Author: | Charles Augustin Sainte-Beuve | ISBN: | 1230000785952 |
Publisher: | CP | Publication: | November 19, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Charles Augustin Sainte-Beuve |
ISBN: | 1230000785952 |
Publisher: | CP |
Publication: | November 19, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Je continue de mettre ordre de mon mieux à ce que j’appelle mes affaires littéraires. Après avoir recueilli, il y a deux ans, les portraits que j’avais faits des morts, je rassemble aujourd’hui ceux des écrivains vivants. La division peut ne pas sembler très-rigoureuse. Tel écrivain mort d’hier est aussi vivant que tel qui ne mourra que demain. Pendant qu’on imprime ces volumes, il se peut que plus d’un sujet se dérobe à ma classification et acquière le droit de passer d’une série à l’autre. Peu importe ; la classification ne serait-elle qu’un prétexte, l’essentiel est que j’y trouve un fil pour rassembler ces divers morceaux, déjà si nombreux, en m’appliquant à les perfectionner.
Ces nouveaux volumes ont d’ailleurs leur caractère assez à part, en effet ; les noms les plus célèbres du jour s’y pressent ; j’ai eu affaire à la plupart d’entre eux, d’assez près et plus d’une fois. La forme de la critique se ressent des difficultés dont j’ai eu à triompher : je débute le plus souvent par la louange, par la pleine louange tellement que la critique proprement dite semble parfois bien près de disparaître. Ç’a été sincérité de ma part en même temps que curiosité d’étude et ouverture commode, je l’avoue ; ç’a été à la fois, s’il m’est permis de le dire, un penchant et une méthode.
On n’obtient rien des poètes que par l’extrême louange : Homère, le plus grand de tous, le savait bien, lui qui, au livre VIII de l’Odyssée, fait dire par Ulysse au chantre Démodocus, pour lui demander un chant : « Démodocus, je te mets sans contredit au-dessus de tous les mortels ensemble, car c’est la Muse elle-même qui t’a enseigné, la Muse, fille de Jupiter, ou plutôt Apollon… » Ce compliment de début est de rigueur auprès des poètes, depuis Homère et Démodocus jusqu’à… jusqu’à tous ceux de nos jours.
Je continue de mettre ordre de mon mieux à ce que j’appelle mes affaires littéraires. Après avoir recueilli, il y a deux ans, les portraits que j’avais faits des morts, je rassemble aujourd’hui ceux des écrivains vivants. La division peut ne pas sembler très-rigoureuse. Tel écrivain mort d’hier est aussi vivant que tel qui ne mourra que demain. Pendant qu’on imprime ces volumes, il se peut que plus d’un sujet se dérobe à ma classification et acquière le droit de passer d’une série à l’autre. Peu importe ; la classification ne serait-elle qu’un prétexte, l’essentiel est que j’y trouve un fil pour rassembler ces divers morceaux, déjà si nombreux, en m’appliquant à les perfectionner.
Ces nouveaux volumes ont d’ailleurs leur caractère assez à part, en effet ; les noms les plus célèbres du jour s’y pressent ; j’ai eu affaire à la plupart d’entre eux, d’assez près et plus d’une fois. La forme de la critique se ressent des difficultés dont j’ai eu à triompher : je débute le plus souvent par la louange, par la pleine louange tellement que la critique proprement dite semble parfois bien près de disparaître. Ç’a été sincérité de ma part en même temps que curiosité d’étude et ouverture commode, je l’avoue ; ç’a été à la fois, s’il m’est permis de le dire, un penchant et une méthode.
On n’obtient rien des poètes que par l’extrême louange : Homère, le plus grand de tous, le savait bien, lui qui, au livre VIII de l’Odyssée, fait dire par Ulysse au chantre Démodocus, pour lui demander un chant : « Démodocus, je te mets sans contredit au-dessus de tous les mortels ensemble, car c’est la Muse elle-même qui t’a enseigné, la Muse, fille de Jupiter, ou plutôt Apollon… » Ce compliment de début est de rigueur auprès des poètes, depuis Homère et Démodocus jusqu’à… jusqu’à tous ceux de nos jours.