Par une brûlante journée du mois daoût 1862 un petit steamer sillonnait paisiblement les eaux brunes du Minnesota. On pouvait voir entassés pêle-mêle sur le pont, hommes, femmes, enfants, caisses, malles, paquets, et les mille inutilités indispensables à lémigrant, au voyageur. Les bordages du paquebot étaient couronnés dune galerie mouvante de têtes agitées, qui toutes se penchaient curieusement pour mieux voir la contrée nouvelle quon allait traverser. Dans cette foule aventureuse il y avait les types les plus variées: le spéculateur froid et calculateur dont les yeux brillaient dadmiration lorsquils rencontraient la grasse prairie au riche aspect, et les splendides forêts bordant le fleuve; le Français vif et animé; lAnglais au visage solennel; le pensif et flegmatique Allemand; lécossais à la mine résolue, aux vêtements bariolés de jaune; lAfricain à peau débène. — Une marchandise de contrebande, comme on dit maintenant. — Tous les éléments dun monde miniature sagitaient dans létroit navire, et avec eux, passions, projets, haines, amours, vice, vertus. Sur lavant se tenaient deux individus paraissant tout particulièrement sensibles aux beautés du glorieux paysage déployé sous leurs yeux. Le premier était un jeune homme de haute taille dont les regards exprimaient une incommensurable confiance en lui-même. Un large Panama ombrageait coquettement sa tête; un foulard blanc, suspendu avec une savante négligence derrière le chapeau pour abriter le cou contre les ardeurs du soleil, ondulait moelleusement au gré du zéphyr; une orgueilleuse chaîne dor chargée de breloques sétalait, fulgurante, sur son gilet; ses mains, gantées finement, étaient plongées dans les poches dun léger et adorable paletot en coutil blanc comme la neige. Il portait sous le bras droit un assez gros portefeuille rempli desquisses artistiques et Croquis exécutés daprès nature, au vol de la vapeur.
Par une brûlante journée du mois daoût 1862 un petit steamer sillonnait paisiblement les eaux brunes du Minnesota. On pouvait voir entassés pêle-mêle sur le pont, hommes, femmes, enfants, caisses, malles, paquets, et les mille inutilités indispensables à lémigrant, au voyageur. Les bordages du paquebot étaient couronnés dune galerie mouvante de têtes agitées, qui toutes se penchaient curieusement pour mieux voir la contrée nouvelle quon allait traverser. Dans cette foule aventureuse il y avait les types les plus variées: le spéculateur froid et calculateur dont les yeux brillaient dadmiration lorsquils rencontraient la grasse prairie au riche aspect, et les splendides forêts bordant le fleuve; le Français vif et animé; lAnglais au visage solennel; le pensif et flegmatique Allemand; lécossais à la mine résolue, aux vêtements bariolés de jaune; lAfricain à peau débène. — Une marchandise de contrebande, comme on dit maintenant. — Tous les éléments dun monde miniature sagitaient dans létroit navire, et avec eux, passions, projets, haines, amours, vice, vertus. Sur lavant se tenaient deux individus paraissant tout particulièrement sensibles aux beautés du glorieux paysage déployé sous leurs yeux. Le premier était un jeune homme de haute taille dont les regards exprimaient une incommensurable confiance en lui-même. Un large Panama ombrageait coquettement sa tête; un foulard blanc, suspendu avec une savante négligence derrière le chapeau pour abriter le cou contre les ardeurs du soleil, ondulait moelleusement au gré du zéphyr; une orgueilleuse chaîne dor chargée de breloques sétalait, fulgurante, sur son gilet; ses mains, gantées finement, étaient plongées dans les poches dun léger et adorable paletot en coutil blanc comme la neige. Il portait sous le bras droit un assez gros portefeuille rempli desquisses artistiques et Croquis exécutés daprès nature, au vol de la vapeur.