Monsieur Codomat

( Edition intégrale )

Nonfiction, Entertainment, Performing Arts, Theatre, Acting & Auditioning, Fiction & Literature, Drama
Cover of the book Monsieur Codomat by Tristan Bernard, Paris : L'Illustration, 1907
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Author: Tristan Bernard ISBN: 1230002289441
Publisher: Paris : L'Illustration, 1907 Publication: April 24, 2018
Imprint: Language: French
Author: Tristan Bernard
ISBN: 1230002289441
Publisher: Paris : L'Illustration, 1907
Publication: April 24, 2018
Imprint:
Language: French

La nouvelle comédie de M. Tristan Bernard me paraît son plus joli tour d’adresse. Certains sujets portent l’auteur. Voici une pièce où l’auteur a d’abord, et jusqu’à la fin, le sujet contre lui. Il ne suffit pas de le traiter, il faut le vaincre. À le juger par le récit de ce qu’il fait, ce Monsieur Codomat ne serait qu’un vilain mufle. Sur la scène, ce qu’il dit le transforme, sa manière l’excuse toujours. Il finirait par avoir le rôle sympathique : c’est un mufle charmant.

Monsieur Codomat, naturel et sincère, fait ça comme ça lui vient. Aucun cynisme. Il ne s’analyse point par pose, mais pour expliquer ses scrupules, dès qu’il croit les apparences contre lui. On riait avec une légère résistance d’honnêtes bourgeois chatouilleux et la petite peur que donne l’équilibriste. Une réplique forte et ingénue de Monsieur Codomat rassurait, et le rire gêné devenait éclat de rire. Que d’écueils frôlés, caressés, nonchalamment tournés ! C’était un fin succès, de qualité extrêmement rare.

La construction de ces trois actes est simple et irréprochable. Monsieur Codomat, architecte, aurait approuvé et signé le plan qu’il garderait d’ailleurs pour lui. Monsieur Codomat, gérant d’immeubles, fait, à propos d’une fuite d’eau, une visite à sa jolie cliente Clotilde. Cette jeune femme naïve le trouve distingué, beau et bon. Il se laisse admirer, puis aimer ; il la conseille et excuse, parce qu’elle a de l’argent, sa situation irrégulière. Il reste paternel, très noble, et quand il sort du cabinet de toilette, il sait dire : «Je suis heureux de vous connaître », comme si rien ne, s’était passé.

Clotilde lui confie son argent qu’il mêle avec le sien dans un tiroir, avant de le bien placer. Mais l’amant qui paie, le jeune et riche Lafauvette, respecte aussi Monsieur Codomat. Cet énorme bourgeois les séduit tous et les écrase. Lafauvette, naïf entreteneur, guidé par ce sage, verse ponctuellement les sommes que Clotilde dépose à la caisse commune. Soudain il veut se marier. — « Vous êtes fou » dit Monsieur Codomat ; et Clotilde ? — J’aime votre fille, dit Lafauvette — C’est différent je cède, par faiblesse — Comment rompre avec Clotilde ? — Ne suis-je pas là ? – Monsieur Codomat, toujours bon, toujours beau, toujours souriant, persuade Clotilde. Elle ira se régénérer en province — « J’apportais, dit-elle, ces derniers trois mille francs de Lafauvette. — Je ne peux plus les recevoir, dit Monsieur Codomat, il faut les lui rendre. » — Lafauvette, pour se montrer digne de Monsieur Codomat, assure à Clotilde, par acte notarié, une rente de dix mille francs par an. – « Dix-mille ! c’est gentil ! agréable .surprise ! murmure Monsieur Codomat furieux et correct. » Il aura l’œil sur ce petit gendre stupide.

M. Gémier a joué ce rôle redoutable avec une intelligence, une mesure, une pudeur, une perfection qui me mettent à l’aise pour lui dire que je ne l’aimais pas beaucoup dans Terre d’Epouvante. Oui, c’est un autre genre, et il porte. Mais un acteur comme Gémier me semble aussi nécessaire à Monsieur Codomat qu’inutile à M. Roussel, vague gouverneur.

Je suis sûr que la pièce de Tristan Bernard est également jouée comme il le désire, par tous les autres interprètes, depuis. M. Gerber (Lafauvette) jusqu’à M. Baur (plombier), depuis Mlle Jameson (Clotilde, blanche et tendre comme la neige, et si crédule, si prompte à s’offrir), jusqu’à Mlle Lavigne, petite bonne qui s’occupe sérieusement de son affaire. Oui, tous ces artistes ont été dressés, spécialement pour cette comédie, par un auteur ami qui s’intéresse au sort de ses moindres personnages. Pensez-vous que le plombier, par exemple, puisse entrer, réparer un tuyau et sortir sans un mot ? M. Tristan Bernard l’arrête au passage, cause avec lui, le confesse et les deux ne se quittent qu’avec peine. Pourquoi M. Baur s’en va-t-il déjà, avec sa boîte ? Il était bien là, de la maison. Il devait avoir encore à nous dire des choses.

Jules RENARD

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La nouvelle comédie de M. Tristan Bernard me paraît son plus joli tour d’adresse. Certains sujets portent l’auteur. Voici une pièce où l’auteur a d’abord, et jusqu’à la fin, le sujet contre lui. Il ne suffit pas de le traiter, il faut le vaincre. À le juger par le récit de ce qu’il fait, ce Monsieur Codomat ne serait qu’un vilain mufle. Sur la scène, ce qu’il dit le transforme, sa manière l’excuse toujours. Il finirait par avoir le rôle sympathique : c’est un mufle charmant.

Monsieur Codomat, naturel et sincère, fait ça comme ça lui vient. Aucun cynisme. Il ne s’analyse point par pose, mais pour expliquer ses scrupules, dès qu’il croit les apparences contre lui. On riait avec une légère résistance d’honnêtes bourgeois chatouilleux et la petite peur que donne l’équilibriste. Une réplique forte et ingénue de Monsieur Codomat rassurait, et le rire gêné devenait éclat de rire. Que d’écueils frôlés, caressés, nonchalamment tournés ! C’était un fin succès, de qualité extrêmement rare.

La construction de ces trois actes est simple et irréprochable. Monsieur Codomat, architecte, aurait approuvé et signé le plan qu’il garderait d’ailleurs pour lui. Monsieur Codomat, gérant d’immeubles, fait, à propos d’une fuite d’eau, une visite à sa jolie cliente Clotilde. Cette jeune femme naïve le trouve distingué, beau et bon. Il se laisse admirer, puis aimer ; il la conseille et excuse, parce qu’elle a de l’argent, sa situation irrégulière. Il reste paternel, très noble, et quand il sort du cabinet de toilette, il sait dire : «Je suis heureux de vous connaître », comme si rien ne, s’était passé.

Clotilde lui confie son argent qu’il mêle avec le sien dans un tiroir, avant de le bien placer. Mais l’amant qui paie, le jeune et riche Lafauvette, respecte aussi Monsieur Codomat. Cet énorme bourgeois les séduit tous et les écrase. Lafauvette, naïf entreteneur, guidé par ce sage, verse ponctuellement les sommes que Clotilde dépose à la caisse commune. Soudain il veut se marier. — « Vous êtes fou » dit Monsieur Codomat ; et Clotilde ? — J’aime votre fille, dit Lafauvette — C’est différent je cède, par faiblesse — Comment rompre avec Clotilde ? — Ne suis-je pas là ? – Monsieur Codomat, toujours bon, toujours beau, toujours souriant, persuade Clotilde. Elle ira se régénérer en province — « J’apportais, dit-elle, ces derniers trois mille francs de Lafauvette. — Je ne peux plus les recevoir, dit Monsieur Codomat, il faut les lui rendre. » — Lafauvette, pour se montrer digne de Monsieur Codomat, assure à Clotilde, par acte notarié, une rente de dix mille francs par an. – « Dix-mille ! c’est gentil ! agréable .surprise ! murmure Monsieur Codomat furieux et correct. » Il aura l’œil sur ce petit gendre stupide.

M. Gémier a joué ce rôle redoutable avec une intelligence, une mesure, une pudeur, une perfection qui me mettent à l’aise pour lui dire que je ne l’aimais pas beaucoup dans Terre d’Epouvante. Oui, c’est un autre genre, et il porte. Mais un acteur comme Gémier me semble aussi nécessaire à Monsieur Codomat qu’inutile à M. Roussel, vague gouverneur.

Je suis sûr que la pièce de Tristan Bernard est également jouée comme il le désire, par tous les autres interprètes, depuis. M. Gerber (Lafauvette) jusqu’à M. Baur (plombier), depuis Mlle Jameson (Clotilde, blanche et tendre comme la neige, et si crédule, si prompte à s’offrir), jusqu’à Mlle Lavigne, petite bonne qui s’occupe sérieusement de son affaire. Oui, tous ces artistes ont été dressés, spécialement pour cette comédie, par un auteur ami qui s’intéresse au sort de ses moindres personnages. Pensez-vous que le plombier, par exemple, puisse entrer, réparer un tuyau et sortir sans un mot ? M. Tristan Bernard l’arrête au passage, cause avec lui, le confesse et les deux ne se quittent qu’avec peine. Pourquoi M. Baur s’en va-t-il déjà, avec sa boîte ? Il était bien là, de la maison. Il devait avoir encore à nous dire des choses.

Jules RENARD

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