Comment finit la guerre

Fiction & Literature, Historical, Literary
Cover of the book Comment finit la guerre by CHARLES MANGIN, GILBERT TEROL
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Author: CHARLES MANGIN ISBN: 1230000213804
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 29, 2014
Imprint: Language: French
Author: CHARLES MANGIN
ISBN: 1230000213804
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 29, 2014
Imprint:
Language: French

L’alliance franco-russe obligeait l’Allemagne à faire front à l’Est en même temps qu’à l’Ouest. Mais les difficultés de la mobilisation et de la concentration russes permettaient à nos ennemis d’espérer en finir avec la France avant de se retourner contre le colosse moscovite : des opérations rapides, foudroyantes si possible, s’imposaient donc sur le front français. La conception d’une attaque brusquée, à la suite d’une tension politique dont l’agressive diplomatie du Kaiser avait expérimenté souvent le maniement et les effets, a dû être étudiée par le Grand État-Major de Berlin ; en tout cas, les effectifs de l’armée allemande sur le pied de paix lui permettaient une action courte et violente. Et il n’est pas interdit de penser que les précautions prises en France contre cette éventualité l’ont fait écarter pour revenir à l’idée d’opérations régulières.

Le système de fortifications conçu par le général Séré de Rivière en 1875 n’avait été réalisé qu’en partie ; mais les deux barrières Belfort-Épinal, Toul-Verdun, constituaient sur notre frontière de l’Est un obstacle qui paraissait très fort à nos ennemis, malgré la méfiance dont il était devenu l’objet chez nous ; en outre, c’était face à l’Est que se concentrait l’armée française, sur une ligne de plus en plus avancée. Une étude du Feld-Maréchal von Schlieffen sur la bataille de Cannes avait transporté dans le domaine de la haute stratégie la tactique d’Hannibal : fixer l’adversaire sur tout son front et l’entourer en l’attaquant par les deux ailes. Le général baron de Falkenhausen en avait déduit un plan d’opérations qui déployait 44 corps d’armée allemands entre la Suisse et la mer du Nord avec avance par les deux ailes, mais surtout par la droite en Belgique, avec rabattement à travers le Nord de la France où les places Lille-Maubeuge, puis La Fère-Laon-Reims, restées inachevées, n’offraient pas d’obstacles sérieux. Il avait exposé cette conception dans son étude la Guerre de massesqui avait été librement discutée.

Dans son ouvrage la Guerre d’aujourd’hui, le général von Bernhardi avait objecté que ce plan faisait état de formations de réserve employées en première ligne dès le commencement des opérations et jugeait cet emploi imprudent et d’ailleurs inutile. Il dit à ce propos : « Entreprendre une attaque décisive avec des troupes qui ne satisfont point à toutes les exigences, et qui, peut-être, seront en partie nouvellement constituées, comme les divisions de réserve, par exemple, ce serait presque commettre un crime contre l’esprit de la guerre ; car, ainsi que Clausewitz l’enseignait déjà, on ne doit jamais attendre du seul mot d’armée constituée ce qui ne peut être donné que par la réalité. » Il proposait hardiment de concentrer les forces allemandes entre la Lorraine et le Limbourg hollandais, en laissant le champ libre à l’armée française au Sud de Metz : plus elle s’avancerait vers l’Est, plus sa situation serait critique, car les armées allemandes, pivotant autour de sa gauche, marcheraient sur Paris découvert et prendraient l’armée française à revers : la concentration française se faisant N.-S. face à l’Est, la concentration allemande se ferait N.O.-S.E. ; c’était l’ordre oblique du Grand Frédéric ressuscité, et non pas Cannes, mais Leuthen. Et Bernhardi, après avoir usé d’une précaution oratoire en indiquant qu’il s’agit d’un exemple théorique, développe sommairement les artistiques manœuvres de ce vaste front, résolument offensif à droite, en profitant pour ses attaques échelonnées du magnifique réseau ferré de la Belgique et de la Hollande, défensif à gauche avec Metz-Thionville, Trèves-Luxembourg, Mayence et la ligne du Mein ; front très articulé, brisé de coupures ; et il revient sur ce principe qu’un front stratégique ne peut être une ligne de défense tactique cohérente et souligne de nouveau l’importance de l’échelonnement dans la défensive encore plus que dans l’offensive. Car la guerre de l’avenir sera toute de mouvement ; l’auteur l’a déjà établi en étudiant les guerres les plus récentes : « À l’avenir, il n’y aura de batailles durant des journées entières que si l’on rencontre sur le théâtre de la guerre des conditions analogues à celles qu’on trouvait en Mandchourie. Mais une telle hypothèse n’a aucune vraisemblance. Les adversaires de l’Allemagne sont contraints à l’offensive s’ils veulent obtenir quelque résultat. Quant à nous, nous ne nous défendrons sûrement pas derrière des remparts et des fossés. Le génie du peuple allemand nous en préservera. Un réseau de chemins de fer très dense, relativement aux chemins de fer de Mandchourie, et un riche réseau de routes utilisables assurent une grande liberté de mouvements sur la plupart des théâtres de guerre en Europe. Toutes ces circonstances me font croire, en dépit de la tendance très répandue à se terrer, plutôt à une guerre de mouvement et d’opérations qu’à une guerre de positions. »

