Author: | Vsevolod Garchine | ISBN: | 1230000253487 |
Publisher: | NA | Publication: | July 19, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Vsevolod Garchine |
ISBN: | 1230000253487 |
Publisher: | NA |
Publication: | July 19, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: IL y avait, dans une grande ville, un jardin botanique, et, dans ce jardin, une immense serre. Elle était très belle ; d’harmonieuses colonnes torses soutenaient l’édifice ; sur ces colonnes s’appuyaient de légères ar-cades artistement ouvragées et supportant l’entrelacement des châssis de fer sur lesquels étaient fixées les vitres. La serre était belle, surtout quand le so-leil se couchait et l’éclairait de sa lumière rouge. Alors elle s’embrasait tout entière ; des reflets rougeâtres se jouaient et se transfusaient, comme dans une grande pierre précieuse finement taillée.
On apercevait, à travers les gros carreaux transparents, les plantes enfermées dans la serre. Mais, malgré la grandeur de celle-ci, elles y étaient à l’étroit. Les racines se confondaient et s’enlevaient l’une à l’autre l’humidité et la nourriture. Les branches des arbres se mêlaient aux feuilles immenses des palmiers, les pliaient et les bri-saient et, venant peser sur les châssis de fer, étaient à leur tour pliées et brisées. Les jardiniers ne cessaient de tailler les branches, de lier les feuilles au moyen de fils d’archal pour les empêcher de croître où bon leur semblait, mais leurs efforts étaient peu efficaces. L’espace, le sol natal et la liberté, voilà ce qu’il eût fallu aux plantes. Originaires des pays chauds, créatures délicates, bien que de nature exubérante, elles se souvenaient de la patrie et se mou-raient de nostalgie. Mais si le toit était transparent, ce n’était pas cependant le ciel clair. Parfois, l’hiver, les vitres gelaient ; alors l’obscurité tombait lentement dans la serre. La bise soufflait violemment, battait les châssis et les faisait trembler. Le toit se couvrait de neige. Les plantes se dressaient et écoutaient le hurlement du vent ; elles se souvenaient alors d’un autre vent, tiède, moite, qui leur donnait la vie et la santé. Et elles aspiraient à sentir de nouveau son souffle ; elles désiraient qu’il vînt incliner leurs branches, se jouer dans leurs feuilles. L’air était immobile dans la serre, sauf quand une bourrasque d’hiver cassait les vitres et qu’un flot piquant et froid, plein de givre, pénétrait sous la voûte. Partout où tom-bait ce froid, les feuilles pâlissaient, se crispaient, se fa-naient. Toutefois, les carreaux de vitre étaient bien vite replacés. Le jardin botanique était administré par un di-recteur distingué et érudit ; celui-ci ne permettait aucun désordre, bien qu’il passât une grande partie de son temps à travailler au microscope dans un petit pavillon vitré arrangé dans la grande serre.
Il y avait, parmi les plantes, un palmier plus élevé et plus beau que tous les autres arbres. Le directeur l’appelait en latin Attalea. Mais ce n’était pas là son nom véritable ; les botanistes l’avaient imaginé, ne connais-sant pas celui que le palmier portait dans sa patrie et qui n’était pas inscrit non plus sur la planchette blanche fixée au tronc de l’arbre.
Extrait: IL y avait, dans une grande ville, un jardin botanique, et, dans ce jardin, une immense serre. Elle était très belle ; d’harmonieuses colonnes torses soutenaient l’édifice ; sur ces colonnes s’appuyaient de légères ar-cades artistement ouvragées et supportant l’entrelacement des châssis de fer sur lesquels étaient fixées les vitres. La serre était belle, surtout quand le so-leil se couchait et l’éclairait de sa lumière rouge. Alors elle s’embrasait tout entière ; des reflets rougeâtres se jouaient et se transfusaient, comme dans une grande pierre précieuse finement taillée.
On apercevait, à travers les gros carreaux transparents, les plantes enfermées dans la serre. Mais, malgré la grandeur de celle-ci, elles y étaient à l’étroit. Les racines se confondaient et s’enlevaient l’une à l’autre l’humidité et la nourriture. Les branches des arbres se mêlaient aux feuilles immenses des palmiers, les pliaient et les bri-saient et, venant peser sur les châssis de fer, étaient à leur tour pliées et brisées. Les jardiniers ne cessaient de tailler les branches, de lier les feuilles au moyen de fils d’archal pour les empêcher de croître où bon leur semblait, mais leurs efforts étaient peu efficaces. L’espace, le sol natal et la liberté, voilà ce qu’il eût fallu aux plantes. Originaires des pays chauds, créatures délicates, bien que de nature exubérante, elles se souvenaient de la patrie et se mou-raient de nostalgie. Mais si le toit était transparent, ce n’était pas cependant le ciel clair. Parfois, l’hiver, les vitres gelaient ; alors l’obscurité tombait lentement dans la serre. La bise soufflait violemment, battait les châssis et les faisait trembler. Le toit se couvrait de neige. Les plantes se dressaient et écoutaient le hurlement du vent ; elles se souvenaient alors d’un autre vent, tiède, moite, qui leur donnait la vie et la santé. Et elles aspiraient à sentir de nouveau son souffle ; elles désiraient qu’il vînt incliner leurs branches, se jouer dans leurs feuilles. L’air était immobile dans la serre, sauf quand une bourrasque d’hiver cassait les vitres et qu’un flot piquant et froid, plein de givre, pénétrait sous la voûte. Partout où tom-bait ce froid, les feuilles pâlissaient, se crispaient, se fa-naient. Toutefois, les carreaux de vitre étaient bien vite replacés. Le jardin botanique était administré par un di-recteur distingué et érudit ; celui-ci ne permettait aucun désordre, bien qu’il passât une grande partie de son temps à travailler au microscope dans un petit pavillon vitré arrangé dans la grande serre.
Il y avait, parmi les plantes, un palmier plus élevé et plus beau que tous les autres arbres. Le directeur l’appelait en latin Attalea. Mais ce n’était pas là son nom véritable ; les botanistes l’avaient imaginé, ne connais-sant pas celui que le palmier portait dans sa patrie et qui n’était pas inscrit non plus sur la planchette blanche fixée au tronc de l’arbre.