Author: | Romain Rolland | ISBN: | 1230001321982 |
Publisher: | Eric HELAN | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Romain Rolland |
ISBN: | 1230001321982 |
Publisher: | Eric HELAN |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Les horreurs accomplies dans ces trente derniers mois ont rudement secoué les âmes d’Occident. Le martyre de la Belgique, de la Serbie, de la Pologne, de tous les pauvres pays de l’Ouest et de l’Est foulés par l’invasion, ne peut plus s’oublier. Mais ces iniquités qui nous révoltent, parce que nous en sommes victimes, voici cinquante ans — cinquante ans seulement ? — que la civilisation d’Europe les accomplit ou les laisse accomplir autour d’elle.
Qui dira de quel prix le Sultan rouge a payé à ses muets de la presse et de la diplomatie européenne le sang des deux cent mille Arméniens égorgés pendant les premiers massacres de 1894-1896 ? Qui criera les souffrances des peuples livrés en proie aux rapines des expéditions coloniales ? Qui, lorsqu’un coin du voile a été soulevé sur telle ou telle partie de ce champ de douleur, — Damaraland ou Congo — a pu en supporter la vision sans horreur ? Quel homme « civilisé » peut penser sans rougir aux massacres de Mandchourie et à l’expédition de Chine, en 1900-1901, où l’empereur allemand donnait à ses soldats, pour exemple, Attila ; où les armées réunies de la « Civilisation » rivalisèrent entre elles de vandalisme contre une civilisation plus ancienne et plus haute ? Quel secours l’Occident a-t-il prêté aux races persécutées de l’Est européen : Juifs, Polonais, Finlandais, etc. ? Quelle aide à la Turquie et à la Chine tentant de se régénérer ? Il y a soixante ans, la Chine, empoisonnée par l’opium des Indes, voulut se délivrer du vice qui la tuait : elle se vit, après deux guerres et un traité humiliant, imposer par l’Angleterre le poison qui a rapporté en un siècle, dit-on, à la Compagnie des Indes orientales onze milliards de bénéfice. Et même après que la Chine d’aujourd’hui eut accompli son effort héroïque de se guérir en dix ans de sa maladie meurtrière, il a fallu la pression de l’opinion publique soulevée pour contraindre le plus civilisé des États européens à renoncer aux profits que versait dans sa caisse l’empoisonnement d’un peuple. Mais de quoi s’étonner, quand tel État d’Occident n’a pas renoncé encore à vivre de l’empoisonnement de son propre peuple ?...
Les horreurs accomplies dans ces trente derniers mois ont rudement secoué les âmes d’Occident. Le martyre de la Belgique, de la Serbie, de la Pologne, de tous les pauvres pays de l’Ouest et de l’Est foulés par l’invasion, ne peut plus s’oublier. Mais ces iniquités qui nous révoltent, parce que nous en sommes victimes, voici cinquante ans — cinquante ans seulement ? — que la civilisation d’Europe les accomplit ou les laisse accomplir autour d’elle.
Qui dira de quel prix le Sultan rouge a payé à ses muets de la presse et de la diplomatie européenne le sang des deux cent mille Arméniens égorgés pendant les premiers massacres de 1894-1896 ? Qui criera les souffrances des peuples livrés en proie aux rapines des expéditions coloniales ? Qui, lorsqu’un coin du voile a été soulevé sur telle ou telle partie de ce champ de douleur, — Damaraland ou Congo — a pu en supporter la vision sans horreur ? Quel homme « civilisé » peut penser sans rougir aux massacres de Mandchourie et à l’expédition de Chine, en 1900-1901, où l’empereur allemand donnait à ses soldats, pour exemple, Attila ; où les armées réunies de la « Civilisation » rivalisèrent entre elles de vandalisme contre une civilisation plus ancienne et plus haute ? Quel secours l’Occident a-t-il prêté aux races persécutées de l’Est européen : Juifs, Polonais, Finlandais, etc. ? Quelle aide à la Turquie et à la Chine tentant de se régénérer ? Il y a soixante ans, la Chine, empoisonnée par l’opium des Indes, voulut se délivrer du vice qui la tuait : elle se vit, après deux guerres et un traité humiliant, imposer par l’Angleterre le poison qui a rapporté en un siècle, dit-on, à la Compagnie des Indes orientales onze milliards de bénéfice. Et même après que la Chine d’aujourd’hui eut accompli son effort héroïque de se guérir en dix ans de sa maladie meurtrière, il a fallu la pression de l’opinion publique soulevée pour contraindre le plus civilisé des États européens à renoncer aux profits que versait dans sa caisse l’empoisonnement d’un peuple. Mais de quoi s’étonner, quand tel État d’Occident n’a pas renoncé encore à vivre de l’empoisonnement de son propre peuple ?...