Author: | Arnould Galopin | ISBN: | 1230000638036 |
Publisher: | pb | Publication: | August 30, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Arnould Galopin |
ISBN: | 1230000638036 |
Publisher: | pb |
Publication: | August 30, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Si j’avais pu prévoir que les batailles allaient, pendant trois années,
se succéder presque sans interruption, j’eusse été moins confiant et peutêtre
aurais-je fait comme certains jeunes gens qui, pour éviter la conscription,
s’étaient réfugiés dans les îles. J’aurais emmené mes parents avec
moi, et nous aurions vécu soit à Aurigny, soit à Guernesey, jusqu’à la fin
des hostilités. Mais tout le monde était persuadé que lorsque l’Empereur
aurait réduit l’Angleterre, ce qui ne pouvait tarder, la paix régnerait de
nouveau sur le monde.
Ce ne fut point sans regret que je qui?ai mes parents pour suivre un
sergent recruteur, sorte de soudard toujours ivre, aux façons grossières
et brutales, qui arborait avec orgueil un uniforme tout rapiécé, rempli de
taches, un bicorne cabossé et des bo?es éculées. Malgré l’état sordide de
ses vêtements, il ne manquait cependant pas d’allure avec son grand nez
busqué, ses sourcils broussailleux et sa longue moustache jaune toujours
humide de vin. Il s’appelait Rossignol et était originaire de l’Anjou. Il avait
comba?u à Savenay, à ?iberon, pendant la guerre de Vendée, avait fait
Jemmapes, Fleurus, Woerth et Coblentz… puis, après le 18 Brumaire, Marengo,
Hohenlinden, Ulm, Austerlitz, Eylau. Blessé quatre fois, il eût pu
prendre une retraite bien gagnée, mais, soldat de carrière, n’ayant pas de
métier, il avait refusé de redevenir un « affreux péquin » comme il disait
et s’était fait recruteur...
Si j’avais pu prévoir que les batailles allaient, pendant trois années,
se succéder presque sans interruption, j’eusse été moins confiant et peutêtre
aurais-je fait comme certains jeunes gens qui, pour éviter la conscription,
s’étaient réfugiés dans les îles. J’aurais emmené mes parents avec
moi, et nous aurions vécu soit à Aurigny, soit à Guernesey, jusqu’à la fin
des hostilités. Mais tout le monde était persuadé que lorsque l’Empereur
aurait réduit l’Angleterre, ce qui ne pouvait tarder, la paix régnerait de
nouveau sur le monde.
Ce ne fut point sans regret que je qui?ai mes parents pour suivre un
sergent recruteur, sorte de soudard toujours ivre, aux façons grossières
et brutales, qui arborait avec orgueil un uniforme tout rapiécé, rempli de
taches, un bicorne cabossé et des bo?es éculées. Malgré l’état sordide de
ses vêtements, il ne manquait cependant pas d’allure avec son grand nez
busqué, ses sourcils broussailleux et sa longue moustache jaune toujours
humide de vin. Il s’appelait Rossignol et était originaire de l’Anjou. Il avait
comba?u à Savenay, à ?iberon, pendant la guerre de Vendée, avait fait
Jemmapes, Fleurus, Woerth et Coblentz… puis, après le 18 Brumaire, Marengo,
Hohenlinden, Ulm, Austerlitz, Eylau. Blessé quatre fois, il eût pu
prendre une retraite bien gagnée, mais, soldat de carrière, n’ayant pas de
métier, il avait refusé de redevenir un « affreux péquin » comme il disait
et s’était fait recruteur...