Voyage en Egypte et en Syrie Pendant les années 1783, 1784 et 1785

Suivi De considérations sur la guerre des Russes et des Turks ( Edition intégrale ) Tome I/2 - annoté

Nonfiction, Travel, Middle East, Egypt, Reference, History, Military
Cover of the book Voyage en Egypte et en Syrie Pendant les années 1783, 1784 et 1785 by Constantin-François de Chasseboeuf Volney, Paris : Parmantier : Froment, 1825
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Author: Constantin-François de Chasseboeuf Volney ISBN: 1230002985398
Publisher: Paris : Parmantier : Froment, 1825 Publication: December 10, 2018
Imprint: Language: French
Author: Constantin-François de Chasseboeuf Volney
ISBN: 1230002985398
Publisher: Paris : Parmantier : Froment, 1825
Publication: December 10, 2018
Imprint:
Language: French

De l’Égypte en général, et de la ville d’Alexandrie.....
C‘EST en vain que l’on se prépare, par la lecture des livres, au spectacle des usages et des mœurs des nations; il y aura toujours loin de l’effet des récits sur l’esprit à celui des objets sur les sens. Les images tracées par des sons n’ont point assez de correction dans le dessin, ni de vivacité dans le coloris; leurs tableaux conservent quelque chose de nébuleux, qui ne laisse qu’une empreinte fugitive et prompte à s’effacer. Nous l’éprouvons surtout, si les objets que l’on veut nous peindre nous sont étrangers; car l’imagination ne trouvant pas alors des termes de comparaison tout formés, elle est obligée de rassembler des membres épars pour en composer des corps nouveaux; et dans ce travail prescrit vaguement et fait à la hâte, il est difficile qu’elle ne confonde pas les traits et n’altère pas les formes. Doit-on s’étonner si, venant ensuite à voir les modèles, elle n’y reconnaît pas les copies qu’elle s’en est tracées, et si elle en reçoit des impressions qui ont tout le caractère de la nouveauté?

Tel est le cas d’un Européen qui arrive, transporté par mer, en Turkie. Vainement a-t-il lu les histoires et les relations; vainement, sur leurs descriptions, a-t-il essayé de se peindre l’aspect des terrains, l’ordre des villes, les vêtements, les manières des habitants; il est neuf à tous ces objets, leur variété l’éblouit; ce qu’il en avait pensé se dissout et s’échappe, il reste livré aux sentiments de la surprise et de l’admiration.

