Bêtes et gens qui s'aimèrent

Fiction & Literature, Action Suspense, Classics, Historical
Cover of the book Bêtes et gens qui s'aimèrent by CLAUDE FARRÈRE, Jwarlal
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: CLAUDE FARRÈRE ISBN: 1230002407005
Publisher: Jwarlal Publication: July 3, 2018
Imprint: Language: French
Author: CLAUDE FARRÈRE
ISBN: 1230002407005
Publisher: Jwarlal
Publication: July 3, 2018
Imprint:
Language: French

A Guy de Maupassant.

Le commencement de l'histoire, je ne le sais pas. Rien ne m'oblige, d'ailleurs, à confesser mon ignorance, sauf ma loyauté d'historien. Mais je préfère en vérité perdre la face qu'abuser impudemment mes lecteurs et trancher au hasard le problème des sept villes qui pourraient se disputer l'honneur d'avoir donné le jour à mon héroïne, encore qu'elle ne soit en aucune façon descendante d'Homère. Je suppose qu'elle naquit à Paris; je suppose même que ses père et mère devaient loger dans l'aristocratique arrondissement numéro sept; non loin de ces Invalides qui groupent encore, autour de leur dôme splendide, tous les plus vieux noms, toutes les plus vieilles demeures de notre noblesse de France... Je suppose tout cela; mais ce ne sont que des suppositions. Et je n'affirme rien, sauf que la dite héroïne arriva chez moi, par une belle matinée de juin ou de juillet, dans une litière,—comme il sied à toute personne de qualité;—et que cette litière était un panier: parce que la susdite héroïne était une chatte.

Une chatte ... j'exagère! Disons plutôt qu'elle le devint. Car, dans ce premier instant qui vit les sentiers de nos deux existences s'approcher l'un de l'autre et se prolonger parallèlement, la chatte en question n'était qu'un petit, petit, tout petit chat, qu'un avorton de chaton. Et bien malin qui l'eût affirmée chatte plutôt que chat, ou le contraire! Cela n'était qu'une boule de poils. Et cela venait d'arriver chez moi, ainsi que j'ai dit, dans un panier. Oté le couvercle du contenant, je vis le contenu. C'était vivant, cela remuait. Et, tout de suite, cela s'escrima des quatre griffes pour sortir; et, ma foi, cela y parvint.

En ce temps-là, je venais d'éprouver trois pertes les plus douloureuses du monde: ma grande chatte noire Messaline; sa fille Tigresse, dont le nom révélait la robe; et son fils Petite Vierge, une bestiole tricolore qui avait débauché coup sur coup tout ce que l'immeuble comptait de jeunes chattes bien nées, avant que lui-même eût eu l'âge légal de jeter sa propre gourme ... trois charmantes bêtes qui se partageaient mon cœur, comme a dit le poète: tous l'ayant tout entier!... Tout cela était mort, dans le temps que je prends pour l'écrire. Tigresse et Petite Vierge, sorties ensemble un matin du logis, le soir n'y étaient pas rentrées; et voilà pour elles; on n'en entendit plus parler, jamais. Messaline, qui rachetait par un étalage perpétuel de toutes les plus chastes vertus maternelles le souvenir un peu léger de sa marraine, Messaline, privée de son fils et de sa fille, en était morte immédiatement, comme il sied.

En ce temps-là donc, plus aucun chat dans ma maison. Et mon cœur en était attristé.

J'avais ordonné qu'on y pourvût. J'avais offert aux divinités domestiques un sacrifice: plusieurs drachmes en offrande; et la Lucine des chats, à qui la chose avait été probablement transmise, m'octroyait à n'en pas douter cette petite chose neuve qui, prudemment risquée hors cette litière qui était un panier, allongeait maintenant une à une, sur le tapis de ma chambre, des diminutifs de pattes...

(Certes! à n'en pas douter, la Lucine des chats, elle-même: la grande mouinoutte de la concierge n'avait-elle pas tout récemment fait ses couches? sept jumeaux, beaux comme le jour!... Cette coïncidence valait une certitude.)

Seulement, une difficulté, dans le premier instant, surgit:—Les diminutifs de pattes déjà nommés apparaissaient maintenant dans leur entier. Et c'étaient quatre touffes d'une peluche de soie très fine, mais noire et blanche. Noire et blanche. Or, feu ma dernière chatte Messaline était noire. Toute noire. Et toute noire pareillement, ou plutôt tout noir avait été son prédécesseur, feu mon avant-dernier chat Karakédy[1]. La dynastie s'enorgueillissait d'être, depuis les temps les plus reculés, depuis des huit ans, des dix ans!... des douze ans, peut-être!... être!... couleur de nuit, sans tache. Un chat noir et blanc, vous m'avouerez que ce n'est pas du tout un chat noir!

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

A Guy de Maupassant.

