Author: | Erckmann-Chatrian | ISBN: | 1230003119624 |
Publisher: | Paris : Impr. du “Rappel, 1874 | Publication: | March 6, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Erckmann-Chatrian |
ISBN: | 1230003119624 |
Publisher: | Paris : Impr. du “Rappel, 1874 |
Publication: | March 6, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
En 1834, dit maître Nablot, sous le règne de Louis-Philippe, vivaient à Richepierre, en Alsace, sur la pente des Vosges, un honnête notaire, M. Didier Nablot, sa femme, Catherine, et leurs enfants : Jean-Paul, Jean-Jacques, Jean-Philippe, Marie-Reine et Marie-Louise.
Moi, Jean-Paul, j’étais l’aîné de la famille, et je devais, en cette qualité, succéder un jour à l’étude de notre père.
Ce bon temps de la jeunesse me revient dans toute sa fraîcheur : je vois notre vieille maison à l’entrée du village ; sa cour, entourée de hangars, de granges, d’écuries ; son fumier, où se promenaient les poules ; sa large toiture plate, où tourbillonnaient les pigeons, et nous autres enfants, le nez en l’air, jetant de hauts cris, pour chasser les moineaux qui venaient piller le grain dans le colombier.
Et puis, derrière les vieilles bâtisses vermoulues, je vois notre jardin, qui descend jusqu’au bas de la colline, avec ses bordures de buis le long des allées et ses carrés de légumes. La vieille servante Babelô, les cottes retroussées, coupe des asperges avec un vieux couteau terreux ; la mère cueille des haricots ou d’autres légumes de la saison, son grand chapeau de paille tombant sur les épaules et le panier au bras… Tout est là, devant mes yeux !
Au-dessus de nous s’étageait le village, montrant ses fenêtres innombrables, hautes, basses, rondes ou carrées ; ses vieux pignons garnis de bardeaux et de planches contre la pluie et le vent ; ses balustrades et ses escaliers de bois. Les femmes allaient et venaient le long des galeries ; et, tout au haut de la côte, les sentinelles se promenaient l’arme au bras sur les remparts du vieux fort.
C’est un spectacle que je n’oublierai jamais, un de ces souvenirs d’enfance beaux comme un rêve, parce qu’alors on ne pensait à rien ; que le déjeuner, le dîner, le souper vous attendaient tous les jours à la même heure, et qu’on dormait tranquillement sur la foi des bons parents, sans s’inquiéter du lendemain.
En 1834, dit maître Nablot, sous le règne de Louis-Philippe, vivaient à Richepierre, en Alsace, sur la pente des Vosges, un honnête notaire, M. Didier Nablot, sa femme, Catherine, et leurs enfants : Jean-Paul, Jean-Jacques, Jean-Philippe, Marie-Reine et Marie-Louise.
Moi, Jean-Paul, j’étais l’aîné de la famille, et je devais, en cette qualité, succéder un jour à l’étude de notre père.
Ce bon temps de la jeunesse me revient dans toute sa fraîcheur : je vois notre vieille maison à l’entrée du village ; sa cour, entourée de hangars, de granges, d’écuries ; son fumier, où se promenaient les poules ; sa large toiture plate, où tourbillonnaient les pigeons, et nous autres enfants, le nez en l’air, jetant de hauts cris, pour chasser les moineaux qui venaient piller le grain dans le colombier.
Et puis, derrière les vieilles bâtisses vermoulues, je vois notre jardin, qui descend jusqu’au bas de la colline, avec ses bordures de buis le long des allées et ses carrés de légumes. La vieille servante Babelô, les cottes retroussées, coupe des asperges avec un vieux couteau terreux ; la mère cueille des haricots ou d’autres légumes de la saison, son grand chapeau de paille tombant sur les épaules et le panier au bras… Tout est là, devant mes yeux !
Au-dessus de nous s’étageait le village, montrant ses fenêtres innombrables, hautes, basses, rondes ou carrées ; ses vieux pignons garnis de bardeaux et de planches contre la pluie et le vent ; ses balustrades et ses escaliers de bois. Les femmes allaient et venaient le long des galeries ; et, tout au haut de la côte, les sentinelles se promenaient l’arme au bras sur les remparts du vieux fort.
C’est un spectacle que je n’oublierai jamais, un de ces souvenirs d’enfance beaux comme un rêve, parce qu’alors on ne pensait à rien ; que le déjeuner, le dîner, le souper vous attendaient tous les jours à la même heure, et qu’on dormait tranquillement sur la foi des bons parents, sans s’inquiéter du lendemain.