Parmi les lieux propres à produire ce double effet, il en est peu qui réunissent autant de moyens qu’Alexandrie en Égypte. Le nom de cette ville, qui rappelle le génie d’un homme si étonnant; le nom du pays, qui tient à tant de faits et d’idées; l’aspect du lieu, qui présente un tableau si pittoresque; ces palmiers qui s’élèvent en parasol; ces maisons à terrasse, qui semblent dépourvues de toit; ces flèches grêles des minarets, qui portent une balustrade dans les airs, tout avertit le voyageur qu’il est dans un autre monde. Descend-il à terre, une foule d’objets inconnus l’assaille par tous ses sens; c’est une langue dont les sons barbares et l’accent âcre et guttural effraient, son oreille; ce sont des habillements d’une forme bizarre, des figures d’un caractère étrange. Au lieu de nos visages nus, de nos têtes enflées de cheveux, de nos coiffures triangulaires, et de nos habits courts et serrés, il regarde avec surprise ces visages brûlés, armés de barbe et de moustaches; cet amas d’étoffe roulée en plis sur une tête rase; ce long vêtement qui, tombant du cou aux talons, voile le corps plutôt qu’il ne l’habille; et ces pipes de six pieds; et ces longs chapelets dont toutes les mains sont garnies; et ces hideux chameaux qui portent l’eau dans des sacs de cuir; et ces ânes sellés et bridés, qui transportent légèrement leur cavalier en pantoufles; et ce marché mal fourni de dattes et de petits pains ronds et plats; et cette foule immonde de chiens errants dans les rues; et ces espèces de fantômes ambulants qui, sous une draperie d’une seule pièce, ne montrent d’humain que deux yeux de femme. Dans ce tumulte, tout entier à ses sens, son esprit est nul pour la réflexion; ce n’est qu’après être arrivé au gîte si désiré quand on vient de la mer, que, devenu plus calme, il considère avec réflexion ces rues étroites et sans pavé, ces maisons basses et dont les jours rares sont masqués de treillages, ce peuple maigre et noirâtre, qui marche nu-pieds, et n’a pour tout vêtement qu’une chemise bleue, ceinte d’un cuir ou d’un mouchoir rouge. Déjà l’air général de misère qu’il voit sur les hommes, et le mystère qui enveloppe les maisons, lui font soupçonner la rapacité de la tyrannie, et la défiance de l’esclavage. Mais un spectacle qui bientôt attire toute son attention, ce sont les vastes ruines qu’il aperçoit du côté de la terre. Dans nos contrées, les ruines sont un objet de curiosité: à peine trouve-t-on, aux lieux écartés, quelque vieux château dont le délabrement annonce plutôt la désertion du maître, que la misère du lieu. Dans Alexandrie, au contraire, à peine sort-on de la ville neuve dans le continent, que l’on est frappé de l’aspect d’un vaste terrain tout couvert de ruines. Pendant deux heures de marche, on suit une double ligne de murs et de tours, qui formaient l’enceinte de l’ancienne Alexandrie. La terre est couverte des débris de leurs sommets; des pans entiers sont écroulés; les voûtes enfoncées, les créneaux dégradés, et les pierres rongées et défigurées par le salpêtre. On parcourt un vaste intérieur sillonné de fouilles, percé de puits, distribué par des murs à demi enfouis, semé de quelques colonnes anciennes, de tombeaux modernes, de palmiers, de nopals[1], et où l’on ne trouve de vivant, que des chacals, des éperviers et des hiboux. Les habitants, accoutumés à ce spectacle, n’en reçoivent aucune impression; mais l’étranger, en qui les souvenirs qu’il rappelle s’exaltent par l’effet de la nouveauté, éprouve une émotion qui souvent passe jusqu’aux larmes, et qui donne lieu à des réflexions dont la tristesse attache autant le cœur que leur majesté élève l’ame.

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De l’Égypte en général, et de la ville d’Alexandrie.....
C‘EST en vain que l’on se prépare, par la lecture des livres, au spectacle des usages et des mœurs des nations; il y aura toujours loin de l’effet des récits sur l’esprit à celui des objets sur les sens. Les images tracées par des sons n’ont point assez de correction dans le dessin, ni de vivacité dans le coloris; leurs tableaux conservent quelque chose de nébuleux, qui ne laisse qu’une empreinte fugitive et prompte à s’effacer. Nous l’éprouvons surtout, si les objets que l’on veut nous peindre nous sont étrangers; car l’imagination ne trouvant pas alors des termes de comparaison tout formés, elle est obligée de rassembler des membres épars pour en composer des corps nouveaux; et dans ce travail prescrit vaguement et fait à la hâte, il est difficile qu’elle ne confonde pas les traits et n’altère pas les formes. Doit-on s’étonner si, venant ensuite à voir les modèles, elle n’y reconnaît pas les copies qu’elle s’en est tracées, et si elle en reçoit des impressions qui ont tout le caractère de la nouveauté?

Tel est le cas d’un Européen qui arrive, transporté par mer, en Turkie. Vainement a-t-il lu les histoires et les relations; vainement, sur leurs descriptions, a-t-il essayé de se peindre l’aspect des terrains, l’ordre des villes, les vêtements, les manières des habitants; il est neuf à tous ces objets, leur variété l’éblouit; ce qu’il en avait pensé se dissout et s’échappe, il reste livré aux sentiments de la surprise et de l’admiration.

Parmi les lieux propres à produire ce double effet, il en est peu qui réunissent autant de moyens qu’Alexandrie en Égypte. Le nom de cette ville, qui rappelle le génie d’un homme si étonnant; le nom du pays, qui tient à tant de faits et d’idées; l’aspect du lieu, qui présente un tableau si pittoresque; ces palmiers qui s’élèvent en parasol; ces maisons à terrasse, qui semblent dépourvues de toit; ces flèches grêles des minarets, qui portent une balustrade dans les airs, tout avertit le voyageur qu’il est dans un autre monde. Descend-il à terre, une foule d’objets inconnus l’assaille par tous ses sens; c’est une langue dont les sons barbares et l’accent âcre et guttural effraient, son oreille; ce sont des habillements d’une forme bizarre, des figures d’un caractère étrange. Au lieu de nos visages nus, de nos têtes enflées de cheveux, de nos coiffures triangulaires, et de nos habits courts et serrés, il regarde avec surprise ces visages brûlés, armés de barbe et de moustaches; cet amas d’étoffe roulée en plis sur une tête rase; ce long vêtement qui, tombant du cou aux talons, voile le corps plutôt qu’il ne l’habille; et ces pipes de six pieds; et ces longs chapelets dont toutes les mains sont garnies; et ces hideux chameaux qui portent l’eau dans des sacs de cuir; et ces ânes sellés et bridés, qui transportent légèrement leur cavalier en pantoufles; et ce marché mal fourni de dattes et de petits pains ronds et plats; et cette foule immonde de chiens errants dans les rues; et ces espèces de fantômes ambulants qui, sous une draperie d’une seule pièce, ne montrent d’humain que deux yeux de femme. Dans ce tumulte, tout entier à ses sens, son esprit est nul pour la réflexion; ce n’est qu’après être arrivé au gîte si désiré quand on vient de la mer, que, devenu plus calme, il considère avec réflexion ces rues étroites et sans pavé, ces maisons basses et dont les jours rares sont masqués de treillages, ce peuple maigre et noirâtre, qui marche nu-pieds, et n’a pour tout vêtement qu’une chemise bleue, ceinte d’un cuir ou d’un mouchoir rouge. Déjà l’air général de misère qu’il voit sur les hommes, et le mystère qui enveloppe les maisons, lui font soupçonner la rapacité de la tyrannie, et la défiance de l’esclavage. Mais un spectacle qui bientôt attire toute son attention, ce sont les vastes ruines qu’il aperçoit du côté de la terre. Dans nos contrées, les ruines sont un objet de curiosité: à peine trouve-t-on, aux lieux écartés, quelque vieux château dont le délabrement annonce plutôt la désertion du maître, que la misère du lieu. Dans Alexandrie, au contraire, à peine sort-on de la ville neuve dans le continent, que l’on est frappé de l’aspect d’un vaste terrain tout couvert de ruines. Pendant deux heures de marche, on suit une double ligne de murs et de tours, qui formaient l’enceinte de l’ancienne Alexandrie. La terre est couverte des débris de leurs sommets; des pans entiers sont écroulés; les voûtes enfoncées, les créneaux dégradés, et les pierres rongées et défigurées par le salpêtre. On parcourt un vaste intérieur sillonné de fouilles, percé de puits, distribué par des murs à demi enfouis, semé de quelques colonnes anciennes, de tombeaux modernes, de palmiers, de nopals[1], et où l’on ne trouve de vivant, que des chacals, des éperviers et des hiboux. Les habitants, accoutumés à ce spectacle, n’en reçoivent aucune impression; mais l’étranger, en qui les souvenirs qu’il rappelle s’exaltent par l’effet de la nouveauté, éprouve une émotion qui souvent passe jusqu’aux larmes, et qui donne lieu à des réflexions dont la tristesse attache autant le cœur que leur majesté élève l’ame.

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