Les Mystères du peuple Tome IX

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Les Mystères du peuple Tome IX by EUGÈNE SUE, GILBERT TEROL
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: EUGÈNE SUE ISBN: 1230001373936
Publisher: GILBERT TEROL Publication: October 5, 2016
Imprint: Language: French
Author: EUGÈNE SUE
ISBN: 1230001373936
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: October 5, 2016
Imprint:
Language: French

Domrémy est un village des frontières de la Lorraine, sis au versant d’une vallée fertile ; la Meuse arrose ses pâturages. Un vieux bois de chênes, où existent encore quelques souvenirs de la tradition druidique, avoisine l’église ; cette église est la plus belle de toutes les paroisses de la vallée, qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy. Sainte Catherine et sainte Marguerite, superbement peintes et dorées, ornent le sanctuaire ; saint Michel archange, tenant son épée d’une main et de l’autre ses balances, resplendit au fond d’une chapelle obscure. Heureuse est la vallée qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy ! Seigneurie royale, perdue aux confins des Gaules, elle n’a pas souffert jusqu’alors des désastres de la guerre, dont le centre du pays, depuis un demi-siècle et plus, est si grandement désolé ; ses habitants se sont affranchis du servage, profitant des troubles civils et de l’éloignement de leur royal suzerain, séparé d’eux par la Champagne, tombée au pouvoir des Anglais.

Jacques Darc, d’une famille longtemps serve de l’abbaye de Saint-Rémy, puis du sire de Joinville avant que le fief de Vaucouleurs fût réuni au domaine du roi, Jacques Darc, honnête laboureur, père de famille sévère, un peu rude homme, vivait de la culture de ses champs. Sa femme s’appelait Ysabelle Romée, son fils aîné, Pierre ; le second, Jean, et sa fille, née le jour des Rois de l’an 1412, s’appelait Jeannette. Alors âgée de treize ans passés, c’était une avenante, douce et pieuse enfant, d’une intelligence précoce, d’un esprit sérieux pour son âge ; elle se mêlait cependant aux jeux de ses compagnes, et jamais ne se montrait glorieuse de son agilité, lorsque, selon son habitude, elle gagnait dans leurs jeux le prix de la course. Elle ne savait ni lire ni écrire ; active, laborieuse, elle aidait sa mère aux soins du ménage, menait aux champs les brebis, ne craignait personne pour coudre ou pour filer. Souvent pensive lorsque seule au fond des bois elle gardait ses moutons, elle trouvait un plaisir inexprimable à entendre le son lointain des cloches ; elle l’aimait tant, le son des cloches, que, parfois, elle faisait de petits présents de fruits ou d’écheveaux de laine au clerc de la paroisse de Domrémy, lui demandant avec gentillesse de prolonger un peu la sonnerie de la vesprée ou de l’Angelus [1]. Jeannette se plaisait encore à conduire son bétail dans l’antique forêt de chênes appelée « le bois Chesnu [2] », vers une claire fontaine ombragée par un hêtre vieux de deux ou trois cents ans ; on lui donnait le nom de « l’Arbre des Fées. » L’on disait à la veillée que les prêtres des anciens dieux de la Gaule apparaissaient parfois, vêtus de leurs longues robes blanches, sous la sombre voûte des chênes de cette forêt, et que souvent de petites fées venaient, au clair de lune, se baigner, se mirer dans les eaux de la fontaine. Jeannette ne redoutait point les fées, sachant qu’un signe de croix mettait en fuite les malins esprits ; elle professait une dévotion particulière pour sainte Marguerite et sainte Catherine, les deux belles saintes de sa paroisse. Lorsqu’aux jours de fête elle accompagnait aux offices divins ses parents bien-aimés, elle ne se lassait pas de contempler, d’admirer ses bonnes saintes, à la fois souriantes et majestueuses sous leurs couronnes d’or. Saint Michel la frappait aussi beaucoup ; mais la menaçante sévérité des traits de l’archange, sa flamboyante épée, intimidaient la bergerette, tandis qu’elle ressentait une confiance ineffable en ses chères saintes. Elle avait pour marraine Sybille, vieille femme originaire de Bretagne, filandière de son état. Sybille connaissait une foule de légendes merveilleuses, parlait familièrement des fées, des génies ou autres êtres surnaturels. Quelques-uns la croyaient sorcière [3] ; mais son bon cœur, sa piété, l’honnêteté de sa vie, ne justifiaient en rien ces soupçons de magie. Jeannette, objet de prédilection de sa marraine, écoutait avidement les légendes qu’elle lui contait, lorsqu’elle la rencontrait en allant abreuver ses brebis à la fontaine de l’Arbre des Fées, Sybille faisant de préférence rouir son chanvre dans un ruisseau voisin. Les miraculeux récits de sa marraine se gravaient profondément dans l’esprit de Jeannette, de plus en plus sérieuse et pensive à mesure qu’elle approchait de sa quatorzième année ; elle éprouvait depuis quelque temps de vagues tristesses ; maintes fois, seule dans les bois ou dans les prairies, entendant le bruit lointain des cloches, qu’elle aimait tant, elle se prenait à pleurer sans savoir pourquoi elle pleurait ; ces larmes involontaires la soulageaient. Mais ses nuits devenaient agitées, inquiètes ; elle ne dormait plus de ce paisible sommeil dont jouissent les enfants rustiques après de salutaires fatigues. Elle rêvait beaucoup : tantôt ses songes lui retraçaient confusément les légendes de sa marraine ; tantôt elle voyait sainte Marguerite et sainte Catherine lui sourire d’un air tendre et mystérieux.

