La Curée

Nonfiction, Social & Cultural Studies, Social Science, Cultural Studies, Fiction & Literature, Classics, Romance
Cover of the book La Curée by Émile Zola, Consumer Oriented Ebooks Publisher
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Author: Émile Zola ISBN: 1230000734868
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher Publication: October 22, 2015
Imprint: Language: French
Author: Émile Zola
ISBN: 1230000734868
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher
Publication: October 22, 2015
Imprint:
Language: French

Au retour, dans l'encombrement des voitures qui rentraient par le bord
du lac, la calèche dut marcher au pas. Un moment, l'embarras devint tel,
qu'il lui fallut même s'arrêter.

Le soleil se couchait dans un ciel d'octobre, d'un gris clair, strié à
l'horizon de minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs
lointains de la cascade, enfilait la chaussée, baignant d'une lumière
rousse et pâlie la longue suite des voitures devenues immobiles.

Les lueurs d'or, les éclairs vifs que jetaient les roues semblaient
s'être fixés le long des réchampis jaune paille de la calèche, dont les
panneaux gros bleu reflétaient des coins du paysage environnant. Et,
plus haut, en plein dans la clarté rousse qui les éclairait
par-derrière, et qui faisait luire les boutons de cuivre de leurs
capotes à demi pliées, retombant du siège, le cocher et le valet de
pied, avec leur livrée bleu sombre, leurs culottes mastic et leurs
gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves et patients,
comme des laquais de bonne maison qu'un embarras de voitures ne parvient
pas à fâcher.

Leurs chapeaux, ornés d'une cocarde noire, avaient une grande dignité.
Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai, soufflaient d'impatience.

--Tiens, dit Maxime, Laure d'Aurigny, là-bas, dans ce coupé.... Vois
donc, Renée.

Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise
que lui faisait faire la faiblesse de sa vue.

--Je la croyais en fuite, dit-elle.... Elle a changé la couleur de ses
cheveux, n'est-ce pas?

--Oui, reprit Maxime en riant, son nouvel amant déteste le rouge.

Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la
calèche, regardait, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la
tenait silencieuse, allongée au fond de la voiture, comme dans une
chaise longue de convalescente. Elle portait, sur une robe de soie
mauve, à tabliers et à tunique, garnie de larges volants plissés, un
petit paletots de drap blanc, aux revers de velours mauve, qui lui
donnait un grand air de crânerie? Ses étranges cheveux fauve pâle, dont
la couleur rappelait celle du beurre fin, étaient à peine cachés par un
mince chapeau orné d'une touffe de roses du Bengale. Elle continuait à
cligner des yeux, avec sa mine de garçon impertinent, son front pur
traversé d'une grande ride, sa bouche, dont la lèvre supérieure
avançait, ainsi que celle des enfants boudeurs. Puis, comme elle voyait
mal, elle prit son binocle, un binocle d'homme, à garniture d'écaille,
et, le tenant à la main sans se le poser sur le nez, elle examina la
grosse Laure d'Aurigny tout à son aise, d'un air parfaitement calme.

Les voitures n'avançaient toujours pas. Au milieu des taches unies, de
teinte sombre, que faisait la longue file des coupés, fort nombreux au
Bois par cet après-midi d'automne, brillaient le coin d'une glace, le
mors d'un cheval, la poignée argentée d'une lanterne, les galons d'un
laquais haut placé sur son siège. Çà et là, dans un landau découvert,
éclatait un bout d'étoffe, un bout de toilette de femme, soie ou
velours. Il était peu à peu tombé un grand silence sur tout ce tapage
éteint, devenu immobile. On entendait, du fond des voitures, les
conversations des piétons. Il y avait des échanges de regards muets, de
portières à portières; et personne ne causait plus, dans cette attente
que coupaient seuls les craquements des harnais et le coup de sabot
impatient d'un cheval. Au loin, les voix confuses du Bois se mouraient.

