Le Roman russe

Fiction & Literature, Essays & Letters, Essays, Literary
Cover of the book Le Roman russe by Eugène-Melchior de Vogüé, NA
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Author: Eugène-Melchior de Vogüé ISBN: 1230000257275
Publisher: NA Publication: August 3, 2014
Imprint: Language: French
Author: Eugène-Melchior de Vogüé
ISBN: 1230000257275
Publisher: NA
Publication: August 3, 2014
Imprint:
Language: French

Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.

Extrait: La littérature classique considérait l’homme sur les sommets de l’humanité, dans les grands transports de passion, en tant que protagoniste d’un drame très-noble, très-simple ; dans ce drame, les acteurs se partageaient certains rôles de vertu ou de méchanceté, de bonheur ou de souffrance, rôles conformes à des conceptions idéales et absolues sur une vie supérieure, où le ressort de l’âme serait tendu tout entier vers un but unique. En un mot, l’homme classique était le héros que toutes les littératures primitives ont seul jugé digne de leur attention. L’action de ce héros correspondait à un groupe d’idées religieuses, monarchiques, sociales et morales, fondement sur lequel reposait la famille humaine depuis ses plus anciens essais d’organisation. En grandissant son personnage pour le bien ou pour le mal, le poëte classique proposait un exemple de ce qui devrait être ou ne pas être, plutôt qu’un exemplaire de ce qui existait dans la réalité.
Insensiblement, depuis un siècle, d’autres vues ont prévalu. Elles ont abouti à un art d’observation plus que d’imagination, qui se flatte d’observer la vie telle qu’elle est, dans son ensemble et sa complexité, avec le moindre parti pris possible chez l’artiste. Il prend l’homme dans les conditions communes, les caractères dans le train de chaque jour, moyens et changeants. Jaloux de la rigueur des procédés scientifiques, l’écrivain se propose de nous renseigner par une analyse perpétuelle des sentiments et des actes, bien plus que de nous divertir ou de nous émouvoir par l’intrigue et le spectacle des passions. L’art classique imitait un roi qui gouverne, punit, récompense, choisit ses préférés dans une élite aristocratique, leur impose des conventions d’élégance, de moralité et de bien dire. L’art nouveau cherche à imiter la nature dans son inconscience, son indifférence morale, son absence de choix ; il exprime le triomphe de la collectivité sur l’individu, de la foule sur le héros, du relatif sur l’absolu. On l’a appelé réaliste, naturaliste : suffirait-il, pour le définir, de l’appeler démocratique ?
Non, ce serait un regard trop court, celui qui s’arrêterait à cette racine apparente de notre littérature. Le changement de l’ordre politique n’est qu’un épisode dans l’universel et prodigieux changement qui s’accomplit. Observez dans toutes ses applications le travail de l’esprit humain depuis un siècle ; on dirait d’une légion d’ouvriers, occupée à retourner, pour la replacer sur sa base, une énorme pyramide qui portait sur sa pointe. L’homme a repris à pied d’œuvre l’explication de l’univers ; il s’est aperçu que l’existence, les grandeurs et les maux de cet univers provenaient du labeur incessant des infiniment petits. Tandis que les institutions remettaient le gouvernement des États à la multitude, les sciences rapportaient le gouvernement du monde aux atomes. Partout, dans l’analyse des phénomènes physiques et moraux, on a décomposé et pour ainsi dire émietté les anciennes causes ; aux agents brusques et simples, procédant à grands coups de puissance, qui nous rendaient jadis raison des révolutions du globe, de l’histoire et de l’âme, on a substitué l’évolution constante d’êtres minimes et obscurs.

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Extrait: La littérature classique considérait l’homme sur les sommets de l’humanité, dans les grands transports de passion, en tant que protagoniste d’un drame très-noble, très-simple ; dans ce drame, les acteurs se partageaient certains rôles de vertu ou de méchanceté, de bonheur ou de souffrance, rôles conformes à des conceptions idéales et absolues sur une vie supérieure, où le ressort de l’âme serait tendu tout entier vers un but unique. En un mot, l’homme classique était le héros que toutes les littératures primitives ont seul jugé digne de leur attention. L’action de ce héros correspondait à un groupe d’idées religieuses, monarchiques, sociales et morales, fondement sur lequel reposait la famille humaine depuis ses plus anciens essais d’organisation. En grandissant son personnage pour le bien ou pour le mal, le poëte classique proposait un exemple de ce qui devrait être ou ne pas être, plutôt qu’un exemplaire de ce qui existait dans la réalité.
Insensiblement, depuis un siècle, d’autres vues ont prévalu. Elles ont abouti à un art d’observation plus que d’imagination, qui se flatte d’observer la vie telle qu’elle est, dans son ensemble et sa complexité, avec le moindre parti pris possible chez l’artiste. Il prend l’homme dans les conditions communes, les caractères dans le train de chaque jour, moyens et changeants. Jaloux de la rigueur des procédés scientifiques, l’écrivain se propose de nous renseigner par une analyse perpétuelle des sentiments et des actes, bien plus que de nous divertir ou de nous émouvoir par l’intrigue et le spectacle des passions. L’art classique imitait un roi qui gouverne, punit, récompense, choisit ses préférés dans une élite aristocratique, leur impose des conventions d’élégance, de moralité et de bien dire. L’art nouveau cherche à imiter la nature dans son inconscience, son indifférence morale, son absence de choix ; il exprime le triomphe de la collectivité sur l’individu, de la foule sur le héros, du relatif sur l’absolu. On l’a appelé réaliste, naturaliste : suffirait-il, pour le définir, de l’appeler démocratique ?
Non, ce serait un regard trop court, celui qui s’arrêterait à cette racine apparente de notre littérature. Le changement de l’ordre politique n’est qu’un épisode dans l’universel et prodigieux changement qui s’accomplit. Observez dans toutes ses applications le travail de l’esprit humain depuis un siècle ; on dirait d’une légion d’ouvriers, occupée à retourner, pour la replacer sur sa base, une énorme pyramide qui portait sur sa pointe. L’homme a repris à pied d’œuvre l’explication de l’univers ; il s’est aperçu que l’existence, les grandeurs et les maux de cet univers provenaient du labeur incessant des infiniment petits. Tandis que les institutions remettaient le gouvernement des États à la multitude, les sciences rapportaient le gouvernement du monde aux atomes. Partout, dans l’analyse des phénomènes physiques et moraux, on a décomposé et pour ainsi dire émietté les anciennes causes ; aux agents brusques et simples, procédant à grands coups de puissance, qui nous rendaient jadis raison des révolutions du globe, de l’histoire et de l’âme, on a substitué l’évolution constante d’êtres minimes et obscurs.

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