Il a déjà opposé la conception mécanique de la guerre, qui met en ligne des masses aussi grandes que possible et les juxtapose de front, à la conception géniale, qui les fait manœuvrer selon les méthodes exposées dans son ouvrage : « C’est l’esprit qui décide de tout à la guerre, l’esprit des chefs et l’esprit des troupes. Aujourd’hui encore, la résolution et la hardiesse assurent une supériorité décisive. Aujourd’hui encore, les fières prérogatives de l’initiative ont gardé leur valeur. Aujourd’hui encore, la victoire n’est pas attachée à un système déterminé, et on peut la remporter même contre des forces sensiblement supérieures, avec les formes de combat les plus diverses. »

D’ailleurs, Bernhardi a déjà établi que ces masses formidables des armées actuelles fondront rapidement, tant par suite des pertes que parce que la vie moderne les a rendues en grande partie impropres à la vie de campagne, et la guerre sera courte, surtout contre la France : « L’effort qu’on doit fournir dès le début est si grand qu’il est bien difficile de le dépasser, du moins pour des pays comme la France, qui font appel dès la première mobilisation à toutes leurs ressources en hommes jusqu’à la dernière limite. Si cette armée obtient la victoire, on n’a pas de raison de tenter un effort désespéré. Si, au contraire, la guerre prend une tournure défavorable, ce peuple, sentant ses forces épuisées, n’apercevra aucun espoir dans la continuation de la guerre et, par suite, la tension qui rendait possible une levée en masse diminuera rapidement. »

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L’alliance franco-russe obligeait l’Allemagne à faire front à l’Est en même temps qu’à l’Ouest. Mais les difficultés de la mobilisation et de la concentration russes permettaient à nos ennemis d’espérer en finir avec la France avant de se retourner contre le colosse moscovite : des opérations rapides, foudroyantes si possible, s’imposaient donc sur le front français. La conception d’une attaque brusquée, à la suite d’une tension politique dont l’agressive diplomatie du Kaiser avait expérimenté souvent le maniement et les effets, a dû être étudiée par le Grand État-Major de Berlin ; en tout cas, les effectifs de l’armée allemande sur le pied de paix lui permettaient une action courte et violente. Et il n’est pas interdit de penser que les précautions prises en France contre cette éventualité l’ont fait écarter pour revenir à l’idée d’opérations régulières.

Le système de fortifications conçu par le général Séré de Rivière en 1875 n’avait été réalisé qu’en partie ; mais les deux barrières Belfort-Épinal, Toul-Verdun, constituaient sur notre frontière de l’Est un obstacle qui paraissait très fort à nos ennemis, malgré la méfiance dont il était devenu l’objet chez nous ; en outre, c’était face à l’Est que se concentrait l’armée française, sur une ligne de plus en plus avancée. Une étude du Feld-Maréchal von Schlieffen sur la bataille de Cannes avait transporté dans le domaine de la haute stratégie la tactique d’Hannibal : fixer l’adversaire sur tout son front et l’entourer en l’attaquant par les deux ailes. Le général baron de Falkenhausen en avait déduit un plan d’opérations qui déployait 44 corps d’armée allemands entre la Suisse et la mer du Nord avec avance par les deux ailes, mais surtout par la droite en Belgique, avec rabattement à travers le Nord de la France où les places Lille-Maubeuge, puis La Fère-Laon-Reims, restées inachevées, n’offraient pas d’obstacles sérieux. Il avait exposé cette conception dans son étude la Guerre de massesqui avait été librement discutée.

