Author: | GABRIEL MAURIERE | ISBN: | 1230000235020 |
Publisher: | NA | Publication: | April 22, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | GABRIEL MAURIERE |
ISBN: | 1230000235020 |
Publisher: | NA |
Publication: | April 22, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce livre comporte une table des matières dynamique, à été relu et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique
UNE BONNE FORTUNE
Elle ne tenait pas beaucoup de place dans ce coin de compartiment : il faut se faire petit dans la vie ; on se resserre de soi-même quand la chance ne vous gonfle pas. C’était une petite femme seule et on avouera que ce n’est pas gros une femme seule dans le vaste monde, quand, depuis des heures et des heures, les pays infinis, les villes inconnues, l’immensité des plaines s’étendent derrière vous, devant vous, autour de vous, comme pour vous isoler au milieu d’un désert — le désert humain.
Elle n’était pas laide ; elle n’était pas belle. Petite et brune, le nez un peu relevé, le menton un peu carré avec une fossette au milieu, elle avait un air attentif de bonne ménagère en rangeant son sac, sa valise, son parapluie et ses gants. Quelques plis au cou, quelques rides au front indiquaient une trentaine un peu fatiguée. Elle souriait aisément, gentiment, d’un air confiant et quasi triste.
Depuis deux mois, René l’a quittée. Pourquoi ? Une bêtise, une querelle sans raison sérieuse, ou plutôt sourdement motivée par la lâcheté et l’égoïsme des hommes devant les rides de la femme et parce qu’il l’avait assez vue. Carle ménage avait duré plusieurs années. Mais elle ne possédait plus la fraîcheur des vingt ans. René avait des moustaches fines et une cervelle d’insecte : il était parti avec la fille de la crémière. Alors, elle était seule, sans appui, sans travail suivi, vivotant, grattant sur les repas, sur sa toilette, sur la vie. Un homme c’est la sécurité, la respectabilité. Au bras d’un homme on est madame une telle ; on serait bien moins petite dans le coin du compartiment ! Et elle a tant besoin de s’appuyer, de se frotter à quelqu’un !
Un grand jeune homme entra dans le wagon à Saint-Germain-des-Fossés. Le voici en face d’elle, rose et frais, la moustache soignée, le visage banal et régulier. Il a l’air satisfait, familier, jovial, d’un garçon qui se trouve partout en pays de connaissance. Ils se sont regardés — lui avec un regard qui se signifie : Hé ! hé ! — elle d’un air de le remercier d’être là, de la heurter et de lui marcher sur les pieds. Comme il est poli, ce provincial !
— Est-ce que la portière vous gêne ?… Pardon, mademoiselle… Mille excuses…
Elle a souri et d’une petite voix aimable, elle dit
Ce livre comporte une table des matières dynamique, à été relu et corrigé.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique
UNE BONNE FORTUNE
Elle ne tenait pas beaucoup de place dans ce coin de compartiment : il faut se faire petit dans la vie ; on se resserre de soi-même quand la chance ne vous gonfle pas. C’était une petite femme seule et on avouera que ce n’est pas gros une femme seule dans le vaste monde, quand, depuis des heures et des heures, les pays infinis, les villes inconnues, l’immensité des plaines s’étendent derrière vous, devant vous, autour de vous, comme pour vous isoler au milieu d’un désert — le désert humain.
Elle n’était pas laide ; elle n’était pas belle. Petite et brune, le nez un peu relevé, le menton un peu carré avec une fossette au milieu, elle avait un air attentif de bonne ménagère en rangeant son sac, sa valise, son parapluie et ses gants. Quelques plis au cou, quelques rides au front indiquaient une trentaine un peu fatiguée. Elle souriait aisément, gentiment, d’un air confiant et quasi triste.
Depuis deux mois, René l’a quittée. Pourquoi ? Une bêtise, une querelle sans raison sérieuse, ou plutôt sourdement motivée par la lâcheté et l’égoïsme des hommes devant les rides de la femme et parce qu’il l’avait assez vue. Carle ménage avait duré plusieurs années. Mais elle ne possédait plus la fraîcheur des vingt ans. René avait des moustaches fines et une cervelle d’insecte : il était parti avec la fille de la crémière. Alors, elle était seule, sans appui, sans travail suivi, vivotant, grattant sur les repas, sur sa toilette, sur la vie. Un homme c’est la sécurité, la respectabilité. Au bras d’un homme on est madame une telle ; on serait bien moins petite dans le coin du compartiment ! Et elle a tant besoin de s’appuyer, de se frotter à quelqu’un !
Un grand jeune homme entra dans le wagon à Saint-Germain-des-Fossés. Le voici en face d’elle, rose et frais, la moustache soignée, le visage banal et régulier. Il a l’air satisfait, familier, jovial, d’un garçon qui se trouve partout en pays de connaissance. Ils se sont regardés — lui avec un regard qui se signifie : Hé ! hé ! — elle d’un air de le remercier d’être là, de la heurter et de lui marcher sur les pieds. Comme il est poli, ce provincial !
— Est-ce que la portière vous gêne ?… Pardon, mademoiselle… Mille excuses…
Elle a souri et d’une petite voix aimable, elle dit