L’Allemagne en 1848

Nonfiction, History, Germany
Cover of the book L’Allemagne en 1848 by KARL MARX, GILBERT TEROL
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Author: KARL MARX ISBN: 1230000204499
Publisher: GILBERT TEROL Publication: December 22, 2013
Imprint: Language: French
Author: KARL MARX
ISBN: 1230000204499
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: December 22, 2013
Imprint:
Language: French

Le premier acte du drame révolutionnaire qui se jouait sur le continent a pris fin. Les « pouvoirs qui existaient » avant l’ouragan de 1848 sont redevenus les « pouvoirs existants ». Les gouvernants d’un jour, plus ou moins populaires, — gouverneurs provisoires, triumvirs, dictateurs, — avec leur cortège de représentants, commissaires civils, commissaires militaires, préfets, juges, généraux, officiers et soldats, sont rejetés sur des rives étrangères et « transportés au-delà des mers », en Angleterre ou en Amérique, pour y former de nouveaux gouvernements in partibus infidelium, comités européens, comités centraux, comités nationaux ; ils annoncent leur avènement par des proclamations tout aussi solennelles que celles de potentats moins imaginaires.

Il est impossible d’imaginer une défaite plus éclatante que celle subie sur toute la ligne par le parti, ou plutôt les partis révolutionnaires du continent. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Le combat pour l’hégémonie sociale et politique, mené par les classes moyennes de la Grande-Bretagne, n’a-t-il pas duré quarante-huit ans et la bataille livrée par les classes moyennes en France n’a-t-elle pas fourni matière à quarante ans de luttes sans exemple ? Et son triomphe a-t-il jamais été plus près d’éclater qu’au moment même où la monarchie restaurée se croyait le plus solidement établie ? La superstition, qui attribuait les révolutions à la mauvaise volonté de quelques agitateurs, a depuis longtemps fait son temps ; tout le monde sait maintenant que partout où une convulsion révolutionnaire se produit, elle a sa source dans quelque besoin social dont les institutions surannées empêchent la satisfaction. Ce besoin peut ne pas se sentir assez fortement et assez généralement pour assurer le succès immédiat ; mais toute tentative de répression violente ne fera que le rendre de plus en plus puissant jusqu’à ce qu’il arrive enfin à briser les entraves. Par conséquent, si nous avons été battus, nous n’avons pas autre chose à faire qu’à recommencer encore une fois par le commencement. Le temps de repos, probablement très court, qu’il nous est permis de prendre, entre la fin du premier et le commencement du second acte, nous permet heureusement d’accomplir une partie très nécessaire de notre tâche : elle consiste à étudier les causes qui ont donné naissance au récent soulèvement et amené sa défaite, sans oublier que ces causes ne doivent être recherchées ni dans les efforts accidentels, dans les talents, les fautes, ou les erreurs, ni dans les trahisons de quelques chefs, mais dans l’état social général, dans les conditions d’existence de chacune des nations ayant pris part au mouvement. C’est un fait universellement reconnu : les mouvements soudains de février et de mars 1848 n’étaient pas l’œuvre d’individus isolés, mais des manifestations spontanées et irrésistibles des besoins des nations, besoins conçus plus ou moins distinctement, mais toujours ressentis clairement par de nombreuses classes d’habitants dans chaque pays ; si, cependant, vous étudiez les causes de succès de la contre-révolution vous rencontrerez partout cette réponse commode : C’est monsieur un tel, ou le citoyen un tel qui ont « trahi » le peuple. Cette réponse peut être vraie ou non, suivant les circonstances ; mais, dans aucun cas, elle ne sert à expliquer quoi que ce soit, ni ne montre comment il est arrivé que le « peuple » se soit ainsi laissé trahir. La pitoyable destinée pour un parti politique qui voit tout son bagage se réduire à ceci : il sait que le citoyen un tel ne mérite aucune confiance !

L’étude et l’exposé des causes du bouleversement révolutionnaire et de sa disparition présentent, de plus, au point de vue historique, une importance supérieure. Quel intérêt peuvent offrir, quelle lumière peuvent apporter à un Anglais ou à un Américain qui a observé ces divers mouvements à une distance trop grande pour pouvoir distinguer le détail des opérations. de quel secours peuvent être toutes ces mesquines querelles et ces récriminations personnelles, toutes ces assertions contradictoires, toutes ces recherches pour savoir si c’est Marrast, Ledru-Rollin ou Louis Blanc, ou tout autre membre du Gouvernement provisoire, ou bien tous ensemble, qui ont dirigé la Révolution sur les écueils où elle a sombré ?

Aucun homme sensé ne croira que onze personnes, dont la plupart n’avaient que des capacités très médiocres à mettre au service du bien ou au service du mal, aient été capables de perdre, en trois mois, une nation comptant trente-six millions d’habitants, à moins que ces trente-six millions n’aient vu tout aussi peu clairement que les onze personnes la route qu’il fallait suivre. Mais comment s’est-il fait que cette population de trente-six millions a été tout d’un coup appelée à décider de la voie à suivre, elle qui marchait à peu près à tâtons dans une demi-obscurité ; comment ont-ils perdu la route, comment les anciens maîtres ont-ils pu, pour un moment, venir se remettre à leur tête ? Voilà la question qu’il faut résoudre.