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

Domrémy est un village des frontières de la Lorraine, sis au versant d’une vallée fertile ; la Meuse arrose ses pâturages. Un vieux bois de chênes, où existent encore quelques souvenirs de la tradition druidique, avoisine l’église ; cette église est la plus belle de toutes les paroisses de la vallée, qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy. Sainte Catherine et sainte Marguerite, superbement peintes et dorées, ornent le sanctuaire ; saint Michel archange, tenant son épée d’une main et de l’autre ses balances, resplendit au fond d’une chapelle obscure. Heureuse est la vallée qui commence à Vaucouleurs et finit à Domrémy ! Seigneurie royale, perdue aux confins des Gaules, elle n’a pas souffert jusqu’alors des désastres de la guerre, dont le centre du pays, depuis un demi-siècle et plus, est si grandement désolé ; ses habitants se sont affranchis du servage, profitant des troubles civils et de l’éloignement de leur royal suzerain, séparé d’eux par la Champagne, tombée au pouvoir des Anglais.

Jacques Darc, d’une famille longtemps serve de l’abbaye de Saint-Rémy, puis du sire de Joinville avant que le fief de Vaucouleurs fût réuni au domaine du roi, Jacques Darc, honnête laboureur, père de famille sévère, un peu rude homme, vivait de la culture de ses champs. Sa femme s’appelait Ysabelle Romée, son fils aîné, Pierre ; le second, Jean, et sa fille, née le jour des Rois de l’an 1412, s’appelait Jeannette. Alors âgée de treize ans passés, c’était une avenante, douce et pieuse enfant, d’une intelligence précoce, d’un esprit sérieux pour son âge ; elle se mêlait cependant aux jeux de ses compagnes, et jamais ne se montrait glorieuse de son agilité, lorsque, selon son habitude, elle gagnait dans leurs jeux le prix de la course. Elle ne savait ni lire ni écrire ; active, laborieuse, elle aidait sa mère aux soins du ménage, menait aux champs les brebis, ne craignait personne pour coudre ou pour filer. Souvent pensive lorsque seule au fond des bois elle gardait ses moutons, elle trouvait un plaisir inexprimable à entendre le son lointain des cloches ; elle l’aimait tant, le son des cloches, que, parfois, elle faisait de petits présents de fruits ou d’écheveaux de laine au clerc de la paroisse de Domrémy, lui demandant avec gentillesse de prolonger un peu la sonnerie de la vesprée ou de l’Angelus [1]. Jeannette se plaisait encore à conduire son bétail dans l’antique forêt de chênes appelée « le bois Chesnu [2] », vers une claire fontaine ombragée par un hêtre vieux de deux ou trois cents ans ; on lui donnait le nom de « l’Arbre des Fées. » L’on disait à la veillée que les prêtres des anciens dieux de la Gaule apparaissaient parfois, vêtus de leurs longues robes blanches, sous la sombre voûte des chênes de cette forêt, et que souvent de petites fées venaient, au clair de lune, se baigner, se mirer dans les eaux de la fontaine. Jeannette ne redoutait point les fées, sachant qu’un signe de