Author: | Constantin-François de Chasseboeuf Volney | ISBN: | 1230002985343 |
Publisher: | Paris : Parmantier, 1825 | Publication: | December 10, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Constantin-François de Chasseboeuf Volney |
ISBN: | 1230002985343 |
Publisher: | Paris : Parmantier, 1825 |
Publication: | December 10, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
L’HISTOIRE, si l’on veut la considérer comme une science, diffère absolument des sciences physiques et mathématiques. Dans les sciences physiques, les faits subsistent; ils sont vivants, et l’on peut les représenter au spectateur et au témoin. Dans l’histoire, les faits n’existent plus; ils sont morts et l’on ne peut les ressusciter devant le spectateur, ni les confronter au témoin. Les sciences physiques s’adressent immédiatement aux sens; l’histoire ne s’adresse qu’à l’imagination et à la mémoire: d’où résulte entre les faits physiques, c’est-à-dire existants, et les faits historiques, c’est-à-dire racontés, une différence importante quant à la croyance qu’ils peuvent exiger. Les faits physiques portent avec eux l’évidence et la certitude, parce qu’ils sont sensibles et se montrent en personne sur la scène immuable de l’univers: les faits historiques, au contraire, parce qu’ils n’apparaissent qu’en fantômes dans la glace irrégulière de l’entendement humain où ils se plient aux projections les plus bizarres, ne peuvent arriver qu’à la vraisemblance et à la probabilité. Il est donc nécessaire, pour évaluer le degré de crédibilité qui leur appartient, de les examiner soigneusement sous un double rapport: 1º celui de leur propre essence, c’est-à-dire le rapport d’analogie ou d’incompatibilité avec des faits physiques de la même espèce, encore subsistants et connus, ce qui constitue la possibilité; 2º sous le rapport de leurs narrateurs et de leurs témoins scrutés dans leurs facultés morales, dans leurs moyens d’instruction, d’information, dans leur impartialité, ce qui constitue la probabilité morale; et cette opération est le jugement compliqué d’une double réfraction, qui, par la mobilité des objets, rend le prononcé très-délicat et susceptible de beaucoup d’erreurs.
Appliquant ces observations aux principaux historiens anciens et modernes, nous nous proposons, dans le cours de ces leçons, d’examiner quel caractère présente l’histoire chez différents peuples; quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle. Nous ferons sentir la différence remarquable qui se trouve dans le génie historique d’une même nation, selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes et physiques; et de ces recherches sortiront plusieurs questions importantes.
L’HISTOIRE, si l’on veut la considérer comme une science, diffère absolument des sciences physiques et mathématiques. Dans les sciences physiques, les faits subsistent; ils sont vivants, et l’on peut les représenter au spectateur et au témoin. Dans l’histoire, les faits n’existent plus; ils sont morts et l’on ne peut les ressusciter devant le spectateur, ni les confronter au témoin. Les sciences physiques s’adressent immédiatement aux sens; l’histoire ne s’adresse qu’à l’imagination et à la mémoire: d’où résulte entre les faits physiques, c’est-à-dire existants, et les faits historiques, c’est-à-dire racontés, une différence importante quant à la croyance qu’ils peuvent exiger. Les faits physiques portent avec eux l’évidence et la certitude, parce qu’ils sont sensibles et se montrent en personne sur la scène immuable de l’univers: les faits historiques, au contraire, parce qu’ils n’apparaissent qu’en fantômes dans la glace irrégulière de l’entendement humain où ils se plient aux projections les plus bizarres, ne peuvent arriver qu’à la vraisemblance et à la probabilité. Il est donc nécessaire, pour évaluer le degré de crédibilité qui leur appartient, de les examiner soigneusement sous un double rapport: 1º celui de leur propre essence, c’est-à-dire le rapport d’analogie ou d’incompatibilité avec des faits physiques de la même espèce, encore subsistants et connus, ce qui constitue la possibilité; 2º sous le rapport de leurs narrateurs et de leurs témoins scrutés dans leurs facultés morales, dans leurs moyens d’instruction, d’information, dans leur impartialité, ce qui constitue la probabilité morale; et cette opération est le jugement compliqué d’une double réfraction, qui, par la mobilité des objets, rend le prononcé très-délicat et susceptible de beaucoup d’erreurs.
Appliquant ces observations aux principaux historiens anciens et modernes, nous nous proposons, dans le cours de ces leçons, d’examiner quel caractère présente l’histoire chez différents peuples; quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle. Nous ferons sentir la différence remarquable qui se trouve dans le génie historique d’une même nation, selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes et physiques; et de ces recherches sortiront plusieurs questions importantes.