Peveril du Pic

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Peveril du Pic by Walter Scott, GILBERT TEROL
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Author: Walter Scott ISBN: 1230002801421
Publisher: GILBERT TEROL Publication: November 6, 2018
Imprint: Language: French
Author: Walter Scott
ISBN: 1230002801421
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: November 6, 2018
Imprint:
Language: French

Tandis que vaincu par la fatigue et tourmenté par l’inquiétude, Julien s’endormait prisonnier sous le toit de son ennemi héréditaire, la fortune préparait sa délivrance par un de ces caprices soudains qui trompent les espérances et déjouent les calculs de l’esprit humain, et, comme elle se sert souvent d’agents fort étranges pour l’accomplissement de ses desseins, il lui plut d’employer en cette circonstance le personnage important de mistress Deborah Debbitch.

Excitée sans doute par le souvenir du temps qui n’était plus, cette duègne prudente et réfléchie ne se sentit pas plus tôt dans le voisinage des lieux où elle avait passé les beaux jours de sa vie, qu’elle se mit en tête d’aller faire une visite à la vieille femme de charge du château de Martindale, dame Ellesmère, qui, retirée depuis long-temps de son service actif, demeurait avec son neveu, Lance-Outram, dans la maison du garde forestier, et vivait là des économies de sa jeunesse et d’une petite pension que lui avait accordée sir Geoffrey en considération de son âge et de ses fidèles services.

Il s’en fallait beaucoup que dame Ellesmère et mistress Deborah eussent jamais été amies aussi intimes que cette prompte visite aurait pu le faire croire ; mais le temps avait appris à Deborah à oublier et à pardonner : et d’ailleurs peut-être n’était-elle pas fâchée, sous prétexte d’aller voir mistress Ellesmère, d’examiner le changement que les années avaient produit sur son ancien admirateur le garde forestier. Ils étaient tous les deux dans leur petite maison, lorsque Deborah, parée de sa plus belle robe, après avoir traversé la prairie, franchi la haie, et pris le petit sentier, frappa à la porte et souleva le loquet, en entendant l’invitation hospitalière qui lui fut faite d’entrer.

La vue de dame Ellesmère était tellement affaiblie que, même à l’aide de ses lunettes, elle ne put reconnaître, dans la femme mûre et presque majestueuse qui entrait, la jeune fille leste et bien faite qui, fière de sa bonne mine et de sa langue bien déliée, l’avait si souvent irritée par son insubordination. Son ancien amant, le redoutable Lance, ne se doutant pas que le fréquent usage de l’ale avait donné de la rotondité à sa taille, jadis souple et dégagée, et que la vertu de l’eau-de-vie avait transporté sur son nez les couleurs vermeilles qui brillaient autrefois sur ses joues, fut incapable de découvrir, sous le bonnet à la française que portait Deborah et la dentelle de Bruxelles qui ombrageait son visage, cette physionomie agaçante et futée qui lui avait valu tant de mercuriales de la part du docteur Dummerar, lorsque, pendant la prière ou le service, il permettait à ses yeux de se diriger vers le banc où se plaçait Deborah.

Enfin elle fut obligée en rougissant de se nommer ; et, une fois reconnue, elle fut reçue par la tante et le neveu avec la plus sincère cordialité.

On lui offrit l’ale brassée à la maison ; et les tranches de venaison que l’on y ajouta pouvaient faire conjecturer que Lance-Outram, en sa qualité de garde forestier, n’oubliait pas, en fournissant le garde-manger du château, de garnir aussi celui de sa maisonnette. Un modeste verre de l’excellente ale du Derbyshire et un morceau de venaison fortement assaisonnée eurent bientôt mis Deborah parfaitement à l’aise avec ses anciens amis.

Après toutes les questions indispensables et toutes les réponses convenables sur l’état du voisinage et sur les connaissances qui y résidaient encore, la conversation, qui commençait à languir, prit tout-à-coup un nouvel intérêt, grâce à Deborah, qui avertit ses amis de ce qu’ils allaient bientôt apprendre de fâcheux sur les événements du château ; elle leur dit que le major Bridgenorth, son maître actuel, avait été sommé par certain grand personnage arrivé de Londres de lui prêter main-forte pour arrêter sir Geoffroy, son ancien maître ; et que tous les domestiques de monsieur Bridgenorth, ainsi que plusieurs autres personnes qu’elle nomma toutes du même parti, avaient formé une troupe nombreuse pour surprendre le chevalier dans sa demeure. « On ne pouvait craindre, ajoutait-elle, que sir Geoffroy, maintenant vieux et goutteux, fit une défense aussi ferme qu’il l’aurait faite autrefois ; mais, comme il était connu pour être courageux et intrépide, il n’était pas probable qu’il se rendît sans tirer l’épée ; et s’il venait à tomber sous les coups de ceux qui n’avaient jamais cherché à le ménager, et à la merci desquels il se trouvait maintenant, elle, dame Deborah, ne regardait lady Peveril ni plus ni moins que comme une femme morte. Il en résulterait sans doute un deuil général dans ce pays, où ils avaient une parenté si nombreuse ; et la soie, par cette raison, allait vraisemblablement renchérir de manière à remplir la bourse de maître Lutestring, le marchand mercier de Chesterfield. Quant à elle, que lui importait comment les choses tourneraient ? Mais si monsieur Julien devenait le maître du château, elle était dans le cas de dire mieux que personne qui pourrait fort bien devenir la maîtresse de Martindale.

La nouvelle que Bridgenorth était parti à la tête d’une troupe de gens pour attaquer sir Geoffroy Peveril dans son propre château parut si étrange aux anciens serviteurs de la famille, qu’ils furent incapables de faire aucune attention au reste du discours que miss Deborah débitait avec tant de volubilité ; et lorsqu’enfin elle s’arrêta pour respirer, tout ce que la pauvre dame Ellesmère put répliquer, fut ce peu de mots : « Quoi ! Bridgenorth braver Peveril du Pic ! Cette femme est-elle folle ? — Allons, allons, dit Deborah, ne me donnez pas le nom de femme plus que je ne vous le donne ; je n’ai pas occupé le haut bout de la table de mon maître pendant tant d’années, et je n’ai pas reçu le litre de mistress, pour que vous me traitiez ainsi de femme. Quant aux nouvelles que je vous apporte, elles sont aussi vraies qu’il est sûr que je vous vois assise là, avec une coiffe blanche, que vous changerez pour une noire avant peu. — Lance-Outram, s’écria la vieille femme, si tu es un homme, sors à l’instant, et cours t’informer de ce qui se passe au château. — Oui, répondit Outram, je ne suis resté ici que trop long-temps. » Et saisissant son arc et quelques flèches, il s’élança hors de la chaumière. — En voici bien d’une autre, dit mistress Deborah ; voyez un peu si ma nouvelle n’a pas fait fuir d’épouvante Lance-Outram, lui que rien ne pouvait effrayer, à ce qu’on disait. Mais ne vous alarmez pas tant, dame Ellesmère : si le château et les terres passent entre les mains du major Bridgenorth, ce qui est assez probable, car j’ai entendu dire qu’il lui est dû une somme considérable sur ce domaine, je vous promets ma recommandation auprès de lui

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Tandis que vaincu par la fatigue et tourmenté par l’inquiétude, Julien s’endormait prisonnier sous le toit de son ennemi héréditaire, la fortune préparait sa délivrance par un de ces caprices soudains qui trompent les espérances et déjouent les calculs de l’esprit humain, et, comme elle se sert souvent d’agents fort étranges pour l’accomplissement de ses desseins, il lui plut d’employer en cette circonstance le personnage important de mistress Deborah Debbitch.

Excitée sans doute par le souvenir du temps qui n’était plus, cette duègne prudente et réfléchie ne se sentit pas plus tôt dans le voisinage des lieux où elle avait passé les beaux jours de sa vie, qu’elle se mit en tête d’aller faire une visite à la vieille femme de charge du château de Martindale, dame Ellesmère, qui, retirée depuis long-temps de son service actif, demeurait avec son neveu, Lance-Outram, dans la maison du garde forestier, et vivait là des économies de sa jeunesse et d’une petite pension que lui avait accordée sir Geoffrey en considération de son âge et de ses fidèles services.

Il s’en fallait beaucoup que dame Ellesmère et mistress Deborah eussent jamais été amies aussi intimes que cette prompte visite aurait pu le faire croire ; mais le temps avait appris à Deborah à oublier et à pardonner : et d’ailleurs peut-être n’était-elle pas fâchée, sous prétexte d’aller voir mistress Ellesmère, d’examiner le changement que les années avaient produit sur son ancien admirateur le garde forestier. Ils étaient tous les deux dans leur petite maison, lorsque Deborah, parée de sa plus belle robe, après avoir traversé la prairie, franchi la haie, et pris le petit sentier, frappa à la porte et souleva le loquet, en entendant l’invitation hospitalière qui lui fut faite d’entrer.