croix mettait en fuite les malins esprits ; elle professait une dévotion particulière pour sainte Marguerite et sainte Catherine, les deux belles saintes de sa paroisse. Lorsqu’aux jours de fête elle accompagnait aux offices divins ses parents bien-aimés, elle ne se lassait pas de contempler, d’admirer ses bonnes saintes, à la fois souriantes et majestueuses sous leurs couronnes d’or. Saint Michel la frappait aussi beaucoup ; mais la menaçante sévérité des traits de l’archange, sa flamboyante épée, intimidaient la bergerette, tandis qu’elle ressentait une confiance ineffable en ses chères saintes. Elle avait pour marraine Sybille, vieille femme originaire de Bretagne, filandière de son état. Sybille connaissait une foule de légendes merveilleuses, parlait familièrement des fées, des génies ou autres êtres surnaturels. Quelques-uns la croyaient sorcière [3] ; mais son bon cœur, sa piété, l’honnêteté de sa vie, ne justifiaient en rien ces soupçons de magie. Jeannette, objet de prédilection de sa marraine, écoutait avidement les légendes qu’elle lui contait, lorsqu’elle la rencontrait en allant abreuver ses brebis à la fontaine de l’Arbre des Fées, Sybille faisant de préférence rouir son chanvre dans un ruisseau voisin. Les miraculeux récits de sa marraine se gravaient profondément dans l’esprit de Jeannette, de plus en plus sérieuse et pensive à mesure qu’elle approchait de sa quatorzième année ; elle éprouvait depuis quelque temps de vagues tristesses ; maintes fois, seule dans les bois ou dans les prairies, entendant le bruit lointain des cloches, qu’elle aimait tant, elle se prenait à pleurer sans savoir pourquoi elle pleurait ; ces larmes involontaires la soulageaient. Mais ses nuits devenaient agitées, inquiètes ; elle ne dormait plus de ce paisible sommeil dont jouissent les enfants rustiques après de salutaires fatigues. Elle rêvait beaucoup : tantôt ses songes lui retraçaient confusément les légendes de sa marraine ; tantôt elle voyait sainte Marguerite et sainte Catherine lui sourire d’un air tendre et mystérieux.

More books from GILBERT TEROL

Cover of the book LIOLA ou Légende Indienne by EUGÈNE SUE
Cover of the book Les Employés by EUGÈNE SUE
Cover of the book L’Homme et la Terre Tome I by EUGÈNE SUE
Cover of the book Mœurs des Diurnales : Traité de journalisme by EUGÈNE SUE
Cover of the book BOUVARD ET PERUCHET by EUGÈNE SUE
Cover of the book Massimilla Doni by EUGÈNE SUE
Cover of the book La Femme aux Deux sourires by EUGÈNE SUE
Cover of the book Le Pèlerin de Sainte Anne Tome I by EUGÈNE SUE
Cover of the book Le Livre des merveilles by EUGÈNE SUE
Cover of the book LA QUESTION ROMAINE by EUGÈNE SUE
Cover of the book LES PIRATES DU GOLFE ST-LAURENT Illustrées by EUGÈNE SUE
Cover of the book Catherine Morland by EUGÈNE SUE
Cover of the book LES DIABOLIQUES by EUGÈNE SUE
Cover of the book Scandale de la vérité by EUGÈNE SUE
Cover of the book Le Testament d'un excentrique by EUGÈNE SUE
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy