalité disparut; puis, au milieu de ce vide nuageux, comme
sous la baguette d'une fée, se dessina un salon aux lambris blancs, dans
l'enfoncement duquel, assise devant un piano où ses doigts erraient
négligemment, se tenait une femme inspirée et pensive à la fois, une
muse et une sainte. Je reconnus cette femme, et je murmurai comme si
elle eût pu m'entendre:

--Je vous salue, Marie, pleine de grâces, mon esprit est avec vous.

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Le 4 décembre 1846, mon bâtiment étant à l'ancre depuis la veille dans
la baie de Tunis, je me réveillai vers cinq heures du matin avec une de
ces impressions de profonde mélancolie qui font, pour tout un jour,
l'oeil humide et la poitrine gonflée.

Cette impression venait d'un rêve.

Je sautai en bas de mon cadre, je passai un pantalon à pieds, je montai
sur le pont, et je regardai en face et autour de moi.

J'espérais que le merveilleux passage qui se déroulait sous mes yeux
allait distraire mon esprit de cette préoccupation, d'autant plus
obstinée qu'elle avait une cause moins réelle.

J'avais devant moi, à une portée de fusil, la jetée qui s'étendait du
fort de la Goulette au fort de l'Arsenal, laissant un étroit passage aux
bâtiments qui veulent pénétrer du golfe dans le lac. Ce lac, aux eaux
bleues comme l'azur du ciel qu'elles réfléchissaient, était tout agité,
dans certains endroits, par les battements d'ailes d'une troupe de
cygnes, tandis que, sur des pieux plantés de distance en distance pour
indiquer des bas-fonds, se tenait immobile, pareil à ces oiseaux qu'on
sculpte sur les sépulcres, un cormoran qui, tout à coup, se laissait
tomber à la surface de l'eau avec un poisson au travers du bec, avalait
ce poisson, remontait sur son pieu, et reprenait sa taciturne immobilité
jusqu'à ce qu'un nouveau poisson, passant à sa portée, sollicitât son
appétit, et, l'emportant sur sa paresse, le fit disparaître de nouveau
pour reparaître encore.

Et pendant ce temps, de cinq minutes en cinq minutes, l'air était rayé
par une file de flamants dont les ailes de pourpre se détachaient sur le
blanc mat de leur plumage, et, formant un dessin carré, semblaient un
jeu de cartes composé d'as de carreau seulement, et volant sur une seule
ligne.

À l'horizon était Tunis, c'est-à-dire un amas de maisons carrées, sans
fenêtres, sans ouvertures, montant en amphithéâtre, blanches comme de la
craie et se détachant sur le ciel avec une netteté singulière. À gauche
s'élevaient, comme une immense muraille à créneaux, les montagnes de
Plomb, dont le nom indique la teinte sombre; à leur pied rampaient le
marabout et le village des Sidi-Fathallah; à droite on distinguait le
tombeau de saint Louis et la place où fut Carthage, deux des plus grands
souvenirs qu'il y ait dans l'histoire du monde. Derrière nous se
balançait à l'ancre le _Montézuma_, magnifique frégate à vapeur de la
force de quatre cent cinquante chevaux.

Certes, il y avait bien là de quoi distraire l'imagination la plus
préoccupée. À la vue de toutes ces richesses, on eût oublié la veille,
le jour et le lendemain. Mais mon esprit était, à dix ans de là, fixé
obstinément sur une seule pensée qu'un rêve avait clouée dans mon
cerveau.

Mon oeil devint fixe. Tout ce splendide panorama s'effaça peu à peu dans
la vacuité de mon regard. Bientôt je ne vis plus rien de ce qui
existait. La réalité disparut; puis, au milieu de ce vide nuageux, comme
sous la baguette d'une fée, se dessina un salon aux lambris blancs, dans
l'enfoncement duquel, assise devant un piano où ses doigts erraient
négligemment, se tenait une femme inspirée et pensive à la fois, une
muse et une sainte. Je reconnus cette femme, et je murmurai comme si
elle eût pu m'entendre:

--Je vous salue, Marie, pleine de grâces, mon esprit est avec vous.

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