Sade c’est moi…

Nonfiction, Family & Relationships, Relationships, Love/Romance
Cover of the book Sade c’est moi… by Guy Deloeuvre, Guy Deloeuvre
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Author: Guy Deloeuvre ISBN: 1230002501888
Publisher: Guy Deloeuvre Publication: August 26, 2018
Imprint: Language: French
Author: Guy Deloeuvre
ISBN: 1230002501888
Publisher: Guy Deloeuvre
Publication: August 26, 2018
Imprint:
Language: French

Sade disparu, son patronyme, synonyme d’infamie, entre assez vite dans le langage commun comme substantif et adjectif. Le néologisme « sadisme » apparaît dès 1834 dans le Dictionnaire universel de Boiste comme « aberration épouvantable de la débauche : système monstrueux et antisocial qui révolte la nature. » « Voilà un nom que tout le monde sait et que personne ne prononce ; la main tremble en l’écrivant, et quand on le prononce les oreilles vous tintent d’un son lugubre » peut-on lire dans un dictionnaire de 1857 à l’article Sade. « Non seulement cet homme prêche l’orgie, mais il prêche le vol, le parricide, le sacrilège, la profanation des tombeaux, l’infanticide, toutes les horreurs. Il a prévu et inventé des crimes que le code pénal n’a pas prévus ; il a imaginé des tortures que l’Inquisition n’a pas devinées. » C’est Krafft-Ebing, médecin allemand, qui donne, à la fin du XIXe siècle, un statut scientifique au concept de sadisme, comme antonyme de masochisme pour désigner une perversion sexuelle dans laquelle la satisfaction est liée à la souffrance ou à l’humiliation infligée à autrui. L'œuvre de Sade restera interdite pendant un siècle et demi. En 1957 encore, dans le procès Sade, Jean-Jacques Pauvert, éditeur de Justine, défendu par Maurice Garçon avec comme témoins Georges Bataille, Jean Cocteau et Jean Paulhan, sera condamné par la chambre correctionnelle de Paris « à la confiscation et la destruction des ouvrages saisis ». Mais des éditions circulent sous le manteau, surtout à partir du Second Empire, époque des premières rééditions clandestines, destinées à un public averti et élitiste. « Génération après génération, la révolte des jeunes écrivains du XIXe et du XXe siècle se nourrit de la fiction sadienne » écrit Michel Delon dans son introduction aux Œuvres de la Pléiade. Sainte-Beuve en avertit les abonnés de La Revue des deux Mondes en 1843 : « J’oserai affirmer, sans crainte d’être démenti, que Byron et de Sade (je demande pardon du rapprochement) ont peut-être été les deux plus grands inspirateurs de nos modernes, l’un affiché et visible, l’autre clandestin – pas trop clandestin. En lisant certains de nos romanciers en vogue, si vous voulez le fond du coffre, l’escalier secret de l’alcôve, ne perdez jamais cette dernière clé. » Flaubert est un grand lecteur de Sade. « Arrive. Je t’attends. Je m’arrangerai pour procurer à mes hôtes un de Sade complet ! Il y en aura des volumes sur les tables de nuit ! » écrit-il à Théophile Gautier le 30 mai 1857. Les Goncourt notent dans leur Journal : « C’est étonnant, ce de Sade, on le trouve à tous les bouts de Flaubert comme un horizon (10 avril 1860) … Causeries sur de Sade, auquel revient toujours, comme fasciné, l’esprit de Flaubert : « c’est le dernier mot du catholicisme, dit-il. Je m’explique : c’est l’esprit de l’Inquisition, l’esprit de torture, l’esprit de l’Église du Moyen Âge, l’horreur de la nature (20 janvier 1860) … Visite de Flaubert. – Il y a vraiment chez Flaubert une obsession de Sade. Il va jusqu’à dire, dans ses plus beaux paradoxes, qu’il est le dernier mot du catholicisme (9 avril 1861). »

