Pensées d’une Amazone

Les sexes adverses, la guerre et le féminisme. Choses de l’Amour. ( Edition intégrale )

Fiction & Literature, Action Suspense, Historical, Romance
Cover of the book Pensées d’une Amazone by Natalie Clifford Barney, Paris : Emile-Paul frères, 1920
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Author: Natalie Clifford Barney ISBN: 1230002583662
Publisher: Paris : Emile-Paul frères, 1920 Publication: September 28, 2018
Imprint: Language: French
Author: Natalie Clifford Barney
ISBN: 1230002583662
Publisher: Paris : Emile-Paul frères, 1920
Publication: September 28, 2018
Imprint:
Language: French

«Il s’agist donc de savoir si en ce temps et dans l’estât où sont les affaires, il est à propos qu’une fille s’applique entièrement à l’estude des bonnes lettres et en connoissance des arts et sciences. Quand d moy je suis pour l’affirmative, je tiens qu’elle le peut et le doit faire, et il me semble que pour prouver ce point j’ay des raisons considérables.»
Anne-Marie Schurmann, 1646.
«NÉRISSA: Comment aimez-vous ce jeune Allemand neveu du duc de Saxe?
«PORTIA: Il me plaît très piètrement le matin quand il est sobre, et encore moins l’après-midi quand il est ivre. A son mieux il est un peu pire qu’un homme, et à son pire un peu mieux qu’une bête.»
… Il est vrai que Portia—qui savait juger—ne juge guère avec plus d’aveuglement le jeune baron anglais, ni le comte italien, ni le lord écossais, ni le gentilhomme français!
Ne plus nous apercevoir avec une justesse terrible de tout ce qu’ils ne sont pas.
Ils ne vous octroient que cette destinée de cassette, de loterie.
Pour juger d’un homme, sortez-le de son milieu; pour juger d’une femme, donnez-lui le sien.
—Elles sont si adaptables qu’on n’a jamais songé à leur faire une place.
Trop puritaines pour Vénus, trop frivoles pour Minerve, trop découragées pour Junon, leur intelligence semble cependant mériter une destinée…
N’être plus réduites à se marier pour se faire une situation.
Le mariage, une fausse valeur.
La maternité? L’enfant aussi limite à lui la femme,—et puis la délaisse.
Leur rancune ne venant que de leur superlative attente…
Leur rôle est si ingrat qu’il ne leur reste qu’à faire un sort à chacun de leurs silences.
Elles sont pourtant plus sensées que leurs chapeaux.
Découvrir leur front serait perdre leur dernière pudeur.
Si Œdipe, au lieu de répondre aux questions du sphinx, lui en eût posé? Mais, homme, il fut flatté qu’une femme aussi mystérieuse lui adressât la parole pour lui demander une futilité qu elle savait,—et il perdit, comme tant d’autres, l’occasion de s’instruire en lui répondant que son énigme était l’ «homme»; mais l’énigme de la femme?
On entend encore: «Il sait parler aux femmes!»—mais celui qui saurait les faire parler?
Beaucoup ont trop renoncé à leur instinct pour avoir une sensibilité juste; d’autres, trop sensibles, n’ont pu céder à leur instinct.
La jalousie de leurs amants les contraint plus encore que la surveillance sans intuition de leurs époux.
Même les heureuses vivent dans cette cage, suspendue au-dessus de la vie,—ô monde vu au travers!
Ces petits noms de femmes et leurs diminutifs, comme pour les réduire encore davantage, les faire entrer dans cet état de pitié tendre que sont leurs meilleurs mariages.
Dans le mariage le moindre domine. Est-ce pour cela que le mariage est régularisateur?
Ne nous laissons pas choir à la légère: l’étreinte égalise.
Leur corps, arbre fruitier que leur démarche balance…
Et je songe à une stèle vue autrefois chez un peintre nippon: «Plus ses racines sont profondes, plus les fleurs sont légères.»
—On dit: il faut «se conformer».
Je ne me suis jamais conformée et pourtant je suis.
Quel enseignement pourtant, ô femmes, dans l’énigmatique douceur de cette déesse indienne: Son corps doré s’entoure de chaînes, et, d’une main elle fait le geste précis de l’éternité, laissant l’autre offerte à la vie.
Se venger, en ne leur donnant de soi que ce qu’ils veulent:
On dit que l’homme est triste après l’amour,—mais la femme l’est peut-être avant, pendant et après.
Jusqu’aux animaux en rut clament leur malédiction à la nature.
Ces mères—vierges nostalgiques de l’amour qu’elles n’ont pas connu.
Certaines femmes sont d’une si lente maturité sensuelle, qu’en devenant des mères, elles le restent à jamais.
Il est inadmissible que celles-ci surtout n’aient aucune voix dans les lois disposant de leur double destinée.
Seules celles qui créent péniblement la vie en connaissent assez le prix pour ne pas la gaspiller.
La guerre—cet accouchement de l’homme.
—Ils enfantent la mort, comme elles la vie, avec courage, inéluctablement.
Il reste aux femmes d’être leurs sages-femmes, des sœurs de charité, des marraines ou des témoins—en attendant.
«La patrie est une mère». Un gangréné dit: «Elle nous arrange bien, notre mère!»
Quand la patrie aura l’intuition, l’initiative, les appréhensions, les soins et les désintéressements d’une mère, on pourra peut-être là sauver des calamiteuses négligences des conseils d’hommes.
Est-ce par un sentiment de compensation et de restitution qu’un buste de femme réduit à l’état de bronze, préside dans vos palais de Justice, mairies…?
On accorde aux femmes des qualités d’astuce, d’intuition, de ruse et d’adresse supérieures si souvent à celles des hommes, pourquoi ne leur accorderait-on pas la possibilité de s’en servir au profit de l’État, au ministère des affaires étranges, etc…?
La diplomatie est une carrière éminemment féminine et dont les hommes s’acquittent assez mal, puisqu’en quarante ans, ils n’ont pas su se concilier une ennemie voisine, ni obliger qu’on se munisse suffisamment contre elle.

