Author: | Judith Gautier | ISBN: | 1230003049198 |
Publisher: | Paris, Charpentier et Pasquelle, 1904 | Publication: | January 26, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Judith Gautier |
ISBN: | 1230003049198 |
Publisher: | Paris, Charpentier et Pasquelle, 1904 |
Publication: | January 26, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: LE PRINCE A LA TÊTE SANGLANTE...
HISTOIRE LÉGENDAIRE D’ANNAM...
Les branches basses du palétuvier, enguirlandées de lianes, forment comme un hamac au-dessus du marais, et c’est là que le pasteur de buffles est couché nonchalamment, une jambe pendante, caressant de son pied nu les longs rubans d’herbes qui traînent sur l’eau.
D’une voix molle et machinale, il chante, le jeune homme, scandant sa chanson au rhythme vague dont il se balance en faisant clapoter l’eau.
A quelque distance, vautrées dans la vase, leurs mufles camus et veloutés tendus vers lui, ses bêtes semblent l’écouter, en dépit du proverbe: «La musique n’est pas faite pour l’oreille des buffles.»
De ses lèvres les paroles s’égrènent ainsi:
«Sauve-toi, seigneur tigre, sauve-toi! Malgré les griffes, malgré tes dents terribles, ta mort est certaine. Voici l’éléphant, roi de la forêt; écrasant les broussailles, il s’avance et va te briser les reins.
«Pauvre chèvre aux cornes gracieuses, à quoi bon fuir et bondir toute affolée? ce tigre a faim, il faut qu’il mange.
«L’oiseau a des ailes multicolores, il vole haut, loin des embûches, et, à plein gosier, chante sa joie. Hélas! le serpent, enroulé à l’arbre, fascine l’oiseau et l’engloutit dans sa gueule béante!
«Sous l’herbe et les feuilles mortes, à force d’être humble et petit, le vermisseau échappe à tout danger. Mais non! du haut de l’air, l’oiseau l’a vu: il fond sur lui et le dévore.
«Seul le pasteur de buffles est assez infime et ignoré pour n’éveiller aucune convoitise!…»
Extrait: LE PRINCE A LA TÊTE SANGLANTE...
HISTOIRE LÉGENDAIRE D’ANNAM...
Les branches basses du palétuvier, enguirlandées de lianes, forment comme un hamac au-dessus du marais, et c’est là que le pasteur de buffles est couché nonchalamment, une jambe pendante, caressant de son pied nu les longs rubans d’herbes qui traînent sur l’eau.
D’une voix molle et machinale, il chante, le jeune homme, scandant sa chanson au rhythme vague dont il se balance en faisant clapoter l’eau.
A quelque distance, vautrées dans la vase, leurs mufles camus et veloutés tendus vers lui, ses bêtes semblent l’écouter, en dépit du proverbe: «La musique n’est pas faite pour l’oreille des buffles.»
De ses lèvres les paroles s’égrènent ainsi:
«Sauve-toi, seigneur tigre, sauve-toi! Malgré les griffes, malgré tes dents terribles, ta mort est certaine. Voici l’éléphant, roi de la forêt; écrasant les broussailles, il s’avance et va te briser les reins.
«Pauvre chèvre aux cornes gracieuses, à quoi bon fuir et bondir toute affolée? ce tigre a faim, il faut qu’il mange.
«L’oiseau a des ailes multicolores, il vole haut, loin des embûches, et, à plein gosier, chante sa joie. Hélas! le serpent, enroulé à l’arbre, fascine l’oiseau et l’engloutit dans sa gueule béante!
«Sous l’herbe et les feuilles mortes, à force d’être humble et petit, le vermisseau échappe à tout danger. Mais non! du haut de l’air, l’oiseau l’a vu: il fond sur lui et le dévore.
«Seul le pasteur de buffles est assez infime et ignoré pour n’éveiller aucune convoitise!…»