Il fut un temps où l’on pensait que le mot grec crocodeilos venait de crocos (safran), et de deilos (peureux), ce qui faisait du crocodile l’animal qui a peur du safran : grâce à un savoir erroné, on retenait trois mots d’un coup et chacun, comme le jeune Montaigne, lisait couramment le latin. Aujourd’hui, les sciences du langage ont fait des progrès vertigineux, mais les lecteurs sont devenus fort rares. Pour combler ce fossé entre les spécialistes, de plus en plus savants et les sympathisants, de plus en plus désarmés, on a voulu, ce qu’on n’avait pas encore fait, retracer à grands traits l’histoire de la linguistique et, à travers elle, les principales étapes de cette autre formidable aventure collective qu’a été la constitution et le devenir d’une grande langue de civilisation. D’abord l’héritage indo-européen, pressenti dès le XVIIIe siècle qui découvre le sanscrit et invente un nouveau récit des origines ; puis l’enrichissement : le travail de la langue sur elle-même par préfixation, suffixation et composition ; mais aussi la polysémie, qui relève de la sémantique et distingue dans le mot une multiplicité de sens ; enfin l’évolution qui conduit aux langues romanes et en particulier au français, où le latin se lit encore par transparence. Ce sont ainsi non point une, mais plusieurs petites leçons de vocabulaire en gradation, illustrées par d’abondantes listes, où l’on pourra piocher et à l’occasion s’instruire ou se divertir : mille termes usuels, tellement justifiés, tellement évidents qu’on les retiendra comme par surcroît et sans peine. Pierre Laurens, professeur émérite à la Sorbonne, membre de l’Institut, est l’auteur de nombreux ouvrages couvrant deux millénaires, de la littérature grecque alexandrine à la littérature latine classique et à la littérature latine de la Renaissance.
Il fut un temps où l’on pensait que le mot grec crocodeilos venait de crocos (safran), et de deilos (peureux), ce qui faisait du crocodile l’animal qui a peur du safran : grâce à un savoir erroné, on retenait trois mots d’un coup et chacun, comme le jeune Montaigne, lisait couramment le latin. Aujourd’hui, les sciences du langage ont fait des progrès vertigineux, mais les lecteurs sont devenus fort rares. Pour combler ce fossé entre les spécialistes, de plus en plus savants et les sympathisants, de plus en plus désarmés, on a voulu, ce qu’on n’avait pas encore fait, retracer à grands traits l’histoire de la linguistique et, à travers elle, les principales étapes de cette autre formidable aventure collective qu’a été la constitution et le devenir d’une grande langue de civilisation. D’abord l’héritage indo-européen, pressenti dès le XVIIIe siècle qui découvre le sanscrit et invente un nouveau récit des origines ; puis l’enrichissement : le travail de la langue sur elle-même par préfixation, suffixation et composition ; mais aussi la polysémie, qui relève de la sémantique et distingue dans le mot une multiplicité de sens ; enfin l’évolution qui conduit aux langues romanes et en particulier au français, où le latin se lit encore par transparence. Ce sont ainsi non point une, mais plusieurs petites leçons de vocabulaire en gradation, illustrées par d’abondantes listes, où l’on pourra piocher et à l’occasion s’instruire ou se divertir : mille termes usuels, tellement justifiés, tellement évidents qu’on les retiendra comme par surcroît et sans peine. Pierre Laurens, professeur émérite à la Sorbonne, membre de l’Institut, est l’auteur de nombreux ouvrages couvrant deux millénaires, de la littérature grecque alexandrine à la littérature latine classique et à la littérature latine de la Renaissance.