Bleak-House

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Bleak-House by Charles Dickens, Hachette
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Author: Charles Dickens ISBN: 1230003184639
Publisher: Hachette Publication: April 15, 2019
Imprint: Language: French
Author: Charles Dickens
ISBN: 1230003184639
Publisher: Hachette
Publication: April 15, 2019
Imprint:
Language: French

La lenteur d’un interminable procès devant la cour suprême n’a rien qui déplaise au baronnet, dès que c’est une chose grave, dispendieuse, éminemment anglaise et se rattachant aux fondements de la constitution même. La seule impression désagréable qu’il reçoive de celui dont il s’agit, où d’ailleurs milady seule est en cause, est relativement à l’étiquette ; il est vraiment ridicule de voir le nom de Dedlock engagé dans une affaire quelconque sans figurer au titre ; mais il regarde l’institution de la chancellerie, alors même qu’à l’occasion elle entraverait un peu le cours de la justice et y apporterait quelque légère confusion, comme faisant partie essentielle d’une combinaison imaginée par la sagesse humaine, dans ce qu’elle a de plus excellent, pour régler à jamais tout ce qui se fait ici-bas. Et l’opinion bien arrêtée de sir Leicester est que, sanctionner, même par l’expression de sa physionomie, une plainte quelle qu’elle soit, contre ce monument si parfait de la raison humaine, serait encourager certaines gens de la basse classe à s’agiter quelque part, ainsi que l’a fait jadis ce factieux de Wat Tyler.

« Comme certains affidavit[5] ont été joints au dossier, continue M. Tulkinghorn, que la teneur en est courte, et que j’ai pour principe, fatigant j’en conviens, mais immuable, de ne rien laisser ignorer à mes clients des incidents de la cause où ils sont engagés ; sachant en outre que vous êtes sur le point de partir pour Paris, je me suis empressé d’apporter ces affidavit, afin de vous les soumettre. »

Sir Leicester est aussi du voyage, mais le courrier du grand monde ne parle que de milady.

M. Tulkinghorn demande la permission de poser les susdits papiers sur le tapis brodé d’or d’une petite table qui se trouve précisément à côté de milady, met ses lunettes, et commence la lecture suivante :

« En chancellerie, entre John Jarndyce… »

Milady l’interrompt pour le prier d’abréger autant que possible et de passer toutes ces horreurs de phrases.

M. Tulkinghorn lance un coup, d’œil par-dessus ses lunettes et reprend sa lecture un peu plus loin. Milady s’absorbe complétement en elle-même ; son air est à la fois insouciant et dédaigneux. Le baronnet est dans un grand fauteuil, il regarde les tisons, et paraît avoir un goût sérieux et noble pour les répétitions et prolixités judiciaires, comme faisant partie de cet ensemble d’institutions heureuses qui sauvegardent la vieille Angleterre. Le feu est des plus vifs : de sa place, milady en ressent trop la chaleur, et l’écran qu’elle tient à la main est moins utile que magnifique ; elle se détourne, aperçoit les papiers qui sont sur la petite table, les regarde de près, de plus près encore, et demande, comme poussée par un mouvement involontaire :

« Qui a écrit cela ? »

M. Tulkinghorn s’arrête, frappé du son de voix de milady.

« C’est là ce que vous appelez grossoyer ? » reprend-elle avec son indifférence habituelle et en regardant fixement le procureur, tandis qu’elle joue avec le riche écran.

M. Tulkinghorn examine le papier que lui désigne Sa Seigneurie.

« Non, répond-il, c’est une simple copie dont le caractère légal dérive de certaines formalités tout à fait en dehors de la manière dont elle se trouve écrite. Pourquoi demandez-vous cela ?

— Pour rien du tout, si ce n’est pour sortir un peu de cette lecture monotone ; continuez, je vous prie. »

M. Tulkinghorn obéit ; la chaleur augmente et milady se cache le visage derrière l’écran qu’elle tient. Tout à coup sir Leicester, qui commençait à sommeiller, se redresse vivement :

« Qu’est-ce qu’il y a ? s’écrie-t-il.

— Je crains que milady ne se trouve mal, répond M. Tulkinghorn en se levant.

— Ce n’est qu’une faiblesse, murmure milady de ses lèvres pâles ; ce n’est rien, mais je me sens faible à mourir. Ne me parlez pas. Sonnez, sir Leicester, et reconduisez-moi dans mon appartement. »

M. Tulkinghorn se retire dans une pièce voisine ; les sonnettes s’agitent, le bruit des pas se fait entendre ; tout redevient silencieux ; Mercure paraît et prie l’avoué de rentrer dans le salon.