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Le premier acte du drame révolutionnaire qui se jouait sur le continent a pris fin. Les « pouvoirs qui existaient » avant l’ouragan de 1848 sont redevenus les « pouvoirs existants ». Les gouvernants d’un jour, plus ou moins populaires, — gouverneurs provisoires, triumvirs, dictateurs, — avec leur cortège de représentants, commissaires civils, commissaires militaires, préfets, juges, généraux, officiers et soldats, sont rejetés sur des rives étrangères et « transportés au-delà des mers », en Angleterre ou en Amérique, pour y former de nouveaux gouvernements in partibus infidelium, comités européens, comités centraux, comités nationaux ; ils annoncent leur avènement par des proclamations tout aussi solennelles que celles de potentats moins imaginaires.

Il est impossible d’imaginer une défaite plus éclatante que celle subie sur toute la ligne par le parti, ou plutôt les partis révolutionnaires du continent. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Le combat pour l’hégémonie sociale et politique, mené par les classes moyennes de la Grande-Bretagne, n’a-t-il pas duré quarante-huit ans et la bataille livrée par les classes moyennes en France n’a-t-elle pas fourni matière à quarante ans de luttes sans exemple ? Et son triomphe a-t-il jamais été plus près d’éclater qu’au moment même où la monarchie restaurée se croyait le plus solidement établie ? La superstition, qui attribuait les révolutions à la mauvaise volonté de quelques agitateurs, a depuis longtemps fait son temps ; tout le monde sait maintenant que partout où une convulsion révolutionnaire se produit, elle a sa source dans quelque besoin social dont les institutions surannées empêchent la satisfaction. Ce besoin peut ne pas se sentir assez fortement et assez généralement pour assurer le succès immédiat ; mais toute tentative de répression violente ne fera que le rendre de plus en plus puissant jusqu’à ce qu’il arrive enfin à briser les entraves. Par conséquent, si nous avons été battus, nous n’avons pas autre chose à faire qu’à recommencer encore une fois par le commencement. Le temps de repos, probablement très court, qu’il nous est permis de prendre, entre la fin du premier et le commencement du second acte, nous permet heureusement d’accomplir une partie très nécessaire de notre tâche : elle consiste à étudier les causes qui ont donné naissance au récent soulèvement et amené sa défaite, sans oublier que ces causes ne doivent être recherchées ni dans les efforts accidentels, dans les talents, les fautes, ou les erreurs, ni dans les trahisons de quelques chefs, mais dans l’état social général, dans les conditions d’existence de chacune des nations ayant pris part au mouvement. C’est un fait universellement reconnu : les mouvements soudains de février et de mars 1848 n’étaient pas l’œuvre d’individus isolés, mais des manifestations spontanées et irrésistibles des besoins des nations, besoins conçus plus ou moins distinctement, mais toujours ressentis clairement par de nombreuses classes d’habitants dans chaque pays ; si, cependant, vous étudiez les causes de succès de la contre-révolution vous rencontrerez partout cette réponse commode : C’est monsieur un tel, ou le citoyen un tel qui ont « trahi » le peuple. Cette réponse peut être vraie ou non, suivant les circonstances ; mais, dans aucun cas, elle ne sert à expliquer quoi que ce soit, ni ne montre comment il est arrivé que le « peuple » se soit ainsi laissé trahir. La pitoyable destinée pour un parti politique qui voit tout son bagage se réduire à ceci : il sait que le citoyen un tel ne mérite aucune confiance !

L’étude et l’exposé des causes du bouleversement révolutionnaire et de sa disparition présentent, de plus, au point de vue historique, une importance supérieure. Quel intérêt peuvent offrir, quelle lumière peuvent apporter à un Anglais ou à un Américain qui a observé ces divers mouvements à une distance trop grande pour pouvoir distinguer le détail des opérations. de quel secours peuvent être toutes ces mesquines querelles et ces récriminations personnelles, toutes ces assertions contradictoires, toutes ces recherches pour savoir si c’est Marrast, Ledru-Rollin ou Louis Blanc, ou tout autre membre du Gouvernement provisoire, ou bien tous ensemble, qui ont dirigé la Révolution sur les écueils où elle a sombré ?

Aucun homme sensé ne croira que onze personnes, dont la plupart n’avaient que des capacités très médiocres à mettre au service du bien ou au service du mal, aient été capables de perdre, en trois mois, une nation comptant trente-six millions d’habitants, à moins que ces trente-six millions n’aient vu tout aussi peu clairement que les onze personnes la route qu’il fallait suivre. Mais comment s’est-il fait que cette population de trente-six millions a été tout d’un coup appelée à décider de la voie à suivre, elle qui marchait à peu près à tâtons dans une demi-obscurité ; comment ont-ils perdu la route, comment les anciens maîtres ont-ils pu, pour un moment, venir se remettre à leur tête ? Voilà la question qu’il faut résoudre.

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