Malgré la saison avancée, tout Paris était là: la duchesse de Sternich,
en huit-ressorts; Mme de Lauwerens, en victoria très correctement
attelée; la baronne de Meinhold, dans un ravissant cab bai-brun; la
comtesse Vanska, avec ses poneys pie; Mme Daste, et ses fameux stappers
noirs; Mme de Guende et Mme Teissière, en coupé; la petite Sylvia, dans
un landau gros bleu. Et encore don Carlos, en deuil, avec sa livrée
antique et solennelle; Selim pacha, avec son fez et sans son gouverneur;
la duchesse de Rozan, en coupé égoïste, avec sa livrée poudrée à blanc;
M. le comte de Chibray, en dog-cart; M. Simpson, en mail de la plus
belle tenue; toute la colonie américaine. Enfin deux académiciens, en
fiacre.

Les premières voitures se dégagèrent et, de proche en proche, toute la
file se mit bientôt à rouler doucement.

Ce fut comme un réveil. Mille clartés dansantes s'allumèrent, des
éclairs rapides se croisèrent dans les roues, des étincelles jaillirent
des harnais secoués par les chevaux. Il y eut sur le sol, sur les
arbres, de larges reflets de glace qui couraient. Ce pétillement des
harnais et des roues, ce flamboiement des panneaux vernis dans lesquels
brûlait la braise rouge du soleil couchant, ces notes vives que jetaient
les livrées éclatantes perchées en plein ciel et les toilettes riches
débordant des portières, se trouvèrent ainsi emportés dans un grondement
sourd, continu, rythmé par le trot des attelages. Et le défilé alla,
dans les mêmes bruits, dans les mêmes lueurs, sans cesse et d'un seul
jet, comme si les premières voitures eussent tiré toutes les autres
après elles.

Renée avait cédé à la secousse légère de la calèche se remettant en
marche, et, laissant tomber son binocle, s'était de nouveau renversée à
demi sur les coussins.

Elle attira frileusement à elle un coin de la peau d'ours qui emplissait
l'intérieur de la voiture d'une nappe de neige soyeuse. Ses mains
gantées se perdirent dans la douceur des longs poils frisés. Une brise
se levait. Le tiède après-midi d'octobre, qui, en donnant au Bois un
regain de printemps, avait fait sortir les grandes mondaines en voiture
découverte, menaçait de se terminer par une soirée d'une fraîcheur
aiguë.

Un moment, la jeune femme resta pelotonnée, retrouvant la chaleur de
son coin, s'abandonnant au bercement voluptueux de toutes ces roues qui
tournaient devant elle. Puis, levant la tête vers Maxime, dont les
regards déshabillaient tranquillement les femmes étalées dans les coupés
et dans les landaus voisins:

--Vrai, demanda-t-elle, est-ce que tu la trouves jolie, cette Laure
d'Aurigny? Vous en faisiez un éloge, l'autre jour, lorsqu'on a annoncé
la vente de ses diamants!...

A propos, tu n'as pas vu la rivière et l'aigrette que ton père m'a
achetées à cette vente?

--Certes, il fait bien les choses, dit Maxime sans répondre, avec un
rire méchant. Il trouve moyen de payer les dettes de Laure et de donner
des diamants à sa femme.

La jeune femme eut un léger mouvement d'épaules.

--Vaurien! murmura-t-elle en souriant.

Mais le jeune homme s'était penché, suivant des yeux une dame dont la
robe verte l'intéressait. Renée avait reposé sa tête, les yeux
demi-clos, regardant paresseusement des deux côtés de l'allée, sans
voir. A droite, filaient doucement des taillis, des futaies basses, aux
feuilles roussies, aux branches grêles; par instants, sur la voie
réservée aux cavaliers, passaient des messieurs à la taille mince, dont
les montures, dans leur galop, soulevaient de petites fumées de sable
fin. A gauche, au bas des étroites pelouses qui descendent, coupées de
corbeilles et de massifs, le lac dormait, d'une propreté de cristal,
sans une écume, comme taillé nettement sur ses bords par la bêche des
jardiniers; et, de l'autre côté de ce miroir clair, les deux îles, entre
lesquelles le pont qui les joint faisait une barre grise, dressaient
leurs falaises aimables, alignaient sur le ciel pâle les lignes
théâtrales de leurs sapins, de leurs arbres aux feuillages persistants,
dont l'eau reflétait les verdures noires, pareilles à des franges de
rideaux savamment drapées au bord de l'horizon. Ce coin de nature, ce
décor qui semblait fraîchement peint, baignait dans une ombre légère,
dans une vapeur bleuâtre qui achevait de donner aux lointains un charme
exquis, un air d'adorable fausseté.

