Champavert contes immoraux

Science Fiction & Fantasy, Historical, Romance
Cover of the book Champavert contes immoraux by Pétrus Borel, Jwarlal
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: Pétrus Borel ISBN: 1230002406343
Publisher: Jwarlal Publication: July 3, 2018
Imprint: Language: French
Author: Pétrus Borel
ISBN: 1230002406343
Publisher: Jwarlal
Publication: July 3, 2018
Imprint:
Language: French

C’est un oiseau, le barde! il doit rester sauvage;

La nuit sous la ramure, il gazouille son chant;

Le canard tout boueux se pavane au rivage,

Saluant tout soleil, ou levant ou couchant.

C’est un oiseau, le barde! il doit vieillir austère,

Sobre, pauvre, ignoré, farouche, soucieux,

Ne chanter pour aucun, et n’avoir rien sur terre,

Qu’une cape trouée, un poignard et les cieux!

Mais le barde aujourd’hui, c’est une voix de femme,

Un habit bien collant, un minois relavé,

Un perroquet juché, chantonnant pour madame,

Dans une cage d’or, un canari privé;

C’est un gras merveilleux, versant de chaudes larmes

Sur des maux obligés après un long repas,

Portant un parapluie, et jurant par ses armes,

Et, l’élixir en main, invoquant le trépas.

Joyaux, bal, fleur, cheval, château, fine maîtresse,

Sont les matériaux de ses poëmes lourds:

Rien pour la pauvreté, rien pour l’humble en détresse;

Toujours les souffletant de ses vers de velours.

Par merci! voilez-nous vos airs autocratiques;

Heureux si vous cueillez les biens à pleins sillons!

Mais ne galonnez pas comme vos domestiques,

Vos vers qui font rougir nos fronts ceints de haillons.

Eh! vous, de ces soleils, moutonnier parélie!

De cacher vos lambeaux ne prenez tant de soin,

Ce n’est qu’à leur abri que l’esprit se délie;

Le barde ne grandit qu’enivré de besoin!

J’ai caressé la mort, riant au suicide,

Souvent et volontiers, quand j’étais plus heureux;

Maintenant je la hais, et d’elle suis peureux,

Misérable et miné par la faim homicide.

MISÈRE

A mon air enjoué, mon rire sur la lèvre,

Vous me croyez heureux, doux, azyme et sans fièvre,

Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition,

Ignorant le remords, vierge d’affliction;

A travers les parois d’une haute poitrine,

Voit-on le cœur qui sèche et le feu qui le mine?

Dans une lampe sourde on ne saurait puiser,

Il faut, comme le cœur, l’ouvrir ou la briser.

Aux bourreaux, pauvre André! quand tu portais ta tête,

De rage tu frappais ton front sur la charrette;

N’ayant pas assez fait pour l’immortalité,

Pour ton pays, sa gloire et pour sa liberté.

Que de fois, sur le roc qui borde cette vie,

Ai-je frappé du pied, heurté du front d’envie,

Criant contre le ciel mes longs tourments soufferts;

Je sentais ma puissance, et je sentais des fers!

Puissance,... fers,... quoi donc?—Rien! encore un poète

Qui ferait du divin, mais sa muse est muette,

Sa puissance est aux fers:—Allons! on ne croit plus

En ce siècle voyant qu’aux talens révolus;

Travaille, on ne croit plus aux futures merveilles.—

Travaille!... Eh! le besoin qui me hurle aux oreilles,

Etouffant tout penser qui se dresse en mon sein!

Aux accords de mon luth que répondre?... J’ai faim!

Ah! tout cela fait saigner le cœur!... Passons.

Son allure indépendante, son amour violent de la liberté, l’avaient fait désigner comme républicain redoutable. Il crut devoir répondre à cette accusation dans la préface de ses Rhapsodies:—Je suis républicain, dit-il, comme l’entendrait un loup cervier: mon républicanisme, c’est de la lycanthropie!—Si je parle de république, c’est parce que ce mot me représente la plus large indépendance que puissent laisser l’association et la civilisation. Je suis républicain parce que je ne puis pas être Caraïbe; j’ai besoin d’une somme énorme de liberté: la république me la donnera-t-elle? Je n’ai pas l’expérience pour moi. Mais, quand cet espoir sera déçu comme tant d’autres, il me restera le Missouri!....

De là, les journaux appelèrent ces vers lycanthropiques, lui lycanthrope, et son inclination d’esprit lycanthropisme. L’épithète eut grand succès par le monde et lui resta; lui-même se plaisait à l’entendre; aussi, avons-nous cru qu’il était de notre respect de ne point lui arracher ce pavillon caractéristique.

Au milieu de toutes les critiques haineuses qui jonglèrent sur lui, et qui auraient saturé une âme moins abreuvée que la sienne, il ne douta pas un seul instant de sa force, et reçut dans le secret de bien douces consolations, quelques applaudissemens sincères, et des conseils vrais.