Dans son ouvrage la Guerre d’aujourd’hui, le général von Bernhardi avait objecté que ce plan faisait état de formations de réserve employées en première ligne dès le commencement des opérations et jugeait cet emploi imprudent et d’ailleurs inutile. Il dit à ce propos : « Entreprendre une attaque décisive avec des troupes qui ne satisfont point à toutes les exigences, et qui, peut-être, seront en partie nouvellement constituées, comme les divisions de réserve, par exemple, ce serait presque commettre un crime contre l’esprit de la guerre ; car, ainsi que Clausewitz l’enseignait déjà, on ne doit jamais attendre du seul mot d’armée constituée ce qui ne peut être donné que par la réalité. » Il proposait hardiment de concentrer les forces allemandes entre la Lorraine et le Limbourg hollandais, en laissant le champ libre à l’armée française au Sud de Metz : plus elle s’avancerait vers l’Est, plus sa situation serait critique, car les armées allemandes, pivotant autour de sa gauche, marcheraient sur Paris découvert et prendraient l’armée française à revers : la concentration française se faisant N.-S. face à l’Est, la concentration allemande se ferait N.O.-S.E. ; c’était l’ordre oblique du Grand Frédéric ressuscité, et non pas Cannes, mais Leuthen. Et Bernhardi, après avoir usé d’une précaution oratoire en indiquant qu’il s’agit d’un exemple théorique, développe sommairement les artistiques manœuvres de ce vaste front, résolument offensif à droite, en profitant pour ses attaques échelonnées du magnifique réseau ferré de la Belgique et de la Hollande, défensif à gauche avec Metz-Thionville, Trèves-Luxembourg, Mayence et la ligne du Mein ; front très articulé, brisé de coupures ; et il revient sur ce principe qu’un front stratégique ne peut être une ligne de défense tactique cohérente et souligne de nouveau l’importance de l’échelonnement dans la défensive encore plus que dans l’offensive. Car la guerre de l’avenir sera toute de mouvement ; l’auteur l’a déjà établi en étudiant les guerres les plus récentes : « À l’avenir, il n’y aura de batailles durant des journées entières que si l’on rencontre sur le théâtre de la guerre des conditions analogues à celles qu’on trouvait en Mandchourie. Mais une telle hypothèse n’a aucune vraisemblance. Les adversaires de l’Allemagne sont contraints à l’offensive s’ils veulent obtenir quelque résultat. Quant à nous, nous ne nous défendrons sûrement pas derrière des remparts et des fossés. Le génie du peuple allemand nous en préservera. Un réseau de chemins de fer très dense, relativement aux chemins de fer de Mandchourie, et un riche réseau de routes utilisables assurent une grande liberté de mouvements sur la plupart des théâtres de guerre en Europe. Toutes ces circonstances me font croire, en dépit de la tendance très répandue à se terrer, plutôt à une guerre de mouvement et d’opérations qu’à une guerre de positions. »

Il a déjà opposé la conception mécanique de la guerre, qui met en ligne des masses aussi grandes que possible et les juxtapose de front, à la conception géniale, qui les fait manœuvrer selon les méthodes exposées dans son ouvrage : « C’est l’esprit qui décide de tout à la guerre, l’esprit des chefs et l’esprit des troupes. Aujourd’hui encore, la résolution et la hardiesse assurent une supériorité décisive. Aujourd’hui encore, les fières prérogatives de l’initiative ont gardé leur valeur. Aujourd’hui encore, la victoire n’est pas attachée à un système déterminé, et on peut la remporter même contre des forces sensiblement supérieures, avec les formes de combat les plus diverses. »

D’ailleurs, Bernhardi a déjà établi que ces masses formidables des armées actuelles fondront rapidement, tant par suite des pertes que parce que la vie moderne les a rendues en grande partie impropres à la vie de campagne, et la guerre sera courte, surtout contre la France : « L’effort qu’on doit fournir dès le début est si grand qu’il est bien difficile de le dépasser, du moins pour des pays comme la France, qui font appel dès la première mobilisation à toutes leurs ressources en hommes jusqu’à la dernière limite. Si cette armée obtient la victoire, on n’a pas de raison de tenter un effort désespéré. Si, au contraire, la guerre prend une tournure défavorable, ce peuple, sentant ses forces épuisées, n’apercevra aucun espoir dans la continuation de la guerre et, par suite, la tension qui rendait possible une levée en masse diminuera rapidement. »

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