Author: | Friedrich Nietzsche | ISBN: | 1230002392943 |
Publisher: | DELAVOET laurent | Publication: | June 24, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Friedrich Nietzsche |
ISBN: | 1230002392943 |
Publisher: | DELAVOET laurent |
Publication: | June 24, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Il paraît que l’opinion publique en Allemagne interdit de parler des conséquences néfastes et dangereuses
d’une guerre, surtout s’il s’agit d’une guerre victorieuse. On écoute d’autant plus volontiers ces écrivains
qui ne connaissent pas d’opinion plus importante que cette opinion publique et qui, par conséquent, rivalisent
à louanger la guerre et les phénomènes puissants que produit son influence sur la morale, la civilisation et
l’art. Malgré cela, il importe de l’exprimer, une grande victoire est un grand danger. La nature humaine supporte
plus difficilement la victoire que la défaite. J’inclinerais même à penser qu’il est plus aisé de remporter une
pareille victoire que de faire en sorte qu’il n’en résulte pas une profonde défaite. Mais une des conséquences
néfastes qu’a provoquées la dernière guerre avec la France, la conséquence la plus néfaste, c’est peut-être cette
erreur presque universellement répandue : l’erreur de croire, comme fait l’opinion publique, comme font tous ceux
qui pensent publiquement, que c’est aussi la culture allemande qui a été victorieuse dans ces luttes et que c’est
cette culture qu’il faut maintenant orner de couronnes qui seraient proportionnées à des événements et à des succès
si extraordinaires. Cette illusion est extrêmement néfaste, non point parce que c’est une illusion — car il existe
des illusions salutaires et fécondes — mais parce qu’elle pourrait bien transformer notre victoire en une complète
défaite : la défaite, je dirai même l’extirpation de l’esprit allemand, au bénéfice de « l’empire allemand »...
Il paraît que l’opinion publique en Allemagne interdit de parler des conséquences néfastes et dangereuses
d’une guerre, surtout s’il s’agit d’une guerre victorieuse. On écoute d’autant plus volontiers ces écrivains
qui ne connaissent pas d’opinion plus importante que cette opinion publique et qui, par conséquent, rivalisent
à louanger la guerre et les phénomènes puissants que produit son influence sur la morale, la civilisation et
l’art. Malgré cela, il importe de l’exprimer, une grande victoire est un grand danger. La nature humaine supporte
plus difficilement la victoire que la défaite. J’inclinerais même à penser qu’il est plus aisé de remporter une
pareille victoire que de faire en sorte qu’il n’en résulte pas une profonde défaite. Mais une des conséquences
néfastes qu’a provoquées la dernière guerre avec la France, la conséquence la plus néfaste, c’est peut-être cette
erreur presque universellement répandue : l’erreur de croire, comme fait l’opinion publique, comme font tous ceux
qui pensent publiquement, que c’est aussi la culture allemande qui a été victorieuse dans ces luttes et que c’est
cette culture qu’il faut maintenant orner de couronnes qui seraient proportionnées à des événements et à des succès
si extraordinaires. Cette illusion est extrêmement néfaste, non point parce que c’est une illusion — car il existe
des illusions salutaires et fécondes — mais parce qu’elle pourrait bien transformer notre victoire en une complète
défaite : la défaite, je dirai même l’extirpation de l’esprit allemand, au bénéfice de « l’empire allemand »...