Entre autres, nous allons rapporter ici une lettre et des vers qui lui furent adressés à ce propos, et qu’on vient de retrouver parmi ses manuscrits.

MONSIEUR,

Pardonnez-moi d’avoir autant tardé à vous remercier de l’envoi que vous avez bien voulu me faire de vos poésies. M. Gérard ne m’a donné votre adresse que depuis quelques jours.

Si le métal bouillonnant a rejeté ses scories; ces scories font bien présumer du métal, et, dussiez-vous vous irriter contre moi de trop présumer de votre avenir, j’aime à croire qu’il sera remarquable. J’ai été jeune aussi, Monsieur, jeune et mélancolique, comme vous je m’en suis souvent pris à l’ordre social des angoisses que j’éprouvais: j’ai conservé telle strophe d’ode, car jeune je faisais des odes, où j’exprime le vœu d’aller vivre parmi les loups. Une grande confiance dans la divinité a été souvent mon seul refuge. Mes premiers vers un peu raisonnables l’attesteraient; ils ne valent pas les vôtres, mais, je vous le répète, ils ne sont pas sans de nombreux rapports; je vous dis cela pour que vous jugiez du plaisir triste, mais profond, que m’ont fait les vôtres. J’ai d’autant mieux sympathisé avec quelques-unes de vos idées, que si ma destinée a éprouvé un grand changement, je n’ai ni oublié mes premières impressions, ni pris beaucoup de goût à cette société que je maudissais à vingt ans. Seulement aujourd’hui je n’ai plus à me plaindre d’elle pour mon propre compte, je m’en plains quand je rencontre de ses victimes. Mais, Monsieur, vous êtes né avec du talent, vous avez reçu de plus que moi une éducation soignée; vous triompherez, je l’espère, des obstacles dont la route est semée; si cela arrive, comme je le souhaite, conservez bien toujours l’heureuse originalité de votre esprit et vous aurez lieu de bénir la providence des épreuves qu’elle aura fait subir à votre jeunesse.

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

C’est un oiseau, le barde! il doit rester sauvage;

La nuit sous la ramure, il gazouille son chant;

Le canard tout boueux se pavane au rivage,

Saluant tout soleil, ou levant ou couchant.

C’est un oiseau, le barde! il doit vieillir austère,

Sobre, pauvre, ignoré, farouche, soucieux,

Ne chanter pour aucun, et n’avoir rien sur terre,

Qu’une cape trouée, un poignard et les cieux!

Mais le barde aujourd’hui, c’est une voix de femme,

Un habit bien collant, un minois relavé,

Un perroquet juché, chantonnant pour madame,

Dans une cage d’or, un canari privé;

C’est un gras merveilleux, versant de chaudes larmes

Sur des maux obligés après un long repas,

Portant un parapluie, et jurant par ses armes,

Et, l’élixir en main, invoquant le trépas.

Joyaux, bal, fleur, cheval, château, fine maîtresse,

Sont les matériaux de ses poëmes lourds:

Rien pour la pauvreté, rien pour l’humble en détresse;

Toujours les souffletant de ses vers de velours.

Par merci! voilez-nous vos airs autocratiques;

Heureux si vous cueillez les biens à pleins sillons!

Mais ne galonnez pas comme vos domestiques,

Vos vers qui font rougir nos fronts ceints de haillons.

Eh! vous, de ces soleils, moutonnier parélie!

De cacher vos lambeaux ne prenez tant de soin,

Ce n’est qu’à leur abri que l’esprit se délie;

Le barde ne grandit qu’enivré de besoin!

J’ai caressé la mort, riant au suicide,

Souvent et volontiers, quand j’étais plus heureux;

Maintenant je la hais, et d’elle suis peureux,

Misérable et miné par la faim homicide.

MISÈRE

A mon air enjoué, mon rire sur la lèvre,

Vous me croyez heureux, doux, azyme et sans fièvre,

Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition,

Ignorant le remords, vierge d’affliction;

A travers les parois d’une haute poitrine,

Voit-on le cœur qui sèche et le feu qui le mine?

Dans une lampe sourde on ne saurait puiser,

Il faut, comme le cœur, l’ouvrir ou la briser.

Aux bourreaux, pauvre André! quand tu portais ta tête,

De rage tu frappais ton front sur la charrette;

N’ayant pas assez fait pour l’immortalité,

Pour ton pays, sa gloire et pour sa liberté.

Que de fois, sur le roc qui borde cette vie,

Ai-je frappé du pied, heurté du front d’envie,

Criant contre le ciel mes longs tourments soufferts;

Je sentais ma puissance, et je sentais des fers!

Puissance,... fers,... quoi donc?—Rien! encore un poète

Qui ferait du divin, mais sa muse est muette,

Sa puissance est aux fers:—Allons! on ne croit plus

En ce siècle voyant qu’aux talens révolus;

Travaille, on ne croit plus aux futures merveilles.—

Travaille!... Eh! le besoin qui me hurle aux oreilles,

Etouffant tout penser qui se dresse en mon sein!

