Author: | Régis Debray | ISBN: | 9782755502541 |
Publisher: | Fayard/Mille et une nuits | Publication: | April 30, 2008 |
Imprint: | Fayard/Mille et une nuits | Language: | French |
Author: | Régis Debray |
ISBN: | 9782755502541 |
Publisher: | Fayard/Mille et une nuits |
Publication: | April 30, 2008 |
Imprint: | Fayard/Mille et une nuits |
Language: | French |
Pendant la commémoration du 10e anniversaire de Mai, au printemps 1978, Régis Debray écrit dans le feu des (auto)célébrations un texte vigoureux qui cherche à dessiller tous ceux qui sont encore/toujours pris dans les « illusions lyriques » (l’expression est de lui). Il donne son manuscrit à François Maspero qui le fait paraître immédiatement. Pour résumer succinctement son propos, il montre que « Mai 68 est le berceau de la nouvelle société bourgeoise », que celle-ci est déjà advenue, que ceux qui se présentent comme les « ayants droit » de 68 ont capté pour eux-mêmes les postes dans les médias, qu’ils sont aux manettes, et que les révolutionnaires romantiques ont été et sont souvent encore les dupes d’un néo-capitalisme qui a vécu dans ces événements sa crise d’ajustement : le capitalisme ne pouvait que se conjuguer qu’avec des mœurs libérales pour franchir une étape… vers le néo-libéralisme (qu’il nomme néo-capitalisme). En cet épisode de contre-révolution s’est nouée l’alliance objective entre les libertaires et les libéraux (« la grande trouvaille de l’après-Mai : le libéralisme économique n’est pas marié avec le conservatisme social »). La thèse est aujourd’hui assez répandue, et ce depuis la fin des années 1990. En 1978, elle claque comme un coup de tonnerre. Debray brise l’intouchable, « c’est vilain de dire du mal de ce qui fut beau » ; il est inacceptable de déclarer que les « acteurs » d’hier sont des contestataires en peau de lapin. Ceux qui entendent la charge de Régis Debray la perçoivent comme venant d’une posture tiers-mondiste : cette pseudo-révolution au Nord, qui ne bouscule en rien le système capitaliste, passe à côté de l’enjeu majeur de l’époque – qui est toujours notre actualité : réduire les écarts avec les pays du Sud, où l’on se bat encore pour une vraie révolution. En fait, l’auteur décrit assez précisément des logiques et des lignes de force qui restructurent toute la société post-68 ; il inventorie toutes les idées qui sédimenteront bien plus tard en une série de dogmes servant la pensée unique : « moins d’Etat », « la politique ne vaut rien », l’écologie et le repli sur l’individualisme, l’éloge des femmes et des minorités ; l’alignement de l’idéologie française sur l’idéologie américaine, notamment en matière économique. Par bien des aspects, le texte est séminal, il est parcouru de quelques visions fulgurantes (la « libération » des ondes et l’inondation de publicité, demain, de tous les médias). Debray avait vu juste sur la société qui allait avoir le triomphe éclatant dès le début des années 1980. Son texte n’a pas pris une ride, et il est plus éclairant que jamais.
Pendant la commémoration du 10e anniversaire de Mai, au printemps 1978, Régis Debray écrit dans le feu des (auto)célébrations un texte vigoureux qui cherche à dessiller tous ceux qui sont encore/toujours pris dans les « illusions lyriques » (l’expression est de lui). Il donne son manuscrit à François Maspero qui le fait paraître immédiatement. Pour résumer succinctement son propos, il montre que « Mai 68 est le berceau de la nouvelle société bourgeoise », que celle-ci est déjà advenue, que ceux qui se présentent comme les « ayants droit » de 68 ont capté pour eux-mêmes les postes dans les médias, qu’ils sont aux manettes, et que les révolutionnaires romantiques ont été et sont souvent encore les dupes d’un néo-capitalisme qui a vécu dans ces événements sa crise d’ajustement : le capitalisme ne pouvait que se conjuguer qu’avec des mœurs libérales pour franchir une étape… vers le néo-libéralisme (qu’il nomme néo-capitalisme). En cet épisode de contre-révolution s’est nouée l’alliance objective entre les libertaires et les libéraux (« la grande trouvaille de l’après-Mai : le libéralisme économique n’est pas marié avec le conservatisme social »). La thèse est aujourd’hui assez répandue, et ce depuis la fin des années 1990. En 1978, elle claque comme un coup de tonnerre. Debray brise l’intouchable, « c’est vilain de dire du mal de ce qui fut beau » ; il est inacceptable de déclarer que les « acteurs » d’hier sont des contestataires en peau de lapin. Ceux qui entendent la charge de Régis Debray la perçoivent comme venant d’une posture tiers-mondiste : cette pseudo-révolution au Nord, qui ne bouscule en rien le système capitaliste, passe à côté de l’enjeu majeur de l’époque – qui est toujours notre actualité : réduire les écarts avec les pays du Sud, où l’on se bat encore pour une vraie révolution. En fait, l’auteur décrit assez précisément des logiques et des lignes de force qui restructurent toute la société post-68 ; il inventorie toutes les idées qui sédimenteront bien plus tard en une série de dogmes servant la pensée unique : « moins d’Etat », « la politique ne vaut rien », l’écologie et le repli sur l’individualisme, l’éloge des femmes et des minorités ; l’alignement de l’idéologie française sur l’idéologie américaine, notamment en matière économique. Par bien des aspects, le texte est séminal, il est parcouru de quelques visions fulgurantes (la « libération » des ondes et l’inondation de publicité, demain, de tous les médias). Debray avait vu juste sur la société qui allait avoir le triomphe éclatant dès le début des années 1980. Son texte n’a pas pris une ride, et il est plus éclairant que jamais.