Sur l'autre rive, le Chalet des Iles, comme verni de la veille, avait
des luisants de joujou neuf; et ces rubans de sable jaune, ces étroites
allées de jardin, qui serpentent dans les pelouses et tournent autour du
lac, bordées de branches de fonte imitant des bois rustiques,
tranchaient plus étrangement, à cette heure dernière, sur le vert
attendri de l'eau et du gazon.

Accoutumée aux grâces savantes de ces points de vue, Renée, reprise par
ses lassitudes, avait baissé complètement les paupières, ne regardant
plus que ses doigts minces qui enroulaient sur leurs fuseaux les longs
poils de la peau d'ours. Mais il y eut une secousse dans le trot
régulier de la file des voitures. Et, levant la tête, elle salua deux
jeunes femmes couchées côte à côte, avec une langueur amoureuse, dans un
huit-ressorts qui quittait à grand fracas le bord du lac pour s'éloigner
par une allée latérale. Mme la marquise d'Espanet, dont le mari, alors
aide de camp de l'empereur, venait de se rallier bruyamment, au scandale
de la vieille noblesse boudeuse, était une des plus illustres mondaines
du Second Empire; l'autre, Mme Haffner, avait épousé un fameux
industriel de Colmar, vingt fois millionnaire, et dont l'Empire faisait
un homme politique. Renée, qui avait connu en pension les deux
inséparables, comme on les nommait d'un air fin, les appelait Adeline et
Suzanne, de leurs petits noms. Et, comme, après leur avoir souri, elle
allait se pelotonner de nouveau, un rire de Maxime la fit se tourner.

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Au retour, dans l'encombrement des voitures qui rentraient par le bord
du lac, la calèche dut marcher au pas. Un moment, l'embarras devint tel,
qu'il lui fallut même s'arrêter.

Le soleil se couchait dans un ciel d'octobre, d'un gris clair, strié à
l'horizon de minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs
lointains de la cascade, enfilait la chaussée, baignant d'une lumière
rousse et pâlie la longue suite des voitures devenues immobiles.

Les lueurs d'or, les éclairs vifs que jetaient les roues semblaient
s'être fixés le long des réchampis jaune paille de la calèche, dont les
panneaux gros bleu reflétaient des coins du paysage environnant. Et,
plus haut, en plein dans la clarté rousse qui les éclairait
par-derrière, et qui faisait luire les boutons de cuivre de leurs
capotes à demi pliées, retombant du siège, le cocher et le valet de
pied, avec leur livrée bleu sombre, leurs culottes mastic et leurs
gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves et patients,
comme des laquais de bonne maison qu'un embarras de voitures ne parvient
pas à fâcher.

Leurs chapeaux, ornés d'une cocarde noire, avaient une grande dignité.
Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai, soufflaient d'impatience.

--Tiens, dit Maxime, Laure d'Aurigny, là-bas, dans ce coupé.... Vois
donc, Renée.

Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise
que lui faisait faire la faiblesse de sa vue.

--Je la croyais en fuite, dit-elle.... Elle a changé la couleur de ses
cheveux, n'est-ce pas?

--Oui, reprit Maxime en riant, son nouvel amant déteste le rouge.

Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la
calèche, regardait, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la
tenait silencieuse, allongée au fond de la voiture, comme dans une
chaise longue de convalescente. Elle portait, sur une robe de soie
mauve, à tabliers et à tunique, garnie de larges volants plissés, un
petit paletots de drap blanc, aux revers de velours mauve, qui lui
donnait un grand air de crânerie? Ses étranges cheveux fauve pâle, dont
la couleur rappelait celle du beurre fin, étaient à peine cachés par un
mince chapeau orné d'une touffe de roses du Bengale. Elle continuait à
cligner des yeux, avec sa mine de garçon impertinent, son front pur
traversé d'une grande ride, sa bouche, dont la lèvre supérieure
avançait, ainsi que celle des enfants boudeurs. Puis, comme elle voyait
mal, elle prit son binocle, un binocle d'homme, à garniture d'écaille,
et, le tenant à la main sans se le poser sur le nez, elle examina la
grosse Laure d'Aurigny tout à son aise, d'un air parfaitement calme.

Les voitures n'avançaient toujours pas. Au milieu des taches unies, de
teinte sombre, que faisait la longue file des coupés, fort nombreux au
Bois par cet après-midi d'automne, brillaient le coin d'une glace, le
mors d'un cheval, la poignée argentée d'une lanterne, les galons d'un
laquais haut placé sur son siège. Çà et là, dans un landau découvert,
éclatait un bout d'étoffe, un bout de toilette de femme, soie ou
velours. Il était peu à peu tombé un grand silence sur tout ce tapage
éteint, devenu immobile. On entendait, du fond des voitures, les
conversations des piétons. Il y avait des échanges de regards muets, de
portières à portières; et personne ne causait plus, dans cette attente
que coupaient seuls les craquements des harnais et le coup de sabot
impatient d'un cheval. Au loin, les voix confuses du Bois se mouraient.

Malgré la saison avancée, tout Paris était là: la duchesse de Sternich,
en huit-ressorts; Mme de Lauwerens, en victoria très correctement
attelée; la baronne de Meinhold, dans un ravissant cab bai-brun; la
comtesse Vanska, avec ses poneys pie; Mme Daste, et ses fameux stappers
noirs; Mme de Guende et Mme Teissière, en coupé; la petite Sylvia, dans
un landau gros bleu. Et encore don Carlos, en deuil, avec sa livrée
antique et solennelle; Selim pacha, avec son fez et sans son gouverneur;
la duchesse de Rozan, en coupé égoïste, avec sa livrée poudrée à blanc;
M. le comte de Chibray, en dog-cart; M. Simpson, en mail de la plus
belle tenue; toute la colonie américaine. Enfin deux académiciens, en
fiacre.

Les premières voitures se dégagèrent et, de proche en proche, toute la
file se mit bientôt à rouler doucement.

Ce fut comme un réveil. Mille clartés dansantes s'allumèrent, des
éclairs rapides se croisèrent dans les roues, des étincelles jaillirent
des harnais secoués par les chevaux. Il y eut sur le sol, sur les
arbres, de larges reflets de glace qui couraient. Ce pétillement des
harnais et des roues, ce flamboiement des panneaux vernis dans lesquels
brûlait la braise rouge du soleil couchant, ces notes vives que jetaient
les livrées éclatantes perchées en plein ciel et les toilettes riches
débordant des portières, se trouvèrent ainsi emportés dans un grondement
sourd, continu, rythmé par le trot des attelages. Et le défilé alla,
dans les mêmes bruits, dans les mêmes lueurs, sans cesse et d'un seul
jet, comme si les premières voitures eussent tiré toutes les autres
après elles.

Renée avait cédé à la secousse légère de la calèche se remettant en
marche, et, laissant tomber son binocle, s'était de nouveau renversée à
demi sur les coussins.

Elle attira frileusement à elle un coin de la peau d'ours qui emplissait
l'intérieur de la voiture d'une nappe de neige soyeuse. Ses mains
gantées se perdirent dans la douceur des longs poils frisés. Une brise
se levait. Le tiède après-midi d'octobre, qui, en donnant au Bois un
regain de printemps, avait fait sortir les grandes mondaines en voiture
découverte, menaçait de se terminer par une soirée d'une fraîcheur
aiguë.