On connaît le portrait de Sade par Man Ray; sur fond de Bastille en flamme, son profil massif se dessine dans les pierres de la forteresse. Il n'en faudrait pas plus pour que Sade accède à la gloire d'incarner à lui seul la Révolution. Depuis Éluard et les surréalistes, la messe est dite. Mais Sade était-il vraiment révolutionnaire? Son célèbre petit pamphlet Français, encore un effort si vous voulez être républicains! qui s'incorpore de façon étonnante dans La Philosophie dans le boudoir, donne à l'ancien seigneur de Lacoste un parfum de républicanisme. Mais ceux qui l'ont connu ou qui ont entendu parler directement de lui, comme Michelet, en doutent résolument. Pour eux, Sade est un habile mystificateur qui a réussi à se faire passer pour un Jacobin alors qu'il reste un fieffé « aristocrate ». Peut-être est-il totalement superflu, dans un débat qui doit rester avant tout littéraire, de s'intéresser aux idées politiques de Sade. L'homme ne passe pas pour avoir voulu créer une œuvre politique. Aussi pourrait-on s'extraire d'une telle discussion prosaïque. Toutefois, l'habileté du Marquis de Sade, dans le domaine politique, en dit long sur son habileté morale. Et son meilleur biographe, le défunt Maurice Lever, n'a pas écarté dans sa monumentale biographie cette question « infiniment complexe ». Pour lui, le « Divin Marquis » a une pensée qui ne peut se satisfaire d'une analyse simpliste. Mais, loin d'être l'homme de 1793, voire de 1789, il est plutôt un noble d'Ancien Régime, hostile à la cour, ce qui est alors largement répandu dans les rangs de la noblesse contestatrice qui constituera les premiers bataillons de la contre-révolution. Sade professe, dans certains écrits, comme La Châtelaine de Longeville, une nostalgie du « paradis féodal », « pour ces temps glorieux où les seigneurs vivaient despotiquement sur leurs terres »

Dans sa vie courante, il faisait preuve d'une profonde « morgue aristocratique » à l'égard de ses paysans de Lacoste. Sa correspondance avec ses intendants, que mentionne Maurice Lever, évoque ses protestations constantes contre ses fermiers, « des gueux à rouer », et sa préoccupation de lever ses droits féodaux. « Son préjugé de classe ne connaît pas de bornes », écrit Lever. Cela n'en fait pas pour autant un nostalgique de l'Ancien Régime. Car c'est la monarchie qui a mis à genou l'aristocratie, et Sade en est parfaitement conscient. En 1789, à sa façon, il prend aussi sa vengeance sur les Capétiens, qui ont rabaissé ses aïeux aux rangs d'esclaves dorés. Sade aurait pu émigrer en 1791, comme beaucoup de gens de son milieu. Il hait les Jacobins. Il l'écrit à Gaufridy en 1791: « Je suis antijacobite; je les hais à mort. » Mais il lui faut rester en France car il n'a qu'une ambition: réussir «sa carrière d'homme de lettres ». Elle seule compte pour lui, précise Lever. Adepte du « double langage », il tentera alors toutes les astuces pour se faire adouber comme jacobin. C'est ce que Lever appelle «la farce patriotique ». Elle va le conduire jusqu'au secrétariat de la section des Piques… avant que Robespierre, à son tour, dans sa chasse au « vice aristocratique » et à l'athéisme, ne le rattrape à son tour… « Replongez le vice dans le néant. Les ennemis de la République, ce sont les hommes corrompus », dira Maximilien, le principal ennemi de Sade le féodal. La vertu, comme le vice, savait aussi se montrer sanguinaire.

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Sade disparu, son patronyme, synonyme d’infamie, entre assez vite dans le langage commun comme substantif et adjectif. Le néologisme « sadisme » apparaît dès 1834 dans le Dictionnaire universel de Boiste comme « aberration épouvantable de la débauche : système monstrueux et antisocial qui révolte la nature. » « Voilà un nom que tout le monde sait et que personne ne prononce ; la main tremble en l’écrivant, et quand on le prononce les oreilles vous tintent d’un son lugubre » peut-on lire dans un dictionnaire de 1857 à l’article Sade. « Non seulement cet homme prêche l’orgie, mais il prêche le vol, le parricide, le sacrilège, la profanation des tombeaux, l’infanticide, toutes les horreurs. Il a prévu et inventé des crimes que le code pénal n’a pas prévus ; il a imaginé des tortures que l’Inquisition n’a pas devinées. » C’est Krafft-Ebing, médecin allemand, qui donne, à la fin du XIXe siècle, un statut scientifique au concept de sadisme, comme antonyme de masochisme pour désigner une perversion sexuelle dans laquelle la satisfaction est liée à la souffrance ou à l’humiliation infligée à autrui. L'œuvre de Sade restera interdite pendant un siècle et demi. En 1957 encore, dans le procès Sade, Jean-Jacques Pauvert, éditeur de Justine, défendu par Maurice Garçon avec comme témoins Georges Bataille, Jean Cocteau et Jean Paulhan, sera condamné par la chambre correctionnelle de Paris « à la confiscation et la destruction des ouvrages saisis ». Mais des éditions circulent sous le manteau, surtout à partir du Second Empire, époque des premières rééditions clandestines, destinées à un public averti et élitiste. « Génération après génération, la révolte des jeunes écrivains du XIXe et du XXe siècle se nourrit de la fiction sadienne » écrit Michel Delon dans son introduction aux Œuvres de la Pléiade. Sainte-Beuve en avertit les abonnés de La Revue des deux Mondes en 1843 : « J’oserai affirmer, sans crainte d’être démenti, que Byron et de Sade (je demande pardon du rapprochement) ont peut-être été les deux plus grands inspirateurs de nos modernes, l’un affiché et visible, l’autre clandestin – pas trop clandestin. En lisant certains de nos romanciers en vogue, si vous voulez le fond du coffre, l’escalier secret de l’alcôve, ne perdez jamais cette dernière clé. » Flaubert est un grand lecteur de Sade. « Arrive. Je t’attends. Je m’arrangerai pour procurer à mes hôtes un de Sade complet ! Il y en aura des volumes sur les tables de nuit ! » écrit-il à Théophile Gautier le 30 mai 1857. Les Goncourt notent dans leur Journal : « C’est étonnant, ce de Sade, on le trouve à tous les bouts de Flaubert comme un horizon (10 avril 1860) … Causeries sur de Sade, auquel revient toujours, comme fasciné, l’esprit de Flaubert : « c’est le dernier mot du catholicisme, dit-il. Je m’explique : c’est l’esprit de l’Inquisition, l’esprit de torture, l’esprit de l’Église du Moyen Âge, l’horreur de la nature (20 janvier 1860) … Visite de Flaubert. – Il y a vraiment chez Flaubert une obsession de Sade. Il va jusqu’à dire, dans ses plus beaux paradoxes, qu’il est le dernier mot du catholicisme (9 avril 1861). »

