Author: | Hector Malot | ISBN: | 1230000228177 |
Publisher: | Hector Malot | Publication: | March 26, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Hector Malot |
ISBN: | 1230000228177 |
Publisher: | Hector Malot |
Publication: | March 26, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTAIT:
Quand on a passé six années en Algérie à courir après les Arabes, les Kabyles et les Marocains, on éprouve une véritable béatitude à se retrouver au milieu du monde civilisé.
C'est ce qui m'est arrivé en débarquant à Marseille. Parti de France en juin 1845, je revenais en juillet 1851. Il y avait donc six années que j'étais absent; et ces années-là, prises de vingt-trois à vingt-neuf ans, peuvent, il me semble, compter double. Je ne mets pas en doute la légende des anachorètes, mais je me figure que ces sages avaient dépassé la trentaine, quand ils allaient chercher la solitude dans les déserts de la Thébaïde. S'il est un âge où l'on éprouve le besoin de s'ensevelir dans la continuelle admiration des oeuvres divines, il en est un aussi où l'on préfère les distractions du monde aux pratiques de la pénitence. Je suis précisément dans celui-là.
A peine à terre je courus à la Cannebière. Il soufflait un mistral à décorner les boeufs, et des nuages de poussière passaient en tourbillons pour aller se perdre dans le vieux port. Je ne m'en assis pas moins devant un café et je restai plus de trois heures accoudé sur ma table, regardant, avec la joie du prisonnier échappé de sa cage, le mouvement des passants qui défilaient devant mes yeux émerveillés. Le va-et-vient des voitures très intéressant; l'accent provençal harmonieux et doux; les femmes, oh! toutes ravissantes; plus de visages voilés; des pieds chaussés de bottines souples, des mains finement gantées, des chignons, c'était charmant.
Je ne connais pas de sentiment plus misérable que l'injustice, et j'aurais vraiment honte d'oublier ce que je dois à l'Algérie; ma croix d'abord et mon grade de capitaine, puis l'expérience de la guerre avec les émotions de la poursuite et de la bataille.
EXTAIT:
Quand on a passé six années en Algérie à courir après les Arabes, les Kabyles et les Marocains, on éprouve une véritable béatitude à se retrouver au milieu du monde civilisé.
C'est ce qui m'est arrivé en débarquant à Marseille. Parti de France en juin 1845, je revenais en juillet 1851. Il y avait donc six années que j'étais absent; et ces années-là, prises de vingt-trois à vingt-neuf ans, peuvent, il me semble, compter double. Je ne mets pas en doute la légende des anachorètes, mais je me figure que ces sages avaient dépassé la trentaine, quand ils allaient chercher la solitude dans les déserts de la Thébaïde. S'il est un âge où l'on éprouve le besoin de s'ensevelir dans la continuelle admiration des oeuvres divines, il en est un aussi où l'on préfère les distractions du monde aux pratiques de la pénitence. Je suis précisément dans celui-là.
A peine à terre je courus à la Cannebière. Il soufflait un mistral à décorner les boeufs, et des nuages de poussière passaient en tourbillons pour aller se perdre dans le vieux port. Je ne m'en assis pas moins devant un café et je restai plus de trois heures accoudé sur ma table, regardant, avec la joie du prisonnier échappé de sa cage, le mouvement des passants qui défilaient devant mes yeux émerveillés. Le va-et-vient des voitures très intéressant; l'accent provençal harmonieux et doux; les femmes, oh! toutes ravissantes; plus de visages voilés; des pieds chaussés de bottines souples, des mains finement gantées, des chignons, c'était charmant.
Je ne connais pas de sentiment plus misérable que l'injustice, et j'aurais vraiment honte d'oublier ce que je dois à l'Algérie; ma croix d'abord et mon grade de capitaine, puis l'expérience de la guerre avec les émotions de la poursuite et de la bataille.