Author: | Henri Bachelin | ISBN: | 1230003022535 |
Publisher: | Paris, Floury, 1906 | Publication: | January 7, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Henri Bachelin |
ISBN: | 1230003022535 |
Publisher: | Paris, Floury, 1906 |
Publication: | January 7, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: Jusqu’à sept ans, Louis a été comme tous les autres, ni terrible, ni hébété. Il a vécu tantôt à l’air, tantôt au coin du feu, recevant des gifles et des caresses, à peu près indifférent à celles-ci, levant, pour se garer de celles-là, le coude, ainsi qu’un oison lève son aile.
Or, un jeudi, « trôlant » par la ville avec des gamins de son âge qui jouaient aux voleurs, il resta seul, tout à coup, en plein milieu de la grande-rue ; il était nu-tête, sa casquette serrée entre la blouse noire et la ceinture de cuir verni. Ses cheveux, collés aux tempes, se hérissaient au sommet de l’occiput. Sur le devant des portes, de petites filles qui apprennent à coudre ont dit :
— « Tiens ! C’est le Viollet ! »
Les mères de famille ont dit :
— « Tiens ! C’est le gamin des Viollet ! »
Lui, s’est dit ;
— « Je dois avoir l’air drôle, pour qu’on me remarque ainsi. »
Et, comme Adam le jour de la création, il s’est trouvé ne sachant que faire de ses bras, de ses jambes.
Depuis, évitant de passer par la grande-rue, s’il joue encore à cache-cache, aux voleurs, c’est tout près de chez lui, dans son quartier. Plus souvent, qu’il coure avec les autres, pour qu’on dise :
— « Tiens ! Voilà le gamin des Viollet ! »
Est-ce qu’on dit : « Voilà celui des Leprun » ? ou « celui des Dussaule » ?
Il ignore, le pauvre, que, jusqu’à tout à l’heure, il était pareil aux autres, ni meilleur ni pire, ni plus laid ni plus beau. Il ignore que si, de cette conviction qu’il s’est faite lui-même d’être à part, désigné par tous les index, ne s’ensuivaient des gestes timides, des attitudes bizarres, personne, en vérité, ne ferait attention à lui. Les petites filles ont dit : « Tiens ! C’est le Viollet ! » comme elles auraient dit n’importe quoi.
Il ne peut pas savoir que c’est à lui seul qu’il doit s’en prendre. Est-ce que ceux de son âge, est-ce que personne, dans la vie, s’observe, en songeant :
« Je dois avoir l’air bête ? »
Il s’isole, ne veut presque plus bouger de la maison, de la petite cour, de « la chaume » où poussent des chardons. Au bout des promenades, dont l’escalier latéral est à vingt pas de sa porte, il se sent déjà dépaysé.
Si, de temps à autre, à l’école, ou le dimanche et le jeudi, il s’oublie jusqu’à se laisser entraîner, soudain il lui semble tenir sa tête, comme saint Denis, sur la paume des mains, et qu’avec ses propres yeux il se voit, et qu’une bouche, qu’il ne se connaissait pas, prononce :
— « Voyons ! Arrête-toi ! Regarde-toi un peu ! Es-tu ridicule, à courir ainsi, tout ébouriffé ! »
Et il s’arrête dans un coin, à un tournant de rue. On croit qu’il ne regarde rien, ou qu’il fixe quelque chose d’invisible qui le fascine : c’est lui-même, qu’il regarde, qu’il fixe…
… « Mais, enfin, qu’est-ce que tu as ?… Il faut t’amuser comme ceux de ton âge !… Ah ! Madame, je me demande ce que nous allons en faire ! Obligée de le battre pour qu’il aille jouer !… Pour sûr que non ! Ce n’est pas un enfant comme les autres ! ».......
