Author: | Erckmann-Chatrian | ISBN: | 1230000685863 |
Publisher: | pb | Publication: | September 27, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Erckmann-Chatrian |
ISBN: | 1230000685863 |
Publisher: | pb |
Publication: | September 27, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Sous Louis XVIII, je vois les reposoirs, les paysans qui viennent avec
des voitures de mousse, de genêts et de petits sapins, les dames qui sortent
des maisons avec les grands vases de fleurs, les gens qui prêtent leurs
chandeliers et leurs crucifix, et ensuite les processions : M. le curé et
ses vicaires ; les enfants de choeur Jacob Cloutier, Purrhus et Tribou qui
chantent ; le bedeau Koekli en robe rouge, avec la bannière qui balaye le
ciel ; les cloches qui sonnent à pleines volées ; M. Jourdan, le nouveau
maire, avec sa grosse figure rouge, son bel uniforme et sa croix de Saint-
Louis ; le nouveau commandant de place, M. Robert de la Faisanderie, son
tricorne sous le bras, sa grosse perruque poudrée à frimas, et ses broderies
étincelant au soleil ; et, derrière, le conseil municipal et les cierges
innombrables qu’on rallume l’un à l’autre quand il fait du vent ; le suisse
Jean-Pierre Sirou, la barbe bleue bien rasée, son magnifique chapeau en
travers des épaules, le large baudrier en soie blanche, parsemé de fleurs de
lis, sur la poitrine, la hallebarde toute droite, qui reluit en l’air comme un
plat d’argent ; les jeunes filles, les dames et les milliers de gens de la campagne
en habit des dimanches, qui prient tous ensemble ; les vieilles en
tête de chaque village, qui répètent sans cesse d’une voix claire : « Be? fer
ouns ! Be? fer ouns !(1) » les rues pleines de feuilles, les guirlandes et les
drapeaux blancs aux fenêtres ; les juifs et les luthériens derrière leurs persiennes
en haut, qui regardent dans l’ombre, pendant que le soleil éclaire
ce beau spectacle ! – Oui, cela dura depuis 1814 jusqu’en 1830, excepté
les Cent-Jours, sans parler des missions, de la tournée des évêques et des
autres cérémonies extraordinaires. J’aime autant vous dire cela tout de
suite, car de vous raconter chaque procession l’une après l’autre, ce serait
trop long.
Sous Louis XVIII, je vois les reposoirs, les paysans qui viennent avec
des voitures de mousse, de genêts et de petits sapins, les dames qui sortent
des maisons avec les grands vases de fleurs, les gens qui prêtent leurs
chandeliers et leurs crucifix, et ensuite les processions : M. le curé et
ses vicaires ; les enfants de choeur Jacob Cloutier, Purrhus et Tribou qui
chantent ; le bedeau Koekli en robe rouge, avec la bannière qui balaye le
ciel ; les cloches qui sonnent à pleines volées ; M. Jourdan, le nouveau
maire, avec sa grosse figure rouge, son bel uniforme et sa croix de Saint-
Louis ; le nouveau commandant de place, M. Robert de la Faisanderie, son
tricorne sous le bras, sa grosse perruque poudrée à frimas, et ses broderies
étincelant au soleil ; et, derrière, le conseil municipal et les cierges
innombrables qu’on rallume l’un à l’autre quand il fait du vent ; le suisse
Jean-Pierre Sirou, la barbe bleue bien rasée, son magnifique chapeau en
travers des épaules, le large baudrier en soie blanche, parsemé de fleurs de
lis, sur la poitrine, la hallebarde toute droite, qui reluit en l’air comme un
plat d’argent ; les jeunes filles, les dames et les milliers de gens de la campagne
en habit des dimanches, qui prient tous ensemble ; les vieilles en
tête de chaque village, qui répètent sans cesse d’une voix claire : « Be? fer
ouns ! Be? fer ouns !(1) » les rues pleines de feuilles, les guirlandes et les
drapeaux blancs aux fenêtres ; les juifs et les luthériens derrière leurs persiennes
en haut, qui regardent dans l’ombre, pendant que le soleil éclaire
ce beau spectacle ! – Oui, cela dura depuis 1814 jusqu’en 1830, excepté
les Cent-Jours, sans parler des missions, de la tournée des évêques et des
autres cérémonies extraordinaires. J’aime autant vous dire cela tout de
suite, car de vous raconter chaque procession l’une après l’autre, ce serait
trop long.