La vue de dame Ellesmère était tellement affaiblie que, même à l’aide de ses lunettes, elle ne put reconnaître, dans la femme mûre et presque majestueuse qui entrait, la jeune fille leste et bien faite qui, fière de sa bonne mine et de sa langue bien déliée, l’avait si souvent irritée par son insubordination. Son ancien amant, le redoutable Lance, ne se doutant pas que le fréquent usage de l’ale avait donné de la rotondité à sa taille, jadis souple et dégagée, et que la vertu de l’eau-de-vie avait transporté sur son nez les couleurs vermeilles qui brillaient autrefois sur ses joues, fut incapable de découvrir, sous le bonnet à la française que portait Deborah et la dentelle de Bruxelles qui ombrageait son visage, cette physionomie agaçante et futée qui lui avait valu tant de mercuriales de la part du docteur Dummerar, lorsque, pendant la prière ou le service, il permettait à ses yeux de se diriger vers le banc où se plaçait Deborah.

Enfin elle fut obligée en rougissant de se nommer ; et, une fois reconnue, elle fut reçue par la tante et le neveu avec la plus sincère cordialité.

On lui offrit l’ale brassée à la maison ; et les tranches de venaison que l’on y ajouta pouvaient faire conjecturer que Lance-Outram, en sa qualité de garde forestier, n’oubliait pas, en fournissant le garde-manger du château, de garnir aussi celui de sa maisonnette. Un modeste verre de l’excellente ale du Derbyshire et un morceau de venaison fortement assaisonnée eurent bientôt mis Deborah parfaitement à l’aise avec ses anciens amis.

Après toutes les questions indispensables et toutes les réponses convenables sur l’état du voisinage et sur les connaissances qui y résidaient encore, la conversation, qui commençait à languir, prit tout-à-coup un nouvel intérêt, grâce à Deborah, qui avertit ses amis de ce qu’ils allaient bientôt apprendre de fâcheux sur les événements du château ; elle leur dit que le major Bridgenorth, son maître actuel, avait été sommé par certain grand personnage arrivé de Londres de lui prêter main-forte pour arrêter sir Geoffroy, son ancien maître ; et que tous les domestiques de monsieur Bridgenorth, ainsi que plusieurs autres personnes qu’elle nomma toutes du même parti, avaient formé une troupe nombreuse pour surprendre le chevalier dans sa demeure. « On ne pouvait craindre, ajoutait-elle, que sir Geoffroy, maintenant vieux et goutteux, fit une défense aussi ferme qu’il l’aurait faite autrefois ; mais, comme il était connu pour être courageux et intrépide, il n’était pas probable qu’il se rendît sans tirer l’épée ; et s’il venait à tomber sous les coups de ceux qui n’avaient jamais cherché à le ménager, et à la merci desquels il se trouvait maintenant, elle, dame Deborah, ne regardait lady Peveril ni plus ni moins que comme une femme morte. Il en résulterait sans doute un deuil général dans ce pays, où ils avaient une parenté si nombreuse ; et la soie, par cette raison, allait vraisemblablement renchérir de manière à remplir la bourse de maître Lutestring, le marchand mercier de Chesterfield. Quant à elle, que lui importait comment les choses tourneraient ? Mais si monsieur Julien devenait le maître du château, elle était dans le cas de dire mieux que personne qui pourrait fort bien devenir la maîtresse de Martindale.

La nouvelle que Bridgenorth était parti à la tête d’une troupe de gens pour attaquer sir Geoffroy Peveril dans son propre château parut si étrange aux anciens serviteurs de la famille, qu’ils furent incapables de faire aucune attention au reste du discours que miss Deborah débitait avec tant de volubilité ; et lorsqu’enfin elle s’arrêta pour respirer, tout ce que la pauvre dame Ellesmère put répliquer, fut ce peu de mots : « Quoi ! Bridgenorth braver Peveril du Pic ! Cette femme est-elle folle ? — Allons, allons, dit Deborah, ne me donnez pas le nom de femme plus que je ne vous le donne ; je n’ai pas occupé le haut bout de la table de mon maître pendant tant d’années, et je n’ai pas reçu le litre de mistress, pour que vous me traitiez ainsi de femme. Quant aux nouvelles que je vous apporte, elles sont aussi vraies qu’il est sûr que je vous vois assise là, avec une coiffe blanche, que vous changerez pour une noire avant peu. — Lance-Outram, s’écria la vieille femme, si tu es un homme, sors à l’instant, et cours t’informer de ce qui se passe au château. — Oui, répondit Outram, je ne suis resté ici que trop long-temps. » Et saisissant son arc et quelques flèches, il s’élança hors de la chaumière. — En voici bien d’une autre, dit mistress Deborah ; voyez un peu si ma nouvelle n’a pas fait fuir d’épouvante Lance-Outram, lui que rien ne pouvait effrayer, à ce qu’on disait. Mais ne vous alarmez pas tant, dame Ellesmère : si le château et les terres passent entre les mains du major Bridgenorth, ce qui est assez probable, car j’ai entendu dire qu’il lui est dû une somme considérable sur ce domaine, je vous promets ma recommandation auprès de lui

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