L’Éducation des adolescents au XXe siècle Éducation Physique

La Gymnastique utilitaire ( Edition intégrale ) annoté

Nonfiction, Sports, Gymnastics, Biography & Memoir, Reference
Cover of the book L’Éducation des adolescents au XXe siècle Éducation Physique by Pierre de Coubertin, Félix Alcan, Paris, 1905
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Author: Pierre de Coubertin ISBN: 1230002583495
Publisher: Félix Alcan, Paris, 1905 Publication: September 28, 2018
Imprint: Language: French
Author: Pierre de Coubertin
ISBN: 1230002583495
Publisher: Félix Alcan, Paris, 1905
Publication: September 28, 2018
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Language: French

Ce qui inciterait le plus sûrement à la pratique des exercices physiques, ce serait l’instinct sportif. Si tout adolescent était susceptible de le posséder, il suffirait à l’instructeur d’en encourager le développement et d’en réprimer les excès. Mais tel n’est pas le cas. L’instinct sportif pousse où il veut ; il est parfaitement douteux qu’on puisse le faire naître là où la nature n’en a point déposé le germe ; cette tentative réussira par hasard et échouera la plupart du temps.
Cependant la civilisation a reconnu l’utilité des exercices physiques pour tous.
Que fera-t-elle afin d’amener celui qui est dépourvu d’instinct sportif à s’y adonner ? Les rendra-t-elle obligatoires ? On paraît y tendre mais très lentement ; au-delà des rudiments de la gymnastique scolaire, rien n’est prêt pour une semblable nouveauté. Si la chose advient ce sera dans longtemps. Que vaut d’ailleurs une obligation qui n’est pas appuyée sur une conviction ?
Voilà précisément ce qui a fait défaut jusqu’ici : une base de conviction — ou du moins de conviction suffisamment puissante pour vaincre les influences adverses de l’intérêt ou de l’inertie.
Dans l’antiquité, les exercices physiques ont servi à créer de la beauté artistique et à préparer de la force nationale. Plus tard, on les a préconisés comme moyen d’améliorer et de maintenir la santé individuelle. Mais il est trop visible que, de nos jours, les appels formulés en leur faveur, non seulement au nom de l’art mais encore au nom du patriotisme ou de l’hygiène, ne peuvent être entendus que de façon intermittente et superficielle.
Le culte de la beauté se limite désormais à la jouissance des grands spectacles de la nature et aux transformations esthétiques de la matière. Pour le plaisir et l’instruction de tous, quelques hommes sont admis à dresser des monuments, à créer des œuvres d’art, à organiser des paysages. Demander à la race entière de s’astreindre au long et patient travail nécessaire pour restaurer sa propre beauté serait aussi déraisonnable que de lui conseiller l’abandon spontané de tous les progrès matériels déjà réalisés et le renoncement aux conquêtes nouvelles qu’elle espère. Ce n’est plus Minerve, déesse du calme et de la réflexion, qui règne sur le monde ; c’est Mercure, dieu de l’activité, de la locomotion et du commerce.
Le patriotisme moderne a trouvé son expression définie dans l’établissement du service militaire égal. Précisément parce qu’ils se soumettent avec une généreuse abnégation à cet impôt très lourd, les citoyens se sentent quitte envers la patrie ; à elle d’en faire des soldats pendant les mois qu’ils passent à la caserne ; ils ne sont point disposés à y travailler d’avance. Sans doute, la séduisante perspective subsiste d’une préparation préalable au service s’opérant dès l’école et permettant de réduire la période militaire ; mais, à l’heure où la Suisse elle-même tend à marquer un recul dans cette voie, il serait singulièrement imprudent d’en faire état.
Les hygiénistes ont moins de chances encore de faire prévaloir leurs doctrines. La santé est, par excellence, le bien qu’il faut avoir perdu pour l’apprécier, tant il semble normal et durable. Comment obtenir d’une jeunesse attelée à s’ouvrir, par un travail opiniâtre, des carrières fructueuses, qu’elle prélève sur le temps consacré à cette besogne afin de se livrer à des exercices dont l’indispensable régularité n’est pas pour atténuer le caractère déjà monotone ? C’est une illusion de croire que, même en Suède, son berceau — où, d’ailleurs, l’instinct sportif largement répandu vient seconder ses efforts — la gymnastique scientifique compte d’innombrables disciples ; en général, on recourt à elle pour guérir après avoir reçu les premiers avertissements de la maladie ; et c’est déjà bien beau qu’elle soit digne d’une telle confiance.