Le commencement de l'histoire, je ne le sais pas. Rien ne m'oblige, d'ailleurs, à confesser mon ignorance, sauf ma loyauté d'historien. Mais je préfère en vérité perdre la face qu'abuser impudemment mes lecteurs et trancher au hasard le problème des sept villes qui pourraient se disputer l'honneur d'avoir donné le jour à mon héroïne, encore qu'elle ne soit en aucune façon descendante d'Homère. Je suppose qu'elle naquit à Paris; je suppose même que ses père et mère devaient loger dans l'aristocratique arrondissement numéro sept; non loin de ces Invalides qui groupent encore, autour de leur dôme splendide, tous les plus vieux noms, toutes les plus vieilles demeures de notre noblesse de France... Je suppose tout cela; mais ce ne sont que des suppositions. Et je n'affirme rien, sauf que la dite héroïne arriva chez moi, par une belle matinée de juin ou de juillet, dans une litière,—comme il sied à toute personne de qualité;—et que cette litière était un panier: parce que la susdite héroïne était une chatte.

Une chatte ... j'exagère! Disons plutôt qu'elle le devint. Car, dans ce premier instant qui vit les sentiers de nos deux existences s'approcher l'un de l'autre et se prolonger parallèlement, la chatte en question n'était qu'un petit, petit, tout petit chat, qu'un avorton de chaton. Et bien malin qui l'eût affirmée chatte plutôt que chat, ou le contraire! Cela n'était qu'une boule de poils. Et cela venait d'arriver chez moi, ainsi que j'ai dit, dans un panier. Oté le couvercle du contenant, je vis le contenu. C'était vivant, cela remuait. Et, tout de suite, cela s'escrima des quatre griffes pour sortir; et, ma foi, cela y parvint.

En ce temps-là, je venais d'éprouver trois pertes les plus douloureuses du monde: ma grande chatte noire Messaline; sa fille Tigresse, dont le nom révélait la robe; et son fils Petite Vierge, une bestiole tricolore qui avait débauché coup sur coup tout ce que l'immeuble comptait de jeunes chattes bien nées, avant que lui-même eût eu l'âge légal de jeter sa propre gourme ... trois charmantes bêtes qui se partageaient mon cœur, comme a dit le poète: tous l'ayant tout entier!... Tout cela était mort, dans le temps que je prends pour l'écrire. Tigresse et Petite Vierge, sorties ensemble un matin du logis, le soir n'y étaient pas rentrées; et voilà pour elles; on n'en entendit plus parler, jamais. Messaline, qui rachetait par un étalage perpétuel de toutes les plus chastes vertus maternelles le souvenir un peu léger de sa marraine, Messaline, privée de son fils et de sa fille, en était morte immédiatement, comme il sied.

En ce temps-là donc, plus aucun chat dans ma maison. Et mon cœur en était attristé.

J'avais ordonné qu'on y pourvût. J'avais offert aux divinités domestiques un sacrifice: plusieurs drachmes en offrande; et la Lucine des chats, à qui la chose avait été probablement transmise, m'octroyait à n'en pas douter cette petite chose neuve qui, prudemment risquée hors cette litière qui était un panier, allongeait maintenant une à une, sur le tapis de ma chambre, des diminutifs de pattes...

(Certes! à n'en pas douter, la Lucine des chats, elle-même: la grande mouinoutte de la concierge n'avait-elle pas tout récemment fait ses couches? sept jumeaux, beaux comme le jour!... Cette coïncidence valait une certitude.)

Seulement, une difficulté, dans le premier instant, surgit:—Les diminutifs de pattes déjà nommés apparaissaient maintenant dans leur entier. Et c'étaient quatre touffes d'une peluche de soie très fine, mais noire et blanche. Noire et blanche. Or, feu ma dernière chatte Messaline était noire. Toute noire. Et toute noire pareillement, ou plutôt tout noir avait été son prédécesseur, feu mon avant-dernier chat Karakédy[1]. La dynastie s'enorgueillissait d'être, depuis les temps les plus reculés, depuis des huit ans, des dix ans!... des douze ans, peut-être!... être!... couleur de nuit, sans tache. Un chat noir et blanc, vous m'avouerez que ce n'est pas du tout un chat noir!

More books from Jwarlal

Cover of the book Mark Tidd’s Citadel by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book ROLLO’S EXPERIMENTS by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book WITHIN AN INCH OF HIS LIFE by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book ROMANS ET CONTES by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book LE LIVRE DE LA PITIÉ ET DE LA MORT by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book LINDA CARLTON'S OCEAN FLIGHT by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book AMES DORMANTES by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book THE TENANTS OF MALORY. All volumes by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book Le Cycle Patibulaire by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book LES ESCLAVES DE PARIS by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book THE PURCELL PAPERS volume I by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book PLAYS IN THE FOURTH SERIES by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book L E F E U (Journal d’une Escouade) by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book La Niania & Idylles by CLAUDE FARRÈRE
Cover of the book Mark Tidd’s Citadel by CLAUDE FARRÈRE
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy