Dorothée, danseuse de corde

Mystery & Suspense
Cover of the book Dorothée, danseuse de corde by MAURICE LEBLANC, GILBERT TEROL
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Author: MAURICE LEBLANC ISBN: 1230001226027
Publisher: GILBERT TEROL Publication: July 13, 2016
Imprint: Language: French
Author: MAURICE LEBLANC
ISBN: 1230001226027
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: July 13, 2016
Imprint:
Language: French

Extrait :

Le comte se taisait.

Dorothée murmura anxieusement, avec cette appréhension que l’on éprouve à prononcer certaines paroles :

« Est-ce possible ? … On aurait tué… on aurait tué mon père ?…

— Tout porte à le croire.

— Et comment ?

— Le poison. »

Le coup était porté. La jeune fille pleurait. Le comte se pencha sur elle et lui dit :

« Lisez. Pour ma part, j’estime que votre père, entre deux accès de fièvre et de délire, a griffonné ces dernières pages. Quand il est mort, l’administration de l’ambulance, trouvant une lettre et une enveloppe toute prête, m’a expédié le tout sans en prendre connaissance. Regardez la fin… c’est une écriture de malade… tracée au hasard du crayon, et par un effort de volonté qui fléchissait à tout instant… »

Dorothée essuya ses larmes. Elle voulait savoir et juger par elle-même, et elle lut à demi-voix :

« Quel rêve… Mais est-ce bien un rêve ? Ce que j’ai vu cette nuit, l’ai-je vu dans un cauchemar ? Ou l’ai-je vu réellement ? Les autres blessés… mes voisins… personne ne s’est réveillé… Pourtant, l’homme… les hommes ont fait du bruit… Ils étaient deux… Ils causaient tout bas… dans le jardin… au-dessous d’une fenêtre… qui était sûrement entrouverte à cause de la chaleur… Et puis, cette fenêtre a été poussée… Pour cela il a fallu qu’un des deux… monte sur les épaules de l’autre. Que voulait-il ? Il a essayé de passer le bras… Mais la fenêtre touchait à la table de nuit… Et alors il a dû retirer sa veste… Malgré tout, la manche de sa chemise est restée accrochée et c’est le bras seul… le bras nu qui a passé… précédé par une main qui cherchait de mon côté… du côté du tiroir… Alors j’ai compris… La médaille se trouvait là… Ah ! comme j’aurais voulu crier ! Mais ma gorge s’étranglait… Et puis autre chose me terrifiait. La main tenait un flacon… Il y avait sur la table un verre d’eau pour moi, avec un médicament à prendre… La main a versé quelques gouttes du flacon dans le verre. Oh ! l’horreur !… Du poison, sans doute. Mais je ne prendrai pas ma potion, non, non… Et j’écris cela, ce matin, pour être sûr de me rappeler… J’écris que la main, ensuite, a ouvert le tiroir… Et tandis qu’elle s’emparait de la médaille… je voyais… je voyais sur le bras nu… au-dessus du coude… des mots inscrits… »

Dorothée dut se pencher, tellement l’écriture devenait tremblante, illisible, et c’est avec peine, syllabe par syllabe, qu’elle put déchiffrer :

« Trois mots inscrits… un tatouage… comme les marins… trois mots… Ah ! mon Dieu, ces trois mots… les mots de la médaille… In robore fortuna… »

C’était tout. La page inachevée n’offrait plus que des signes incohérents, que Dorothée n’essaya même pas d’interpréter.

Longtemps elle se tint courbée, ses yeux à demi clos, laissant couler des pleurs. On sentait que les conditions dans lesquelles, en toute vraisemblance, son père était mort, ravivaient son chagrin.

Le comte cependant reprit :

« La fièvre sera revenue… le délire… et, machinalement, il aura bu le poison. Ou du moins l’hypothèse est plausible… car enfin, qu’est-ce que cette main d’homme aurait versé dans le verre ? Mais j’avoue que nous n’avons pas obtenu de certitude à ce propos. D’Estreicher et le père de Raoul, prévenus aussitôt par moi, m’accompagnèrent à Chartres. Malheureusement l’administration, le major et les deux infirmières avaient été changés, de sorte que je me heurtai au document officiel qui attribuait la mort à des complications infectieuses. D’ailleurs devions-nous chercher plus loin ? Ce ne fut pas l’opinion de mes deux cousins, ni la mienne. Un crime… comment le prouver ? Par ces quelques lignes où un malade raconte le cauchemar qui l’a hanté ? Impossible. N’est-ce pas votre avis, mademoiselle ? »

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Extrait :

Le comte se taisait.

Dorothée murmura anxieusement, avec cette appréhension que l’on éprouve à prononcer certaines paroles :

« Est-ce possible ? … On aurait tué… on aurait tué mon père ?…

— Tout porte à le croire.

— Et comment ?

— Le poison. »

Le coup était porté. La jeune fille pleurait. Le comte se pencha sur elle et lui dit :

« Lisez. Pour ma part, j’estime que votre père, entre deux accès de fièvre et de délire, a griffonné ces dernières pages. Quand il est mort, l’administration de l’ambulance, trouvant une lettre et une enveloppe toute prête, m’a expédié le tout sans en prendre connaissance. Regardez la fin… c’est une écriture de malade… tracée au hasard du crayon, et par un effort de volonté qui fléchissait à tout instant… »

Dorothée essuya ses larmes. Elle voulait savoir et juger par elle-même, et elle lut à demi-voix :

« Quel rêve… Mais est-ce bien un rêve ? Ce que j’ai vu cette nuit, l’ai-je vu dans un cauchemar ? Ou l’ai-je vu réellement ? Les autres blessés… mes voisins… personne ne s’est réveillé… Pourtant, l’homme… les hommes ont fait du bruit… Ils étaient deux… Ils causaient tout bas… dans le jardin… au-dessous d’une fenêtre… qui était sûrement entrouverte à cause de la chaleur… Et puis, cette fenêtre a été poussée… Pour cela il a fallu qu’un des deux… monte sur les épaules de l’autre. Que voulait-il ? Il a essayé de passer le bras… Mais la fenêtre touchait à la table de nuit… Et alors il a dû retirer sa veste… Malgré tout, la manche de sa chemise est restée accrochée et c’est le bras seul… le bras nu qui a passé… précédé par une main qui cherchait de mon côté… du côté du tiroir… Alors j’ai compris… La médaille se trouvait là… Ah ! comme j’aurais voulu crier ! Mais ma gorge s’étranglait… Et puis autre chose me terrifiait. La main tenait un flacon… Il y avait sur la table un verre d’eau pour moi, avec un médicament à prendre… La main a versé quelques gouttes du flacon dans le verre. Oh ! l’horreur !… Du poison, sans doute. Mais je ne prendrai pas ma potion, non, non… Et j’écris cela, ce matin, pour être sûr de me rappeler… J’écris que la main, ensuite, a ouvert le tiroir… Et tandis qu’elle s’emparait de la médaille… je voyais… je voyais sur le bras nu… au-dessus du coude… des mots inscrits… »

Dorothée dut se pencher, tellement l’écriture devenait tremblante, illisible, et c’est avec peine, syllabe par syllabe, qu’elle put déchiffrer :

« Trois mots inscrits… un tatouage… comme les marins… trois mots… Ah ! mon Dieu, ces trois mots… les mots de la médaille… In robore fortuna… »

C’était tout. La page inachevée n’offrait plus que des signes incohérents, que Dorothée n’essaya même pas d’interpréter.

Longtemps elle se tint courbée, ses yeux à demi clos, laissant couler des pleurs. On sentait que les conditions dans lesquelles, en toute vraisemblance, son père était mort, ravivaient son chagrin.

Le comte cependant reprit :

« La fièvre sera revenue… le délire… et, machinalement, il aura bu le poison. Ou du moins l’hypothèse est plausible… car enfin, qu’est-ce que cette main d’homme aurait versé dans le verre ? Mais j’avoue que nous n’avons pas obtenu de certitude à ce propos. D’Estreicher et le père de Raoul, prévenus aussitôt par moi, m’accompagnèrent à Chartres. Malheureusement l’administration, le major et les deux infirmières avaient été changés, de sorte que je me heurtai au document officiel qui attribuait la mort à des complications infectieuses. D’ailleurs devions-nous chercher plus loin ? Ce ne fut pas l’opinion de mes deux cousins, ni la mienne. Un crime… comment le prouver ? Par ces quelques lignes où un malade raconte le cauchemar qui l’a hanté ? Impossible. N’est-ce pas votre avis, mademoiselle ? »

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