Un moment, la jeune femme resta pelotonnée, retrouvant la chaleur de
son coin, s'abandonnant au bercement voluptueux de toutes ces roues qui
tournaient devant elle. Puis, levant la tête vers Maxime, dont les
regards déshabillaient tranquillement les femmes étalées dans les coupés
et dans les landaus voisins:

--Vrai, demanda-t-elle, est-ce que tu la trouves jolie, cette Laure
d'Aurigny? Vous en faisiez un éloge, l'autre jour, lorsqu'on a annoncé
la vente de ses diamants!...

A propos, tu n'as pas vu la rivière et l'aigrette que ton père m'a
achetées à cette vente?

--Certes, il fait bien les choses, dit Maxime sans répondre, avec un
rire méchant. Il trouve moyen de payer les dettes de Laure et de donner
des diamants à sa femme.

La jeune femme eut un léger mouvement d'épaules.

--Vaurien! murmura-t-elle en souriant.

Mais le jeune homme s'était penché, suivant des yeux une dame dont la
robe verte l'intéressait. Renée avait reposé sa tête, les yeux
demi-clos, regardant paresseusement des deux côtés de l'allée, sans
voir. A droite, filaient doucement des taillis, des futaies basses, aux
feuilles roussies, aux branches grêles; par instants, sur la voie
réservée aux cavaliers, passaient des messieurs à la taille mince, dont
les montures, dans leur galop, soulevaient de petites fumées de sable
fin. A gauche, au bas des étroites pelouses qui descendent, coupées de
corbeilles et de massifs, le lac dormait, d'une propreté de cristal,
sans une écume, comme taillé nettement sur ses bords par la bêche des
jardiniers; et, de l'autre côté de ce miroir clair, les deux îles, entre
lesquelles le pont qui les joint faisait une barre grise, dressaient
leurs falaises aimables, alignaient sur le ciel pâle les lignes
théâtrales de leurs sapins, de leurs arbres aux feuillages persistants,
dont l'eau reflétait les verdures noires, pareilles à des franges de
rideaux savamment drapées au bord de l'horizon. Ce coin de nature, ce
décor qui semblait fraîchement peint, baignait dans une ombre légère,
dans une vapeur bleuâtre qui achevait de donner aux lointains un charme
exquis, un air d'adorable fausseté.

Sur l'autre rive, le Chalet des Iles, comme verni de la veille, avait
des luisants de joujou neuf; et ces rubans de sable jaune, ces étroites
allées de jardin, qui serpentent dans les pelouses et tournent autour du
lac, bordées de branches de fonte imitant des bois rustiques,
tranchaient plus étrangement, à cette heure dernière, sur le vert
attendri de l'eau et du gazon.

Accoutumée aux grâces savantes de ces points de vue, Renée, reprise par
ses lassitudes, avait baissé complètement les paupières, ne regardant
plus que ses doigts minces qui enroulaient sur leurs fuseaux les longs
poils de la peau d'ours. Mais il y eut une secousse dans le trot
régulier de la file des voitures. Et, levant la tête, elle salua deux
jeunes femmes couchées côte à côte, avec une langueur amoureuse, dans un
huit-ressorts qui quittait à grand fracas le bord du lac pour s'éloigner
par une allée latérale. Mme la marquise d'Espanet, dont le mari, alors
aide de camp de l'empereur, venait de se rallier bruyamment, au scandale
de la vieille noblesse boudeuse, était une des plus illustres mondaines
du Second Empire; l'autre, Mme Haffner, avait épousé un fameux
industriel de Colmar, vingt fois millionnaire, et dont l'Empire faisait
un homme politique. Renée, qui avait connu en pension les deux
inséparables, comme on les nommait d'un air fin, les appelait Adeline et
Suzanne, de leurs petits noms. Et, comme, après leur avoir souri, elle
allait se pelotonner de nouveau, un rire de Maxime la fit se tourner.

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