Aux accords de mon luth que répondre?... J’ai faim!

Ah! tout cela fait saigner le cœur!... Passons.

Son allure indépendante, son amour violent de la liberté, l’avaient fait désigner comme républicain redoutable. Il crut devoir répondre à cette accusation dans la préface de ses Rhapsodies:—Je suis républicain, dit-il, comme l’entendrait un loup cervier: mon républicanisme, c’est de la lycanthropie!—Si je parle de république, c’est parce que ce mot me représente la plus large indépendance que puissent laisser l’association et la civilisation. Je suis républicain parce que je ne puis pas être Caraïbe; j’ai besoin d’une somme énorme de liberté: la république me la donnera-t-elle? Je n’ai pas l’expérience pour moi. Mais, quand cet espoir sera déçu comme tant d’autres, il me restera le Missouri!....

De là, les journaux appelèrent ces vers lycanthropiques, lui lycanthrope, et son inclination d’esprit lycanthropisme. L’épithète eut grand succès par le monde et lui resta; lui-même se plaisait à l’entendre; aussi, avons-nous cru qu’il était de notre respect de ne point lui arracher ce pavillon caractéristique.

Au milieu de toutes les critiques haineuses qui jonglèrent sur lui, et qui auraient saturé une âme moins abreuvée que la sienne, il ne douta pas un seul instant de sa force, et reçut dans le secret de bien douces consolations, quelques applaudissemens sincères, et des conseils vrais.

Entre autres, nous allons rapporter ici une lettre et des vers qui lui furent adressés à ce propos, et qu’on vient de retrouver parmi ses manuscrits.

MONSIEUR,

Pardonnez-moi d’avoir autant tardé à vous remercier de l’envoi que vous avez bien voulu me faire de vos poésies. M. Gérard ne m’a donné votre adresse que depuis quelques jours.

Si le métal bouillonnant a rejeté ses scories; ces scories font bien présumer du métal, et, dussiez-vous vous irriter contre moi de trop présumer de votre avenir, j’aime à croire qu’il sera remarquable. J’ai été jeune aussi, Monsieur, jeune et mélancolique, comme vous je m’en suis souvent pris à l’ordre social des angoisses que j’éprouvais: j’ai conservé telle strophe d’ode, car jeune je faisais des odes, où j’exprime le vœu d’aller vivre parmi les loups. Une grande confiance dans la divinité a été souvent mon seul refuge. Mes premiers vers un peu raisonnables l’attesteraient; ils ne valent pas les vôtres, mais, je vous le répète, ils ne sont pas sans de nombreux rapports; je vous dis cela pour que vous jugiez du plaisir triste, mais profond, que m’ont fait les vôtres. J’ai d’autant mieux sympathisé avec quelques-unes de vos idées, que si ma destinée a éprouvé un grand changement, je n’ai ni oublié mes premières impressions, ni pris beaucoup de goût à cette société que je maudissais à vingt ans. Seulement aujourd’hui je n’ai plus à me plaindre d’elle pour mon propre compte, je m’en plains quand je rencontre de ses victimes. Mais, Monsieur, vous êtes né avec du talent, vous avez reçu de plus que moi une éducation soignée; vous triompherez, je l’espère, des obstacles dont la route est semée; si cela arrive, comme je le souhaite, conservez bien toujours l’heureuse originalité de votre esprit et vous aurez lieu de bénir la providence des épreuves qu’elle aura fait subir à votre jeunesse.

More books from Jwarlal

Cover of the book ROBERT ORANGE BEING A CONTINUATION OF THE HISTORY OF ROBERT ORANGE, M.P. AND A SEQUEL TO THE SCHOOL FOR SAINTS by Pétrus Borel
Cover of the book A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS TROISIÈME PARTIE by Pétrus Borel
Cover of the book ROMANS ÉTRANGERS MODERNES : DERNIERS CONTES by Pétrus Borel
Cover of the book A MAN'S MAN by Pétrus Borel
Cover of the book LA DAME QUI A PERDU SON PEINTRE by Pétrus Borel
Cover of the book THE PURCELL PAPERS volume I by Pétrus Borel
Cover of the book IN FACCIA AL DESTINO by Pétrus Borel
Cover of the book Lettres de mon Moulin by Pétrus Borel
Cover of the book MADAM CROWL'S GHOST and THE DEAD SEXTON by Pétrus Borel
Cover of the book LE FLÂNEUR DES DEUX RIVES by Pétrus Borel
Cover of the book LES DERNIERS PAYSANS by Pétrus Borel
Cover of the book LES AVENTURES D'UNE FOURMI ROUGE ET LES MEMOIRES D'UN PIERROT by Pétrus Borel
Cover of the book LES AMOURS D'UNE EMPOISONNEUSE by Pétrus Borel
Cover of the book THE FORGE IN THE FOREST by Pétrus Borel
Cover of the book GALSWORTHY PLAYS SECOND SERIES by Pétrus Borel
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy