IL y a quatre ans, peut-être cinq, j’habitais plusieurs jours par semaine un rez-de-chaussée incommode, mais clandestin et costumé, dans une rue qui communiquait par une de ses extrémités avec le petit parc Monceau : détail sans intérêt pour moi, car la grille en était fermée tous les soirs avant minuit, de sorte que je n’y pouvais passer précisément à l’heure où j’apprécie la marche en plein air. Une nuit, comme je me trouvais là, en conversation silencieuse avec deux chats de faïence bleue accroupis sur une table blanche, j’hésitais à choisir entre deux passe-temps de solitude : écrire un sonnet régulier en fumant des cigarettes, ou fumer des cigarettes en regardant le tapis du plafond. L’important est d’avoir toujours une cigarette à la main ; il faut envelopper les objets d’une nuée céleste et fine qui baigne les lumières et les ombres, efface les angles matériels, et, par un sortilège parfumé, impose à l’esprit qui s’agite un équilibre variable d’où il puisse tomber dans le songe. Ce soir-là, j’avais l’intention d’écrire et le désir de ne rien faire ; en d’autres termes, c’était une soirée qui ressemblait à toutes les autres et allait fatalement se terminer devant une feuille de papier vierge et un cendrier plein de cadavres, quand je fus tout à coup tiré de mes pensées par un coup de sonnette inattendu. Je levai la tête. Je me persuadai que, le vendredi 9 juin, je n’attendais personne à cette heure de nuit ; mais, comme un second coup de sonnette suivit de très près le premier, j’allai à la porte et je tirai la serrure. La porte ouverte, je vis une femme. Elle se tenait enveloppée dans un manteau flottant qui était de drap beige comme un vêtement de voyage, mais broché d’entrelacs comme une sortie de bal. Cela se serrait autour du cou par une chenille ronde et touffue d’où la tête émergeait à peine, toute brune sous les cheveux teints en blond.
IL y a quatre ans, peut-être cinq, j’habitais plusieurs jours par semaine un rez-de-chaussée incommode, mais clandestin et costumé, dans une rue qui communiquait par une de ses extrémités avec le petit parc Monceau : détail sans intérêt pour moi, car la grille en était fermée tous les soirs avant minuit, de sorte que je n’y pouvais passer précisément à l’heure où j’apprécie la marche en plein air. Une nuit, comme je me trouvais là, en conversation silencieuse avec deux chats de faïence bleue accroupis sur une table blanche, j’hésitais à choisir entre deux passe-temps de solitude : écrire un sonnet régulier en fumant des cigarettes, ou fumer des cigarettes en regardant le tapis du plafond. L’important est d’avoir toujours une cigarette à la main ; il faut envelopper les objets d’une nuée céleste et fine qui baigne les lumières et les ombres, efface les angles matériels, et, par un sortilège parfumé, impose à l’esprit qui s’agite un équilibre variable d’où il puisse tomber dans le songe. Ce soir-là, j’avais l’intention d’écrire et le désir de ne rien faire ; en d’autres termes, c’était une soirée qui ressemblait à toutes les autres et allait fatalement se terminer devant une feuille de papier vierge et un cendrier plein de cadavres, quand je fus tout à coup tiré de mes pensées par un coup de sonnette inattendu. Je levai la tête. Je me persuadai que, le vendredi 9 juin, je n’attendais personne à cette heure de nuit ; mais, comme un second coup de sonnette suivit de très près le premier, j’allai à la porte et je tirai la serrure. La porte ouverte, je vis une femme. Elle se tenait enveloppée dans un manteau flottant qui était de drap beige comme un vêtement de voyage, mais broché d’entrelacs comme une sortie de bal. Cela se serrait autour du cou par une chenille ronde et touffue d’où la tête émergeait à peine, toute brune sous les cheveux teints en blond.