On connaît le portrait de Sade par Man Ray; sur fond de Bastille en flamme, son profil massif se dessine dans les pierres de la forteresse. Il n'en faudrait pas plus pour que Sade accède à la gloire d'incarner à lui seul la Révolution. Depuis Éluard et les surréalistes, la messe est dite. Mais Sade était-il vraiment révolutionnaire? Son célèbre petit pamphlet Français, encore un effort si vous voulez être républicains! qui s'incorpore de façon étonnante dans La Philosophie dans le boudoir, donne à l'ancien seigneur de Lacoste un parfum de républicanisme. Mais ceux qui l'ont connu ou qui ont entendu parler directement de lui, comme Michelet, en doutent résolument. Pour eux, Sade est un habile mystificateur qui a réussi à se faire passer pour un Jacobin alors qu'il reste un fieffé « aristocrate ». Peut-être est-il totalement superflu, dans un débat qui doit rester avant tout littéraire, de s'intéresser aux idées politiques de Sade. L'homme ne passe pas pour avoir voulu créer une œuvre politique. Aussi pourrait-on s'extraire d'une telle discussion prosaïque. Toutefois, l'habileté du Marquis de Sade, dans le domaine politique, en dit long sur son habileté morale. Et son meilleur biographe, le défunt Maurice Lever, n'a pas écarté dans sa monumentale biographie cette question « infiniment complexe ». Pour lui, le « Divin Marquis » a une pensée qui ne peut se satisfaire d'une analyse simpliste. Mais, loin d'être l'homme de 1793, voire de 1789, il est plutôt un noble d'Ancien Régime, hostile à la cour, ce qui est alors largement répandu dans les rangs de la noblesse contestatrice qui constituera les premiers bataillons de la contre-révolution. Sade professe, dans certains écrits, comme La Châtelaine de Longeville, une nostalgie du « paradis féodal », « pour ces temps glorieux où les seigneurs vivaient despotiquement sur leurs terres »

Dans sa vie courante, il faisait preuve d'une profonde « morgue aristocratique » à l'égard de ses paysans de Lacoste. Sa correspondance avec ses intendants, que mentionne Maurice Lever, évoque ses protestations constantes contre ses fermiers, « des gueux à rouer », et sa préoccupation de lever ses droits féodaux. « Son préjugé de classe ne connaît pas de bornes », écrit Lever. Cela n'en fait pas pour autant un nostalgique de l'Ancien Régime. Car c'est la monarchie qui a mis à genou l'aristocratie, et Sade en est parfaitement conscient. En 1789, à sa façon, il prend aussi sa vengeance sur les Capétiens, qui ont rabaissé ses aïeux aux rangs d'esclaves dorés. Sade aurait pu émigrer en 1791, comme beaucoup de gens de son milieu. Il hait les Jacobins. Il l'écrit à Gaufridy en 1791: « Je suis antijacobite; je les hais à mort. » Mais il lui faut rester en France car il n'a qu'une ambition: réussir «sa carrière d'homme de lettres ». Elle seule compte pour lui, précise Lever. Adepte du « double langage », il tentera alors toutes les astuces pour se faire adouber comme jacobin. C'est ce que Lever appelle «la farce patriotique ». Elle va le conduire jusqu'au secrétariat de la section des Piques… avant que Robespierre, à son tour, dans sa chasse au « vice aristocratique » et à l'athéisme, ne le rattrape à son tour… « Replongez le vice dans le néant. Les ennemis de la République, ce sont les hommes corrompus », dira Maximilien, le principal ennemi de Sade le féodal. La vertu, comme le vice, savait aussi se montrer sanguinaire.

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