Author: | Alfred de Vigny | ISBN: | 1230000228801 |
Publisher: | Alfred de Vigny | Publication: | March 28, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alfred de Vigny |
ISBN: | 1230000228801 |
Publisher: | Alfred de Vigny |
Publication: | March 28, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
S'il est vrai, selon le poète catholique, qu'il n'y ait pas de plus
grande peine que de se rappeler un temps heureux, dans la misère, il est
aussi vrai que l'âme trouve quelque bonheur à se rappeler, dans un
moment de calme et de liberté, les temps de peine ou d'esclavage. Cette
mélancolique émotion me fait jeter en arrière un triste regard sur
quelques années de ma vie, quoique ces années soient bien proches de
celle-ci, et que cette vie ne soit pas bien longue encore.
Je ne puis m'empêcher de dire combien j'ai vu de souffrances peu connues
et courageusement portées par une race d'hommes toujours dédaignée ou
honorée outre mesure, selon que les nations la trouvent utile ou
nécessaire.
Cependant ce sentiment ne me porte pas seul à cet écrit, et j'espère
qu'il pourra servir à montrer quelquefois, par des détails de moeurs
observés de mes yeux, ce qu'il nous reste encore d'arriéré et de barbare
dans l'organisation toute moderne de nos Armées permanentes, où l'homme
de guerre est isolé du citoyen, où il est malheureux et féroce, parce
qu'il sent sa condition mauvaise et absurde. Il est triste que tout se
modifie au milieu de nous, et que la destinée des Armées soit la seule
immobile. La loi chrétienne a changé une fois les usages farouches de la
guerre; mais les conséquences des nouvelles moeurs qu'elle introduisit
n'ont pas été poussées assez loin sur ce point.
EXTRAIT:
S'il est vrai, selon le poète catholique, qu'il n'y ait pas de plus
grande peine que de se rappeler un temps heureux, dans la misère, il est
aussi vrai que l'âme trouve quelque bonheur à se rappeler, dans un
moment de calme et de liberté, les temps de peine ou d'esclavage. Cette
mélancolique émotion me fait jeter en arrière un triste regard sur
quelques années de ma vie, quoique ces années soient bien proches de
celle-ci, et que cette vie ne soit pas bien longue encore.
Je ne puis m'empêcher de dire combien j'ai vu de souffrances peu connues
et courageusement portées par une race d'hommes toujours dédaignée ou
honorée outre mesure, selon que les nations la trouvent utile ou
nécessaire.
Cependant ce sentiment ne me porte pas seul à cet écrit, et j'espère
qu'il pourra servir à montrer quelquefois, par des détails de moeurs
observés de mes yeux, ce qu'il nous reste encore d'arriéré et de barbare
dans l'organisation toute moderne de nos Armées permanentes, où l'homme
de guerre est isolé du citoyen, où il est malheureux et féroce, parce
qu'il sent sa condition mauvaise et absurde. Il est triste que tout se
modifie au milieu de nous, et que la destinée des Armées soit la seule
immobile. La loi chrétienne a changé une fois les usages farouches de la
guerre; mais les conséquences des nouvelles moeurs qu'elle introduisit
n'ont pas été poussées assez loin sur ce point.