Les Deux Sources de la morale et de la religion

Biography & Memoir, Philosophers, Religious
Cover of the book Les Deux Sources de la morale et de la religion by Henri Bergson, Largau
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Author: Henri Bergson ISBN: 1230000251817
Publisher: Largau Publication: July 12, 2014
Imprint: Language: French
Author: Henri Bergson
ISBN: 1230000251817
Publisher: Largau
Publication: July 12, 2014
Imprint:
Language: French

Extrait du livre : 

Si l’auteur nous dit que « jamais activité humaine ne fit voir plus nettement derrière elle un agent vivant », il entend par là que l’intention et l’« animation » semblaient appartenir au tremblement de terre comme appartiennent à un agent vivant, situé derrière eux, les actes que cet agent accomplit. Mais que l’agent vivant soit ici le tremblement de terre lui-même, qu’il n’ait pas d’autre activité, pas d’autre propriété, que ce qu’il est coïncide par conséquent avec ce qu’il fait, tout le récit en témoigne. Une entité de ce genre, dont l’être ne fait qu’un avec le paraître, qui se confond avec un acte déterminé et dont l’intention est immanente à cet acte même, n’en étant que le dessin et la signification consciente, est précisément ce que nous appelions un élément de personnalité. Il y a maintenant un autre point dont on ne manquera pas d’être frappé. Le tremblement de terre de San Francisco fut une grande catastrophe. Mais à James, placé brusquement en face du danger, il apparaît avec je ne sais quel air bonhomme, qui permet de le traiter avec familiarité. « Tiens, tiens ! c’est ce vieux tremblement de terre. » Analogue avait été l’impression des autres assistants. Le tremblement était « pervers » ; il avait son idée, « il s’était mis en tête de détruire ». On parle ainsi d’un mauvais garnement, avec lequel on n’a pas nécessairement rompu toute relation. La crainte qui paralyse est celle qui naît de la pensée que des forces formidables et aveugles sont prêtes à nous broyer inconsciemment. C’est ainsi que le monde matériel apparaît à la pure intelligence. La conception scientifique du tremblement de terre, à laquelle James fait allusion dans ses dernières lignes, sera la plus dangereuse de toutes tant que la science, qui nous apporte la vision nette du péril, ne nous aura pas fourni quelque moyen d’y échapper. Contre cette conception scientifique, et plus généralement contre la représentation intellectuelle qu’elle est venue préciser, une réaction défensive se produit devant le péril grave et soudain. Les perturbations auxquelles nous avons affaire, et dont chacune est toute mécanique, se composent en un Événement qui ressemble à quelqu’un, qui peut être un mauvais sujet mais qui n’en est pas moins de notre monde, pour ainsi dire. Il ne nous est pas étranger. Une certaine camaraderie entre lui et nous est possible. Cela suffit à dissiper la frayeur, ou plutôt à l’empêcher de naître. D’une manière générale, la frayeur est utile, comme tous les autres sentiments. Un animal inaccessible à la crainte ne saurait pas fuir ni se garer ; il succomberait bien vite dans la lutte pour la vie. On s’explique donc l’existence d’un sentiment tel que la crainte. On comprend aussi que la crainte soit proportionnée à la gravité du danger. Mais c’est un sentiment qui retient, qui détourne, qui retourne : il est essentiellement inhibiteur. Quand le péril est extrême, quand la crainte atteindrait son paroxysme et deviendrait paralysante, une réaction défensive de la nature se produit contre l’émotion qui était également naturelle. Notre faculté de sentir ne pourrait certes pas se modifier, elle reste ce qu’elle était ; mais l’intelligence, sous la poussée de l’instinct, transforme pour elle la situation. Elle suscite l’image qui rassure. Elle donne à l’Événement une unité et une individualité qui en font un être malicieux ou méchant peut-être, mais rapproché de nous, avec quelque chose de sociable et d’humain.

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Extrait du livre : 

Si l’auteur nous dit que « jamais activité humaine ne fit voir plus nettement derrière elle un agent vivant », il entend par là que l’intention et l’« animation » semblaient appartenir au tremblement de terre comme appartiennent à un agent vivant, situé derrière eux, les actes que cet agent accomplit. Mais que l’agent vivant soit ici le tremblement de terre lui-même, qu’il n’ait pas d’autre activité, pas d’autre propriété, que ce qu’il est coïncide par conséquent avec ce qu’il fait, tout le récit en témoigne. Une entité de ce genre, dont l’être ne fait qu’un avec le paraître, qui se confond avec un acte déterminé et dont l’intention est immanente à cet acte même, n’en étant que le dessin et la signification consciente, est précisément ce que nous appelions un élément de personnalité. Il y a maintenant un autre point dont on ne manquera pas d’être frappé. Le tremblement de terre de San Francisco fut une grande catastrophe. Mais à James, placé brusquement en face du danger, il apparaît avec je ne sais quel air bonhomme, qui permet de le traiter avec familiarité. « Tiens, tiens ! c’est ce vieux tremblement de terre. » Analogue avait été l’impression des autres assistants. Le tremblement était « pervers » ; il avait son idée, « il s’était mis en tête de détruire ». On parle ainsi d’un mauvais garnement, avec lequel on n’a pas nécessairement rompu toute relation. La crainte qui paralyse est celle qui naît de la pensée que des forces formidables et aveugles sont prêtes à nous broyer inconsciemment. C’est ainsi que le monde matériel apparaît à la pure intelligence. La conception scientifique du tremblement de terre, à laquelle James fait allusion dans ses dernières lignes, sera la plus dangereuse de toutes tant que la science, qui nous apporte la vision nette du péril, ne nous aura pas fourni quelque moyen d’y échapper. Contre cette conception scientifique, et plus généralement contre la représentation intellectuelle qu’elle est venue préciser, une réaction défensive se produit devant le péril grave et soudain. Les perturbations auxquelles nous avons affaire, et dont chacune est toute mécanique, se composent en un Événement qui ressemble à quelqu’un, qui peut être un mauvais sujet mais qui n’en est pas moins de notre monde, pour ainsi dire. Il ne nous est pas étranger. Une certaine camaraderie entre lui et nous est possible. Cela suffit à dissiper la frayeur, ou plutôt à l’empêcher de naître. D’une manière générale, la frayeur est utile, comme tous les autres sentiments. Un animal inaccessible à la crainte ne saurait pas fuir ni se garer ; il succomberait bien vite dans la lutte pour la vie. On s’explique donc l’existence d’un sentiment tel que la crainte. On comprend aussi que la crainte soit proportionnée à la gravité du danger. Mais c’est un sentiment qui retient, qui détourne, qui retourne : il est essentiellement inhibiteur. Quand le péril est extrême, quand la crainte atteindrait son paroxysme et deviendrait paralysante, une réaction défensive de la nature se produit contre l’émotion qui était également naturelle. Notre faculté de sentir ne pourrait certes pas se modifier, elle reste ce qu’elle était ; mais l’intelligence, sous la poussée de l’instinct, transforme pour elle la situation. Elle suscite l’image qui rassure. Elle donne à l’Événement une unité et une individualité qui en font un être malicieux ou méchant peut-être, mais rapproché de nous, avec quelque chose de sociable et d’humain.

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