Author: | Alphonse Karr | ISBN: | 1230003180877 |
Publisher: | Paris : E. Blanchard, 1851 | Publication: | April 12, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alphonse Karr |
ISBN: | 1230003180877 |
Publisher: | Paris : E. Blanchard, 1851 |
Publication: | April 12, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Un jeune homme était assis dans un coin d’une salle d’auberge, et avait devant lui un excellent souper auquel il ne touchait pas, tant il était préoccupé. Un autre homme, dans un autre coin, aurait volontiers donné toute son attention à un bon repas, mais l’aubergiste ne lui apportait rien.
Tout à coup il regarda le jeune homme qui soupait, eut l’air de le reconnaître, se leva et échangea avec lui quelques paroles qui n’excitèrent pas l’attention des autres convives, jusqu’au moment où le jeune homme qui avait à souper et n’avait pas faim dit à celui qui avait faim et qui n’avait pas à souper : « Hélas ! mon cher monsieur, chacun a ses chagrins ; et si, comme moi, vous aviez votre amante changée en poisson rouge. »
Mais ce récit peut sembler obscur, et je vais le reprendre de plus loin.
Il y avait une fois, sur les côtes de Normandie, au bord de la mer, une pauvre cabane couverte de chaume. Cette cabane appartenait à un pêcheur qui l’habitait avec sa femme et son fils. L’ameublement n’en était pas somptueux : les lits étaient faits de fougère arrachée sur la lisière des bois. Le père Laurent, le pêcheur, était habile dans son métier ; personne ne faisait et ne raccommodait mieux les filets ; personne ne disait mieux, au coucher du soleil, quel temps il devait faire le lendemain. Malheureusement il n’était plus jeune, et les fatigues et la misère l’avaient affaibli. Son fils André était fort et courageux, il avait un cœur excellent ; c’était pour ses pauvres parents l’espoir et la sécurité de leur vieillesse. Un matin, André, qui était allé chercher des homards sous les rochers, revint avec une petite fille qu’il avait trouvée couchée et endormie sur un lit d’herbes marines. Elle était si petite qu’elle ne parlait pas encore. Marthe, la mère d’André, chercha longtemps à qui pouvait appartenir ce pauvre enfant abandonné ; elle fit dire dans tout le pays qu’on avait trouvé un enfant ; mais personne ne se présentant pour le réclamer, Marthe dit : « C’est Dieu qui me l’envoie » ; et, de ce jour, la petite fille devint l’enfant de la maison. On l’appela Marie, doux et charmant nom fait avec les lettres du mot aimer. Elle grandit avec eux, appelant André son frère, et le père Laurent et sa femme son père et sa mère.
Un jeune homme était assis dans un coin d’une salle d’auberge, et avait devant lui un excellent souper auquel il ne touchait pas, tant il était préoccupé. Un autre homme, dans un autre coin, aurait volontiers donné toute son attention à un bon repas, mais l’aubergiste ne lui apportait rien.
Tout à coup il regarda le jeune homme qui soupait, eut l’air de le reconnaître, se leva et échangea avec lui quelques paroles qui n’excitèrent pas l’attention des autres convives, jusqu’au moment où le jeune homme qui avait à souper et n’avait pas faim dit à celui qui avait faim et qui n’avait pas à souper : « Hélas ! mon cher monsieur, chacun a ses chagrins ; et si, comme moi, vous aviez votre amante changée en poisson rouge. »
Mais ce récit peut sembler obscur, et je vais le reprendre de plus loin.
Il y avait une fois, sur les côtes de Normandie, au bord de la mer, une pauvre cabane couverte de chaume. Cette cabane appartenait à un pêcheur qui l’habitait avec sa femme et son fils. L’ameublement n’en était pas somptueux : les lits étaient faits de fougère arrachée sur la lisière des bois. Le père Laurent, le pêcheur, était habile dans son métier ; personne ne faisait et ne raccommodait mieux les filets ; personne ne disait mieux, au coucher du soleil, quel temps il devait faire le lendemain. Malheureusement il n’était plus jeune, et les fatigues et la misère l’avaient affaibli. Son fils André était fort et courageux, il avait un cœur excellent ; c’était pour ses pauvres parents l’espoir et la sécurité de leur vieillesse. Un matin, André, qui était allé chercher des homards sous les rochers, revint avec une petite fille qu’il avait trouvée couchée et endormie sur un lit d’herbes marines. Elle était si petite qu’elle ne parlait pas encore. Marthe, la mère d’André, chercha longtemps à qui pouvait appartenir ce pauvre enfant abandonné ; elle fit dire dans tout le pays qu’on avait trouvé un enfant ; mais personne ne se présentant pour le réclamer, Marthe dit : « C’est Dieu qui me l’envoie » ; et, de ce jour, la petite fille devint l’enfant de la maison. On l’appela Marie, doux et charmant nom fait avec les lettres du mot aimer. Elle grandit avec eux, appelant André son frère, et le père Laurent et sa femme son père et sa mère.