Author: | Delphine Gay de Girardin | ISBN: | 1230001222944 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Delphine Gay de Girardin |
ISBN: | 1230001222944 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
As-tu vu Edgar depuis son retour ? disait Frédéric Narvaux à son ami M. de Fontvenel, en se promenant avec lui dans la grande allée des Tuileries.
— Non ; on m’a dit qu’il était bien changé.
— Ah ! mon cher, méconnaissable.
— Comment ! il a donc été malade ?
— Non pas, il se porte à merveille, et personne ne prouve plus que lui à quel point notre visage, notre tournure, dépendent de notre humeur.
— J’en conclus qu’il est fort maussade, et, ce qui est pis encore, qu’il est devenu fort laid.
— Non, vraiment ; bien au contraire ; les femmes le trouveront mille fois plus séduisant maintenant, car il a l’air sentimental, et c’est tout ce qu’elles aiment.
— Qu’est-ce que tu me dis là ? Edgar de Lorville devenu sentimental ! j’aimerais mieux croire que tu deviens dévot. Lui, ce bon enfant si frais, si réjoui, ne doutant de rien, présomptueux comme un avocat et confiant comme un mari ; qui voulait se battre pour une danseuse ; qui me demandait conseil à l’écarté quand je pariais contre lui, et qui reconduisit un soir son rival chez sa maîtresse sans reconnaître la maison ? — Eh bien ! oui, mon cher, cet ingénu n’est plus qu’un diplomate mélancolique. Il n’y a rien de tel que la diplomatie pour détruire un bon naturel. Imagine-toi un Werther fat ; l’air moqueur et découragé, le regard distrait, le sourire incrédule, n’écoutant pas ce qu’on lui dit ; comprenant tout de travers, et répondant de même ; vous lorgnant d’un air dédaigneux, d’une manière insupportable, et, par parenthèse, avec le plus vilain lorgnon que perruquier de vaudeville, faraud de boulevard, calicot de province, aient jamais porté de leur vie...
As-tu vu Edgar depuis son retour ? disait Frédéric Narvaux à son ami M. de Fontvenel, en se promenant avec lui dans la grande allée des Tuileries.
— Non ; on m’a dit qu’il était bien changé.
— Ah ! mon cher, méconnaissable.
— Comment ! il a donc été malade ?
— Non pas, il se porte à merveille, et personne ne prouve plus que lui à quel point notre visage, notre tournure, dépendent de notre humeur.
— J’en conclus qu’il est fort maussade, et, ce qui est pis encore, qu’il est devenu fort laid.
— Non, vraiment ; bien au contraire ; les femmes le trouveront mille fois plus séduisant maintenant, car il a l’air sentimental, et c’est tout ce qu’elles aiment.
— Qu’est-ce que tu me dis là ? Edgar de Lorville devenu sentimental ! j’aimerais mieux croire que tu deviens dévot. Lui, ce bon enfant si frais, si réjoui, ne doutant de rien, présomptueux comme un avocat et confiant comme un mari ; qui voulait se battre pour une danseuse ; qui me demandait conseil à l’écarté quand je pariais contre lui, et qui reconduisit un soir son rival chez sa maîtresse sans reconnaître la maison ? — Eh bien ! oui, mon cher, cet ingénu n’est plus qu’un diplomate mélancolique. Il n’y a rien de tel que la diplomatie pour détruire un bon naturel. Imagine-toi un Werther fat ; l’air moqueur et découragé, le regard distrait, le sourire incrédule, n’écoutant pas ce qu’on lui dit ; comprenant tout de travers, et répondant de même ; vous lorgnant d’un air dédaigneux, d’une manière insupportable, et, par parenthèse, avec le plus vilain lorgnon que perruquier de vaudeville, faraud de boulevard, calicot de province, aient jamais porté de leur vie...