Pas-comme-les-autres
PLUS COMME LES AUTRES
LA GÉOGRAPHIE
L’ENTERREMENT
LES FAGOTS
LA GRENOUILLE
LES SAPINS
LE PUITS
LA MÈRE NADÉE
LA MONTRE
LE PAIN
A MINUIT
LA DICTÉE
LE JEUDI
LA SACRISTIE
LA PENDULE
PÉRIL
LE BAIN
PAQUES
LE DÉPART
Extrait: Jusqu’à sept ans, Louis a été comme tous les autres, ni terrible, ni hébété. Il a vécu tantôt à l’air, tantôt au coin du feu, recevant des gifles et des caresses, à peu près indifférent à celles-ci, levant, pour se garer de celles-là, le coude, ainsi qu’un oison lève son aile.
Or, un jeudi, « trôlant » par la ville avec des gamins de son âge qui jouaient aux voleurs, il resta seul, tout à coup, en plein milieu de la grande-rue ; il était nu-tête, sa casquette serrée entre la blouse noire et la ceinture de cuir verni. Ses cheveux, collés aux tempes, se hérissaient au sommet de l’occiput. Sur le devant des portes, de petites filles qui apprennent à coudre ont dit :
— « Tiens ! C’est le Viollet ! »
Les mères de famille ont dit :
— « Tiens ! C’est le gamin des Viollet ! »
Lui, s’est dit ;
— « Je dois avoir l’air drôle, pour qu’on me remarque ainsi. »
Et, comme Adam le jour de la création, il s’est trouvé ne sachant que faire de ses bras, de ses jambes.
Depuis, évitant de passer par la grande-rue, s’il joue encore à cache-cache, aux voleurs, c’est tout près de chez lui, dans son quartier. Plus souvent, qu’il coure avec les autres, pour qu’on dise :
— « Tiens ! Voilà le gamin des Viollet ! »
Est-ce qu’on dit : « Voilà celui des Leprun » ? ou « celui des Dussaule » ?
Il ignore, le pauvre, que, jusqu’à tout à l’heure, il était pareil aux autres, ni meilleur ni pire, ni plus laid ni plus beau. Il ignore que si, de cette conviction qu’il s’est faite lui-même d’être à part, désigné par tous les index, ne s’ensuivaient des gestes timides, des attitudes bizarres, personne, en vérité, ne ferait attention à lui. Les petites filles ont dit : « Tiens ! C’est le Viollet ! » comme elles auraient dit n’importe quoi.
Il ne peut pas savoir que c’est à lui seul qu’il doit s’en prendre. Est-ce que ceux de son âge, est-ce que personne, dans la vie, s’observe, en songeant :
« Je dois avoir l’air bête ? »
Il s’isole, ne veut presque plus bouger de la maison, de la petite cour, de « la chaume » où poussent des chardons. Au bout des promenades, dont l’escalier latéral est à vingt pas de sa porte, il se sent déjà dépaysé.
Si, de temps à autre, à l’école, ou le dimanche et le jeudi, il s’oublie jusqu’à se laisser entraîner, soudain il lui semble tenir sa tête, comme saint Denis, sur la paume des mains, et qu’avec ses propres yeux il se voit, et qu’une bouche, qu’il ne se connaissait pas, prononce :
— « Voyons ! Arrête-toi ! Regarde-toi un peu ! Es-tu ridicule, à courir ainsi, tout ébouriffé ! »
Et il s’arrête dans un coin, à un tournant de rue. On croit qu’il ne regarde rien, ou qu’il fixe quelque chose d’invisible qui le fascine : c’est lui-même, qu’il regarde, qu’il fixe…
… « Mais, enfin, qu’est-ce que tu as ?… Il faut t’amuser comme ceux de ton âge !… Ah ! Madame, je me demande ce que nous allons en faire ! Obligée de le battre pour qu’il aille jouer !… Pour sûr que non ! Ce n’est pas un enfant comme les autres ! ».......
Pas-comme-les-autres
PLUS COMME LES AUTRES
LA GÉOGRAPHIE
L’ENTERREMENT
LES FAGOTS
LA GRENOUILLE
LES SAPINS
LE PUITS
LA MÈRE NADÉE
LA MONTRE
LE PAIN
A MINUIT
LA DICTÉE
LE JEUDI
LA SACRISTIE
LA PENDULE
PÉRIL
LE BAIN
PAQUES
LE DÉPART