Author: | Gabriel Maurière | ISBN: | 1230000279838 |
Publisher: | JCA | Publication: | November 13, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Gabriel Maurière |
ISBN: | 1230000279838 |
Publisher: | JCA |
Publication: | November 13, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
C’était avant la guerre.
Avant la guerre — après la guerre : ces mots, comme un mur divisent le temps, partagent le monde, les souvenirs, les vies. Avant, Mathieu avait cinquante ans ; maintenant, il en tient soixante-dix et plus ! Assis contre la jambette de la cheminée, les coudes sur les genoux qui se touchent, les poings dans ses joues enfoncées, il semble soutenir, sur ses épaules maigres tout le poids de la lourde maison. Les objets de ménage traînent dans les coins et sur les meubles ; la poussière couvre les faïences peintes de l’étagère.
— Dans le temps, tout ça reluisait, ma bonne ! dit-il à sa vieille.
Dans le temps ! Un grand vide les sépare de ce passé : quand ils s’y aventurent, et c’est souvent, ils perdent toute envie d’agir. Si l’un ou l’autre tente de saisir un objet ou une idée, le bras retombe comme si le nerf était coupé, et la pensée s’enfuit, pareille à l’eau d’un seau percé…
…Il y avait là deux grands fils, blonds, rouges, musclés. Il y avait sous ces vastes charpentes de la ferme, deux larges garçons dont la force bruyante et brutale gouvernait les gens, faisait marcher les bœufs et obéir le taureau.
C’était avant la guerre.
Avant la guerre — après la guerre : ces mots, comme un mur divisent le temps, partagent le monde, les souvenirs, les vies. Avant, Mathieu avait cinquante ans ; maintenant, il en tient soixante-dix et plus ! Assis contre la jambette de la cheminée, les coudes sur les genoux qui se touchent, les poings dans ses joues enfoncées, il semble soutenir, sur ses épaules maigres tout le poids de la lourde maison. Les objets de ménage traînent dans les coins et sur les meubles ; la poussière couvre les faïences peintes de l’étagère.
— Dans le temps, tout ça reluisait, ma bonne ! dit-il à sa vieille.
Dans le temps ! Un grand vide les sépare de ce passé : quand ils s’y aventurent, et c’est souvent, ils perdent toute envie d’agir. Si l’un ou l’autre tente de saisir un objet ou une idée, le bras retombe comme si le nerf était coupé, et la pensée s’enfuit, pareille à l’eau d’un seau percé…
…Il y avait là deux grands fils, blonds, rouges, musclés. Il y avait sous ces vastes charpentes de la ferme, deux larges garçons dont la force bruyante et brutale gouvernait les gens, faisait marcher les bœufs et obéir le taureau.