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«Il s’agist donc de savoir si en ce temps et dans l’estât où sont les affaires, il est à propos qu’une fille s’applique entièrement à l’estude des bonnes lettres et en connoissance des arts et sciences. Quand d moy je suis pour l’affirmative, je tiens qu’elle le peut et le doit faire, et il me semble que pour prouver ce point j’ay des raisons considérables.»
Anne-Marie Schurmann, 1646.
«NÉRISSA: Comment aimez-vous ce jeune Allemand neveu du duc de Saxe?
«PORTIA: Il me plaît très piètrement le matin quand il est sobre, et encore moins l’après-midi quand il est ivre. A son mieux il est un peu pire qu’un homme, et à son pire un peu mieux qu’une bête.»
… Il est vrai que Portia—qui savait juger—ne juge guère avec plus d’aveuglement le jeune baron anglais, ni le comte italien, ni le lord écossais, ni le gentilhomme français!
Ne plus nous apercevoir avec une justesse terrible de tout ce qu’ils ne sont pas.
Ils ne vous octroient que cette destinée de cassette, de loterie.
Pour juger d’un homme, sortez-le de son milieu; pour juger d’une femme, donnez-lui le sien.
—Elles sont si adaptables qu’on n’a jamais songé à leur faire une place.
Trop puritaines pour Vénus, trop frivoles pour Minerve, trop découragées pour Junon, leur intelligence semble cependant mériter une destinée…
N’être plus réduites à se marier pour se faire une situation.
Le mariage, une fausse valeur.
La maternité? L’enfant aussi limite à lui la femme,—et puis la délaisse.
Leur rancune ne venant que de leur superlative attente…
Leur rôle est si ingrat qu’il ne leur reste qu’à faire un sort à chacun de leurs silences.
Elles sont pourtant plus sensées que leurs chapeaux.
Découvrir leur front serait perdre leur dernière pudeur.
Si Œdipe, au lieu de répondre aux questions du sphinx, lui en eût posé? Mais, homme, il fut flatté qu’une femme aussi mystérieuse lui adressât la parole pour lui demander une futilité qu elle savait,—et il perdit, comme tant d’autres, l’occasion de s’instruire en lui répondant que son énigme était l’ «homme»; mais l’énigme de la femme?
On entend encore: «Il sait parler aux femmes!»—mais celui qui saurait les faire parler?
Beaucoup ont trop renoncé à leur instinct pour avoir une sensibilité juste; d’autres, trop sensibles, n’ont pu céder à leur instinct.
La jalousie de leurs amants les contraint plus encore que la surveillance sans intuition de leurs époux.
Même les heureuses vivent dans cette cage, suspendue au-dessus de la vie,—ô monde vu au travers!
Ces petits noms de femmes et leurs diminutifs, comme pour les réduire encore davantage, les faire entrer dans cet état de pitié tendre que sont leurs meilleurs mariages.
Dans le mariage le moindre domine. Est-ce pour cela que le mariage est régularisateur?
Ne nous laissons pas choir à la légère: l’étreinte égalise.
Leur corps, arbre fruitier que leur démarche balance…
Et je songe à une stèle vue autrefois chez un peintre nippon: «Plus ses racines sont profondes, plus les fleurs sont légères.»
—On dit: il faut «se conformer».
Je ne me suis jamais conformée et pourtant je suis.
Quel enseignement pourtant, ô femmes, dans l’énigmatique douceur de cette déesse indienne: Son corps doré s’entoure de chaînes, et, d’une main elle fait le geste précis de l’éternité, laissant l’autre offerte à la vie.
Se venger, en ne leur donnant de soi que ce qu’ils veulent:
On dit que l’homme est triste après l’amour,—mais la femme l’est peut-être avant, pendant et après.
Jusqu’aux animaux en rut clament leur malédiction à la nature.
Ces mères—vierges nostalgiques de l’amour qu’elles n’ont pas connu.
Certaines femmes sont d’une si lente maturité sensuelle, qu’en devenant des mères, elles le restent à jamais.
Il est inadmissible que celles-ci surtout n’aient aucune voix dans les lois disposant de leur double destinée.
Seules celles qui créent péniblement la vie en connaissent assez le prix pour ne pas la gaspiller.
La guerre—cet accouchement de l’homme.
—Ils enfantent la mort, comme elles la vie, avec courage, inéluctablement.
Il reste aux femmes d’être leurs sages-femmes, des sœurs de charité, des marraines ou des témoins—en attendant.
«La patrie est une mère». Un gangréné dit: «Elle nous arrange bien, notre mère!»
Quand la patrie aura l’intuition, l’initiative, les appréhensions, les soins et les désintéressements d’une mère, on pourra peut-être là sauver des calamiteuses négligences des conseils d’hommes.
Est-ce par un sentiment de compensation et de restitution qu’un buste de femme réduit à l’état de bronze, préside dans vos palais de Justice, mairies…?
On accorde aux femmes des qualités d’astuce, d’intuition, de ruse et d’adresse supérieures si souvent à celles des hommes, pourquoi ne leur accorderait-on pas la possibilité de s’en servir au profit de l’État, au ministère des affaires étranges, etc…?
La diplomatie est une carrière éminemment féminine et dont les hommes s’acquittent assez mal, puisqu’en quarante ans, ils n’ont pas su se concilier une ennemie voisine, ni obliger qu’on se munisse suffisamment contre elle.

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