Barnabé Rudge

Fiction & Literature
Cover of the book Barnabé Rudge by Charles Dickens, Hachette
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Author: Charles Dickens ISBN: 1230003184592
Publisher: Hachette Publication: April 15, 2019
Imprint: Language: French
Author: Charles Dickens
ISBN: 1230003184592
Publisher: Hachette
Publication: April 15, 2019
Imprint:
Language: French

Sans tenir compte de cette remontrance chuchotée, et faisant semblant de ne pas l’entendre, le bourreau poursuivit, de manière à pousser Joe à bout :

« La belle raison ! Ce n’est pas la première fois que des célibataires ont eu des filles. Comme si elle ne pouvait pas être sa fille sans qu’il fût marié !

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, » répondit Joe, ajoutant d’un ton plus bas et en se rapprochant de lui : « Ah çà ! vous le faites donc exprès, hein ?

— Ma foi ! je n’ai pas du tout de mauvaise intention. Je ne vois pas de mal à ça. Je fais quelques questions, ainsi que tout étranger peut le faire naturellement, sur les habitants d’une maison remarquable, dans un pays nouveau pour moi, et vous voilà tout troublé, tout effaré, comme si je conspirais contre le roi Georges ! … Ne pouvez-vous pas, monsieur, me donner tout bonnement cette explication ? car enfin, je vous le répète, je suis étranger ; et tout ça, c’est de l’hébreu pour moi. »

La dernière observation était adressée à la personne qui causait évidemment l’embarras de Joe Willet. Elle s’était levée, mettait son manteau de voyage et se préparait à sortir. Ayant répondu d’une manière brève qu’il ne pouvait pas lui donner de renseignements, le jeune homme fit un signe à Joe, lui tendit une pièce de monnaie pour payer sa dépense, et s’élança dehors, accompagné du jeune Willet lui-même, qui prit une chandelle pour le suivre et l’éclairer jusqu’à la porte.

Pendant que Joe s’absentait pour s’acquitter de cet office, le vieux Willet et ses trois compagnons continuèrent à fumer avec une extrême gravité, dans un profond silence, ayant chacun leurs yeux fixés sur un chaudron de cuivre qui était pendu à la crémaillère sur le feu. Au bout de quelque temps, John Willet secoua lentement la tête, et là-dessus ses amis secouèrent aussi lentement la tête, mais sans que personne détournât ses yeux du chaudron, et sans rien changer à l’expression solennelle de leur physionomie.

Enfin Joe rentra, fort causeur et fort conciliant, comme un homme qui s’attend à être grondé et qui voudrait esquiver le coup.

« Ce que c’est que l’amour ! dit-il en avançant une chaise près du feu et jetant à la ronde un regard qui cherchait la sympathie. Il vient de partir pour Londres, tout du long, rien que ça. Son bidet, qu’il a rendu boiteux à le faire galoper ici cette après-midi, venait à peine de se reposer sur une confortable litière dans notre écurie il n’y a qu’un instant ; et lui-même le voilà qui renonce à un bon souper bien chaud et à notre meilleur lit… pourquoi ? parce que Mlle Haredale est allée à un bal masqué à Londres, et qu’il met la joie de son cœur à la voir. Ce n’est pas moi qui ferais ça, toute belle qu’elle est. Mais moi, je ne suis pas amoureux, ou ce serait donc sans le savoir ; et ça fait une fière différence.

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Sans tenir compte de cette remontrance chuchotée, et faisant semblant de ne pas l’entendre, le bourreau poursuivit, de manière à pousser Joe à bout :

« La belle raison ! Ce n’est pas la première fois que des célibataires ont eu des filles. Comme si elle ne pouvait pas être sa fille sans qu’il fût marié !

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, » répondit Joe, ajoutant d’un ton plus bas et en se rapprochant de lui : « Ah çà ! vous le faites donc exprès, hein ?

— Ma foi ! je n’ai pas du tout de mauvaise intention. Je ne vois pas de mal à ça. Je fais quelques questions, ainsi que tout étranger peut le faire naturellement, sur les habitants d’une maison remarquable, dans un pays nouveau pour moi, et vous voilà tout troublé, tout effaré, comme si je conspirais contre le roi Georges ! … Ne pouvez-vous pas, monsieur, me donner tout bonnement cette explication ? car enfin, je vous le répète, je suis étranger ; et tout ça, c’est de l’hébreu pour moi. »

La dernière observation était adressée à la personne qui causait évidemment l’embarras de Joe Willet. Elle s’était levée, mettait son manteau de voyage et se préparait à sortir. Ayant répondu d’une manière brève qu’il ne pouvait pas lui donner de renseignements, le jeune homme fit un signe à Joe, lui tendit une pièce de monnaie pour payer sa dépense, et s’élança dehors, accompagné du jeune Willet lui-même, qui prit une chandelle pour le suivre et l’éclairer jusqu’à la porte.

Pendant que Joe s’absentait pour s’acquitter de cet office, le vieux Willet et ses trois compagnons continuèrent à fumer avec une extrême gravité, dans un profond silence, ayant chacun leurs yeux fixés sur un chaudron de cuivre qui était pendu à la crémaillère sur le feu. Au bout de quelque temps, John Willet secoua lentement la tête, et là-dessus ses amis secouèrent aussi lentement la tête, mais sans que personne détournât ses yeux du chaudron, et sans rien changer à l’expression solennelle de leur physionomie.

Enfin Joe rentra, fort causeur et fort conciliant, comme un homme qui s’attend à être grondé et qui voudrait esquiver le coup.

« Ce que c’est que l’amour ! dit-il en avançant une chaise près du feu et jetant à la ronde un regard qui cherchait la sympathie. Il vient de partir pour Londres, tout du long, rien que ça. Son bidet, qu’il a rendu boiteux à le faire galoper ici cette après-midi, venait à peine de se reposer sur une confortable litière dans notre écurie il n’y a qu’un instant ; et lui-même le voilà qui renonce à un bon souper bien chaud et à notre meilleur lit… pourquoi ? parce que Mlle Haredale est allée à un bal masqué à Londres, et qu’il met la joie de son cœur à la voir. Ce n’est pas moi qui ferais ça, toute belle qu’elle est. Mais moi, je ne suis pas amoureux, ou ce serait donc sans le savoir ; et ça fait une fière différence.

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