Depuis 1807, l'intervalle entre le Rhin et le Niémen était franchi, et ces deux fleuves devenus rivaux. Par ses concessions à Tilsitt, aux dépens de la Prusse, de la Suède et de la Turquie, Napoléon n'avait gagné qu'Alexandre. Ce traité était le résultat de la défaite de la Russie, et la date de sa soumission au système continental. Il attaquait, chez les Russes, l'honneur, compris par quelques-uns, et l'intérêt, que tous comprennent. Par le système continental, Napoléon avait déclaré une guerre à mort aux Anglais; il y attachait son honneur, son existence politique, et celle de la France. Ce système repoussait du continent toutes les marchandises, ou anglaises, ou qui avaient payé un droit quelconque à l'Angleterre. Il ne pouvait réussir que par un accord unanime: on ne devait l'espérer que d'une domination unique et universelle. D'ailleurs la France s'était aliéné les peuples par ses conquêtes, et les rois par sa révolution et sa dynastie nouvelle. Elle ne pouvait plus avoir d'amis ni de rivaux, mais seulement des sujets; car les uns eussent été faux, et les autres implacables: il fallait donc que tous lui fussent soumis, ou elle à tous. C'est ainsi que son chef, entraîné par sa position, et poussé par son caractère entreprenant, se remplit du vaste projet de rester seul maître de l'Europe, en écrasant la Russie et en lui arrachant la Pologne. Il le contenait avec tant de peine que déjà il commençait à lui échapper de toutes parts. Les immenses préparatifs que nécessitait une si lointaine entreprise, ces amas de vivres et de munitions, tous ces bruits d'armes, de chariots, et des pas de tant de soldats, ce mouvement universel, ce cours majestueux et terrible de toutes les forces de l'Occident contre l'Orient, tout annonçait à l'Europe que ses deux plus grands colosses étaient près de se mesurer.
Depuis 1807, l'intervalle entre le Rhin et le Niémen était franchi, et ces deux fleuves devenus rivaux. Par ses concessions à Tilsitt, aux dépens de la Prusse, de la Suède et de la Turquie, Napoléon n'avait gagné qu'Alexandre. Ce traité était le résultat de la défaite de la Russie, et la date de sa soumission au système continental. Il attaquait, chez les Russes, l'honneur, compris par quelques-uns, et l'intérêt, que tous comprennent. Par le système continental, Napoléon avait déclaré une guerre à mort aux Anglais; il y attachait son honneur, son existence politique, et celle de la France. Ce système repoussait du continent toutes les marchandises, ou anglaises, ou qui avaient payé un droit quelconque à l'Angleterre. Il ne pouvait réussir que par un accord unanime: on ne devait l'espérer que d'une domination unique et universelle. D'ailleurs la France s'était aliéné les peuples par ses conquêtes, et les rois par sa révolution et sa dynastie nouvelle. Elle ne pouvait plus avoir d'amis ni de rivaux, mais seulement des sujets; car les uns eussent été faux, et les autres implacables: il fallait donc que tous lui fussent soumis, ou elle à tous. C'est ainsi que son chef, entraîné par sa position, et poussé par son caractère entreprenant, se remplit du vaste projet de rester seul maître de l'Europe, en écrasant la Russie et en lui arrachant la Pologne. Il le contenait avec tant de peine que déjà il commençait à lui échapper de toutes parts. Les immenses préparatifs que nécessitait une si lointaine entreprise, ces amas de vivres et de munitions, tous ces bruits d'armes, de chariots, et des pas de tant de soldats, ce mouvement universel, ce cours majestueux et terrible de toutes les forces de l'Occident contre l'Orient, tout annonçait à l'Europe que ses deux plus grands colosses étaient près de se mesurer.