« Mieux maintenant, répond sir Leicester à la question du gentleman en l’invitant à s’asseoir et à reprendre sa lecture. J’ai été fort effrayé ; jamais, jusqu’à présent, je n’avais vu milady s’évanouir. Mais ce temps est si affreux, et elle s’est tellement ennuyée dans son château du Lincolnshire ! »

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La lenteur d’un interminable procès devant la cour suprême n’a rien qui déplaise au baronnet, dès que c’est une chose grave, dispendieuse, éminemment anglaise et se rattachant aux fondements de la constitution même. La seule impression désagréable qu’il reçoive de celui dont il s’agit, où d’ailleurs milady seule est en cause, est relativement à l’étiquette ; il est vraiment ridicule de voir le nom de Dedlock engagé dans une affaire quelconque sans figurer au titre ; mais il regarde l’institution de la chancellerie, alors même qu’à l’occasion elle entraverait un peu le cours de la justice et y apporterait quelque légère confusion, comme faisant partie essentielle d’une combinaison imaginée par la sagesse humaine, dans ce qu’elle a de plus excellent, pour régler à jamais tout ce qui se fait ici-bas. Et l’opinion bien arrêtée de sir Leicester est que, sanctionner, même par l’expression de sa physionomie, une plainte quelle qu’elle soit, contre ce monument si parfait de la raison humaine, serait encourager certaines gens de la basse classe à s’agiter quelque part, ainsi que l’a fait jadis ce factieux de Wat Tyler.

« Comme certains affidavit[5] ont été joints au dossier, continue M. Tulkinghorn, que la teneur en est courte, et que j’ai pour principe, fatigant j’en conviens, mais immuable, de ne rien laisser ignorer à mes clients des incidents de la cause où ils sont engagés ; sachant en outre que vous êtes sur le point de partir pour Paris, je me suis empressé d’apporter ces affidavit, afin de vous les soumettre. »

Sir Leicester est aussi du voyage, mais le courrier du grand monde ne parle que de milady.

M. Tulkinghorn demande la permission de poser les susdits papiers sur le tapis brodé d’or d’une petite table qui se trouve précisément à côté de milady, met ses lunettes, et commence la lecture suivante :

« En chancellerie, entre John Jarndyce… »

Milady l’interrompt pour le prier d’abréger autant que possible et de passer toutes ces horreurs de phrases.

M. Tulkinghorn lance un coup, d’œil par-dessus ses lunettes et reprend sa lecture un peu plus loin. Milady s’absorbe complétement en elle-même ; son air est à la fois insouciant et dédaigneux. Le baronnet est dans un grand fauteuil, il regarde les tisons, et paraît avoir un goût sérieux et noble pour les répétitions et prolixités judiciaires, comme faisant partie de cet ensemble d’institutions heureuses qui sauvegardent la vieille Angleterre. Le feu est des plus vifs : de sa place, milady en ressent trop la chaleur, et l’écran qu’elle tient à la main est moins utile que magnifique ; elle se détourne, aperçoit les papiers qui sont sur la petite table, les regarde de près, de plus près encore, et demande, comme poussée par un mouvement involontaire :

« Qui a écrit cela ? »

M. Tulkinghorn s’arrête, frappé du son de voix de milady.

« C’est là ce que vous appelez grossoyer ? » reprend-elle avec son indifférence habituelle et en regardant fixement le procureur, tandis qu’elle joue avec le riche écran.

M. Tulkinghorn examine le papier que lui désigne Sa Seigneurie.

« Non, répond-il, c’est une simple copie dont le caractère légal dérive de certaines formalités tout à fait en dehors de la manière dont elle se trouve écrite. Pourquoi demandez-vous cela ?

— Pour rien du tout, si ce n’est pour sortir un peu de cette lecture monotone ; continuez, je vous prie. »

M. Tulkinghorn obéit ; la chaleur augmente et milady se cache le visage derrière l’écran qu’elle tient. Tout à coup sir Leicester, qui commençait à sommeiller, se redresse vivement :

« Qu’est-ce qu’il y a ? s’écrie-t-il.

— Je crains que milady ne se trouve mal, répond M. Tulkinghorn en se levant.

— Ce n’est qu’une faiblesse, murmure milady de ses lèvres pâles ; ce n’est rien, mais je me sens faible à mourir. Ne me parlez pas. Sonnez, sir Leicester, et reconduisez-moi dans mon appartement. »

M. Tulkinghorn se retire dans une pièce voisine ; les sonnettes s’agitent, le bruit des pas se fait entendre ; tout redevient silencieux ; Mercure paraît et prie l’avoué de rentrer dans le salon.

« Mieux maintenant, répond sir Leicester à la question du gentleman en l’invitant à s’asseoir et à reprendre sa lecture. J’ai été fort effrayé ; jamais, jusqu’à présent, je n’avais vu milady s’évanouir. Mais ce temps est si affreux, et elle s’est tellement ennuyée dans son château du Lincolnshire ! »

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