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Ce qui inciterait le plus sûrement à la pratique des exercices physiques, ce serait l’instinct sportif. Si tout adolescent était susceptible de le posséder, il suffirait à l’instructeur d’en encourager le développement et d’en réprimer les excès. Mais tel n’est pas le cas. L’instinct sportif pousse où il veut ; il est parfaitement douteux qu’on puisse le faire naître là où la nature n’en a point déposé le germe ; cette tentative réussira par hasard et échouera la plupart du temps.
Cependant la civilisation a reconnu l’utilité des exercices physiques pour tous.
Que fera-t-elle afin d’amener celui qui est dépourvu d’instinct sportif à s’y adonner ? Les rendra-t-elle obligatoires ? On paraît y tendre mais très lentement ; au-delà des rudiments de la gymnastique scolaire, rien n’est prêt pour une semblable nouveauté. Si la chose advient ce sera dans longtemps. Que vaut d’ailleurs une obligation qui n’est pas appuyée sur une conviction ?
Voilà précisément ce qui a fait défaut jusqu’ici : une base de conviction — ou du moins de conviction suffisamment puissante pour vaincre les influences adverses de l’intérêt ou de l’inertie.
Dans l’antiquité, les exercices physiques ont servi à créer de la beauté artistique et à préparer de la force nationale. Plus tard, on les a préconisés comme moyen d’améliorer et de maintenir la santé individuelle. Mais il est trop visible que, de nos jours, les appels formulés en leur faveur, non seulement au nom de l’art mais encore au nom du patriotisme ou de l’hygiène, ne peuvent être entendus que de façon intermittente et superficielle.
Le culte de la beauté se limite désormais à la jouissance des grands spectacles de la nature et aux transformations esthétiques de la matière. Pour le plaisir et l’instruction de tous, quelques hommes sont admis à dresser des monuments, à créer des œuvres d’art, à organiser des paysages. Demander à la race entière de s’astreindre au long et patient travail nécessaire pour restaurer sa propre beauté serait aussi déraisonnable que de lui conseiller l’abandon spontané de tous les progrès matériels déjà réalisés et le renoncement aux conquêtes nouvelles qu’elle espère. Ce n’est plus Minerve, déesse du calme et de la réflexion, qui règne sur le monde ; c’est Mercure, dieu de l’activité, de la locomotion et du commerce.
Le patriotisme moderne a trouvé son expression définie dans l’établissement du service militaire égal. Précisément parce qu’ils se soumettent avec une généreuse abnégation à cet impôt très lourd, les citoyens se sentent quitte envers la patrie ; à elle d’en faire des soldats pendant les mois qu’ils passent à la caserne ; ils ne sont point disposés à y travailler d’avance. Sans doute, la séduisante perspective subsiste d’une préparation préalable au service s’opérant dès l’école et permettant de réduire la période militaire ; mais, à l’heure où la Suisse elle-même tend à marquer un recul dans cette voie, il serait singulièrement imprudent d’en faire état.
Les hygiénistes ont moins de chances encore de faire prévaloir leurs doctrines. La santé est, par excellence, le bien qu’il faut avoir perdu pour l’apprécier, tant il semble normal et durable. Comment obtenir d’une jeunesse attelée à s’ouvrir, par un travail opiniâtre, des carrières fructueuses, qu’elle prélève sur le temps consacré à cette besogne afin de se livrer à des exercices dont l’indispensable régularité n’est pas pour atténuer le caractère déjà monotone ? C’est une illusion de croire que, même en Suède, son berceau — où, d’ailleurs, l’instinct sportif largement répandu vient seconder ses efforts — la gymnastique scientifique compte d’innombrables disciples ; en général, on recourt à elle pour guérir après avoir reçu les premiers avertissements de la maladie ; et c’est déjà bien beau qu’elle soit digne d’une telle confiance.

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